mardi 4 octobre 2011

Jacquot

C'était une petite dame très très malvoyante. Pourtant, chose curieuse, elle avait des yeux rieurs et un si joli sourire! Elle s'appelait Jacqueline, mais - allez savoir pourquoi - elle voulait qu'on l'appelle Jacquot.

Jacquot était devenue la vedette du car qui nous emmenait à Lourdes avec le pèlerinage Lourdes Cancer Espérance (LCE). Trônant sur la banquette arrière, elle avait l'ouïe fine malgré le bruit, comme souvent les malvoyants. Perpétuellement coiffée d'un grand chapeau noir, compromis entre le borsalino et le capéo provençal, elle avait à la main une bizarre canne à tête chercheuse, qu'elle escamotait prestement au moindre arrêt.

J'ai retrouvé Jacquot à Lourdes. De bonne grâce, elle se laissait véhiculer en voiturette, mais il m'est arrivé de l'escorter à pieds jusqu'à la Vierge couronnée. Légère, elle s'appuyait sans façon a mon bras, écartant joyeusement la foule de sa fameuse canne, entendant tout, comprenant tout.

Pour moi, Jacquot est devenue un symbole. Symbole de cet immense rassemblement de chrétiens ayant eu, ou ayant, maille à partir avec le cancer. Tout ce monde flirtant, ou ayant flirté avec la mort, faisait de ce pélerinage une démarche vraie. Quelque 5500 personnes, dont une cinquantaine d'enfants, ont clamé pendant une semaine, non seulement leur joie d'être en vie, mais leur désir de vivre. C'était palpable dans la prière, dans ces axtraordinaires célébrations à la basilique souterraine. De fait, cela donnait à cet immense rassemblement une ambiance de vérité, où les différences sociales s'estompent, où plus personne ne se retrouve seul avec sa souffrance.
Car de la souffrance, il y en a! Témoins les carrefours. Mettre des milliers de gens par tables de huit, il faut le faire! On l'a fait, et chacun put dire ce qui lui "tordait le coeur", passant souvent du sourire aux larmes. Telle cette jeune femme plaquée par son mari dès qu'il eût appris sa maladie, ou cette autre dont le fils avait lâché ses études pour devenir SDF...

Nous avons besoin de ces instants de vérité, nous autres missionnaires! Cela nous fait sortir de nos livres et de nos pensées profondes pour retrouver ce monde où le drame est entré. Un monde qui sourit bravement... Sourire de la vie, sourire de Dieu.

Merci Jacquot.

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