samedi 16 avril 2022

L’homme qui marche.


 


            « L’homme qui marche » : c’est le titre du beau petit livre de Christian Bobin sur Jésus[1]. Pour lui, Jésus n’arrête pas de marcher, de Nazareth à Capharnaüm, de Galilée en Judée, toute la Palestine. Avec quelques escapades de l’autre côté du Jourdain… Curieux quand même : cet homme resté 30 ans à Nazareth, le voilà qui ne tient plus en place ! Pourquoi ? C’est qu’il a un message à délivrer... Et de fait, il y a ce Royaume de Dieu qui vient et qui le brûle, qu’il doit annoncer.

            Alors Jésus devient la plus belle image de Dieu venant à la rencontre des hommes, ce Dieu de l’Ancien Testament que nous avons vu nomade un moment, marchant avec son Peuple pendant 40 ans… Après le désert, Dieu se plaignait qu’on veuille le retenir dans le Temple de Jérusalem, lui le Libre ! Oh certes, on répétait très haut que Dieu n’était pas comme les hommes, qu’il était libre et tout. Et les prophètes ne se faisaient pas faute de rappeler la liberté de Dieu. Mais quand même, on était content de le savoir dans le Temple, pas prisonnier mais à portée de main tous les jours. Un Bon Dieu portatif en somme…. Il y avait bien les Samaritains qui disaient avoir Dieu sur leur montagne. Mais c’était des hérétiques.

            Et voilà Jésus, figure bien réelle de Dieu qui marche, libre de tout… Qu’est-ce qui le poussait ainsi à bouger sans cesse, sinon l’amour des hommes ? L’amour des gens, surtout des pauvres et des pas-dans-le-bain. Jésus avait au cœur le désir de rencontrer, de toucher, de consoler : la  dame toute tordue[2], le vieux paralysé des deux jambes[3], le gamin de la multiplication des pains[4]… C’était comme une lumière qui traversait les villages, qui s’arrêtait, illuminant de sa parole claire, qui plus loin faisait se lever un malade, plus loin encore touchait un lépreux . Et l’amour – qui est l’Esprit-Saint – faisait dire à Jésus : « C’est pour cela que je suis envoyé[5]. »

            Alors ceux qui voulaient le suivre, devaient lui emboîter le pas. Certains pour quelques kilomètres, d’autres qui ne le lâchaient pas. Alors ceux-là comprenaient, ou auraient dû comprendre que personne n’est propriétaire de Dieu. Un Dieu qui marche, personne ne peut le fixer, à l’instar des gens du voyage. En Tchécoslovaquie, le régime communiste n’avait de cesse qu’il n’eût  « fixé » les gitans. Mais la Révolution de velours finie, beaucoup reprirent la route… Et les soldats allemands avaient inscrit sur leur ceinturon : « Dieu avec nous ! » Ouais, mais à force de dire ça, on finit par se prendre pour le bon Dieu lui-même. Demandez aux dictateurs de tout poil qui fleurissent actuellement, demandez-leur ce qu’ils pensent d’eux-mêmes. Les voilà assis sur leur trône pour trente, quarante ans : des dieux assis, qui ne bougent que si on les met dehors !

            Non, l’image que les évangiles nous donnent de Dieu, c’est Jésus qui marche, qui « sort » de chez lui, comme dit le pape quand il parle de la Mission. Que François passe en Bosnie ou en Irak, il y a toujours, invisible mais réel, Dieu qui marche. Pas parce que le pape est le pape, mais parce qu’il fait comme tout chrétien qui se lève pour aller vers ses frères.



[1] Christian Bobin, L’homme qui marche, ed Le temps qu’il fait, 1995

[2] Marc 5/25

[3] Marc 2/1-12

[4] Jean 6/8

 

 

 

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