Parler ici
de l’Eucharistie est légitime. Parce que l’Eucharistie est un repas. C’est d’abord un repas. On se rassemble
autour d’une table, on mange, on boit, on parle. Et l’on se retrouve autour du
Maître de maison, invisible mais bien réel dans le pain et le vin, dans sa Parole, dans l'assemblée.
Je n’ai jamais aussi bien compris l’Eucharistie qu’en participant au sacrifice dit païen, au Cameroun. Tous sont attentifs à ce que dit le maître du sacrifice, aux « paroles lourdes » qui s’adressent aux ancêtres. Tous attentifs, mais tous heureux d’être vivants et ensemble. La viande partagée scelle l’unité de la famille. C'est du sérieux, mais on n’est jamais loin du rire et de la blague, contrastant ainsi avec l’atmosphère trop souvent compassée et rigide de nos eucharisties.
Pourtant, il y a comme une connivence entre la messe
et la liturgie animiste : ici comme là-bas, ce sont des hommes, des
femmes, des enfants, avec leurs peines et leurs joies, qui se tiennent, les uns
devant leurs ancêtres, les autres devant leur Seigneur, et en définitive tous face
à Dieu que les kapsiki appellent « Dieu
dans le ventre du ciel », et nous "le Père
de Jésus". Ici comme là-bas, est vrai ce que dit Paul Domergue : « Le pain eucharistique n’est pas là pour être
regardé, promené, encensé, il est là pour être mangé ensemble. »
Le Concile a
heureusement rappelé que l’Eucharistie, sans renier son aspect de sacrifice, est
d’abord un repas, et sur la table il y a à la fois la Parole de Dieu et le Corps du Christ, une Parole et un Corps qui
aident à vivre . Un repas qui rassemble et fait des convives une vraie communauté.
St Paul le dit : « Puisqu’il
n’y a qu’un seul Pain, nous sommes tous un seul Corps. »
Il y a
jusqu’à la construction, rare, d’églises neuves qui ne soit pas neutre :
l’autel n’est plus tout seulet au fond du chœur, inaccessible au commun des mortels comme le
Saint des Saints dans le Temple de
Jérusalem; il est au centre d’un cercle où tous se voient, s’entendent,
chantent aussi fort que la chorale etc. ? J’ai aimé l’ouvrage de Jean-Noël Besançon
« La messe de tout le monde » ;
il y a là-dedans une explication lumineuse de la Messe après le Concile !
Bien d’autres aspects, très humains, très terre à terre, montrent que la Messe est d’abord un repas.
Entre autres : ce que je mange passe en moi et devient moi. Ma nourriture
passe dans mon sang, elle devient mon corps. N’est-ce pas ce qui se réalise
quand je communie au Corps du Christ ? Il y a comme une osmose entre Jésus
et moi-même. Il devient moi et je deviens lui. Au point que St Paul se permet
de dire : « Ce n’est plus moi
qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Et là, on n’est plus dans
le symbole, cela devient une
réalité ! Une réalité où l’humain rejoint le divin.
Tout ce que
nous disons là s’enracine dans l’Evangile. Relisez les Pèlerins d’Emmaüs en Luc
24, et vous aurez un résumé extraordinaire de ce qu’est l’Eucharistie.