lundi 16 mars 2009

A six ans, j'étais un réfugié


L'autre jour avec un ami, nous arpentions la dune, espérant lever quelque lapin ou une possible bécasse. Et soudain, en traversant un hallier, nous sommes tombés sur une tente, désertée par ses occupants, mais visiblement depuis peu. Des réfugiés, des migrants... Avaient-ils fui à notre approche?


Entre Calais et Dunkerque, on les rencontre partout, campant dans les fossés, déambulant sans but au long des routes, le capuchon serré sur la tête à cause du froid.


Pour moi, le symbole du réfugié, c'est le passeport. Passeport écorné, maculé, constellé de cachets. Au Cameroun, je lisais: "Entré au Nigéria le 10.03, sorti du Nigéria le 12.03; entré au Tchad le 12.03, sorti du Tchad le 13.03; entré au Cameroun etc... La misère de la terre errant dans les rues de Maroua: Sierra-Léonais, Libériens, Rwandais, Erythréens. Perdus, muets car anglophones, les yeux pleins de la peur qu'ils avaioent vécu.


Vers Calais aussi, ils ont peur; mais je n'ai jamais autant compris combien la fureur de vivre peut amener des hommes, des familles, à supporter des choses incroyables.


Oui, je me souviens - un peu. J'avais six ans en 1940: le chaos sur la route du cap Gris-Nez, la maison normande qui tangue comme un bateau ivre sous les bombes allemandes, mon père m'enveloppant dans une couverture pour se précipiter à la cave. Je me souviens, et cela m'aide à comprendre les yeux hagards des réfugiés de Sangatte.

Aucun commentaire: