On aime se représenter Jésus assis sur un rocher et parlant à un auditoire attentif et recueilli. Ou Jésus seul en prière, de préférence les yeux au ciel. Or, quand on lit les évangiles, on se rend compte que Jésus passe aussi pas mal de temps à table. Pour le français moyen, c’est rassurant !
Ainsi, Jésus
prend son temps pour s’asseoir avec ses apôtres, avec des grands, même avec des
pécheurs. Il est là à partager quelque
bon morceau, mais aussi à écouter – il écoute beaucoup, et ça parle dans son
cœur – et à causer comme on fait entre gens civilisés… On ne sait pas si ce
furent de franches lippées, disons simplement qu’on dut sentir combien le
Maître appréciait ces temps de convivialité.
Jésus
prenait le temps de manger, sauf quand les foules étaient trop denses, trop
exigeantes. Ces jours-là, il partageait le sort des hommes publics,
littéralement « mangés » par leur mission et par le message à transmettre.
L’Evangile dit qu’il « ne trouvait
pas le temps de manger » (Marc 3/20). Et les gens « buvaient ses
paroles », littéralement.
Jésus
acceptait volontiers les invitations, chez les riches comme chez les humbles,
chez les pharisiens comme chez ses amis, même aux noces comme à Cana ! Il
y allait, et tant pis pour les grincheux qui osaient le traiter d’ivrogne (Matthieu 11/19).
Face aux
repas de Jésus, il y a cet autre repas de sang, horrible, où la tête de
Jean-Baptiste arrive au milieu des plats, « sur un plateau », entre
la poire et le fromage ! Daniel Marguerat fait remarquer que ce n’est pas
seulement la tête de Jean-Baptiste qui est tranchée, mais sa parole de prophète qui est coupée… Un repas
de sauvages qui préfigure la mort du Christ, crucifié pour l’empêcher de parler
lui aussi… Encore aujourd’hui, les dictateurs de tout poil savent très bien
fermer la bouche de leurs opposants.
Jésus, de son côté, ne fait jamais
la morale à froid, mais il voit, il écoute, il se soucie
du pauvre Lazare. Mieux encore : il ouvre les convives à la splendeur de
Dieu, car la table les prépare à une autre table, la table eucharistique. Nous verrons
cela. En attendant, rappelons avec Bernard Sesboué que l’Incarnation, c’est la
conversation entre amis, les repas pris ensemble, la fête, le labeur partagé. Jésus,
grâce à ces choses de la vie, nous connaît de l’intérieur, et c’est toujours là
que nous le rencontrons.
Et à travers
Jésus, nous comprenons Dieu, comme dit JM Ploux dans « Dieu n’est pas ce que vous croyez ».