jeudi 1 août 2019

5. les perversions du don de soi.



Qu’est-il arrivé à Robert Mugabé, le potentat du Zimbabwé  sorti par un putsch militaire, il y a quelque temps ? De militant pour l’indépendance de son pays, tout donné à « la cause », ayant passé dix ans dans les prisons du pouvoir blanc, il s’est mué peu à peu en tyran sanguinaire ! Après avoir affronté la mort pour lui-même, il a imposé la mort aux autres, et ce pendant des années. Au début, il croyait que pour vivre il fallait accepter de mourir. Ensuite, il a pensé que pour vivre, il fallait faire mourir les autres.
Que s’est-il passé ? C’est un cas extrême, mais typique : le don de soi du jeune Mugabé s’est mué peu à peu en recherche de soi, du pouvoir à tout prix. Comme quoi tout engagement pour les autres peut se pervertir… Dans la Bible, le diable manie la soif de pouvoir avec beaucoup de savoir-faire !

La lutte de Mugabé pour libérer son pays fut-elle gangrenée dès le départ par une ambition démente ? Nous ne savons pas. Toujours est-il qu’à l’instar du dictateur, on peut utiliser son propre dévouement comme une échelle pour parvenir à la gloire, à l’admiration des autres. Bien sûr, dans le don de soi il y a le désir de se réaliser, de donner un sens à sa vie, c’est normal. Mais quand la soif de réussir prend le pas sur l’amour sans calculs, alors casse-cou !

D’accord nos engagements ne sont jamais chimiquement purs, il y a toujours un peu de recherche de soi, de recherche de l’estime de soi. C’est pourquoi il est très nécessaire de s’arrêter de temps en temps, de s’asseoir pour faire le point : « Pour quoi suis-je envoyé ? Est-ce que cela me rend heureux ? Est-ce que je cours trop ? Et la place de la prière là-dedans ? »

J’ai connu des personnes qui agitaient leur dévouement comme un drapeau, un peu à la manière de St Paul. Il faut relire l’étonnante énumération en 2 Cor11/23-26.  Cela me gêne  de dire cela,   car il ne faut pas décourager les bonnes volontés. Mais dans l’engagement, le facteur temps est important. Pour que le don reste authentique, il faut sans cesse se remettre en question, surtout au moment où tu es appelé à prendre de plus grandes responsabilités. Rien de pire que les « fonctionnaires de la bienfaisance » et les don Quichotte du dévouement.
Ça ne va pas, il ne faut pas encombrer les autres avec notre bonne volonté. Et là, nous arrivons à un autre mystère. S’il te faut garder humilité et humour dans le don de toi-même, c’est que ton engagement ne sera vrai que s’il envisage la mort. Voilà : jusqu’à la mort. Mais quelle mort ?


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