La Mission,
c’est annoncer l’Evangile. D’accord, mais comment annoncer l’Evangile à
quelqu’un qui est par terre, qui a peur, qui n’est plus maître de sa vie? Jésus
a guéri le paralytique, mais il lui a dit aussi : « Lève-toi ! »… D’expérience, je
sais que le premier geste de la Mission, c’est d’aider les pauvres à se lever.
Je ne parle
pas seulement de ceux qui ont les poches perpétuellement trouées. Il y a aussi,
et surtout, ceux que la peur tient courbés, tremblants, cherchant toujours à
faire plaisir aux grands. Ah ! La peur dans les yeux ! Ceux-là, il
faut les aider à devenir des hommes libres, fiers, droits dans leurs bottes.
Les aider tous, croyants ou pas, jeunes ou moins jeunes. Car seuls des hommes
libres sont capables d’entendre le message d’amour de l’Evangile.
En cela, la
Mission telle que je l’ai connue, se rapproche de la fameuse « théologie de la libération »
d’Amérique Latine. J’ai rencontré maints prêtres de retour du Brésil. De vraies
rencontres, où tout naturellement nous étions de plain-pied les uns avec les
autres. Pour le Nord-Cameroun, j’affirme que la libération des pauvres a été le
ciment de notre pastorale. Une pastorale boostée, encouragée par notre évêque… J’affirme
que la Mission, ici comme ailleurs en Europe, sans son message de libération
des humiliés, des sans-papiers, des réfugiés, ne serait que du racolage.
Bon et
après, une fois que l’homme s’est mis
debout ? Après, c’est le secret de Dieu. En tous cas, est-ce pensable de
dire à un malien, à un érythréen : « Après ce qu’on a fait pour toi, j’espère que tu te feras
catholique ??? » Pour guérir le fils du centurion, Jésus n’a pas
demandé sa carte d’identité au papa ! Il n’a vu qu’un homme écrasé par le
chagrin. Notre évêque avait l’habitude de dire à propos des « dispensaires
de la mission » : « Il
n’y a pas de piqûre catholique. »
Pour finir,
rappelons la parabole du semeur. Prêcher l’Evangile à un homme qui n’est pas
libre, c’est comme si tu semais le grain dans les cailloux Avant de semer,
prépare la terre, fais-la respirer ! J’aime bien ce que dit Xavier de
Maupeou, évêque au Brésil : « J’ai
écrit un texte contre l’avortement, en demandant pourquoi ils ne luttaient pas contre l’avortement qui
vient de la faim, des mauvais traitements ? » Et Zundel :
« Le problème, c’est de savoir si
nous pouvons devenir des hommes. »