lundi 26 janvier 2009

Vous avez dit "Ouverture"?



Que l'évêque de Toulon appelle le dernier geste du Pape envers les évêques intégristes, une "ouverture", on peut s'y attendre de sa part. Mais que le terme soit repris par l'archevêque de Paris, alors je fais une "demande d'explication", ce qu'en Afrique on appelle avec humour une "demande de complications".


Jai sans doute tort de m'étonner, car il y a eu des précédents: je pense que les moins sages parmi les Troyens ont vu eux aussi, dans l'introduction du cheval dans leurs murs, une "ouverture"?...


A quels autres bêlements aurons-nous droit encore? Chaque fois que Rome fait un geste vers les intégristes, on entend :"Non non, ce n'est rien! Rassurez-vous!" Qu'un évêque intégriste anglais se mue en négationniste, aurons-nous droit encore au "Rassurez-vous!"? Et au prochain "geste prophétique" du


Vatican, par exemple la béatification d'Adolf Hitler, faudra-t-il encore nous rassurer?


Trop, c'est trop. Comme missionnaire, je me sens désavoué. Trente-sept ans en Afrique, neuf ans dans les cités de Marseille, cela fait quarante-six ans que j'essaie d'être fidèle au Concile. Pas seul bien sûr: le Concile avait soulevé une vague d'enthousiasme parmi les Oblats et dans les communautés chrétiennes. Aider les laïcs à prendre leurs responsabilités, rencontrer les protestants et traduire la Bible avec eux, acculturer la liturgie, et à Marseille accueillir les incroyants, nous serions-nous trompés?


Et maintenant, les termites, tout doucettement, tout douceureusement, tout onctueusement, sont en train de grignoter l'immense espoir de l'Eglise. Si un jour se produit un schisme dans l'autre sens, on l'aura bien cherché!


Benoît mon frère, descends de ton ciel!

vendredi 23 janvier 2009

La langue de tout le monde

"La Parole de Dieu, c'est meilleur que le miel liquide!" chante Catherine. Réponse - toujours chantée - de l'assemblée :"Mieux que le miel liquide, dis-tu? Non! C'est meilleur que le poulet frit à l'huile!" Ainsi chantent les kapsiki, et à les entendre reprendre en choeur, un sourire en coin sur les lèvres, on comprend que c'est leur louange, avec des mots de chez eux. Tout juste si l'on ne hume pas l'odeur de la friture (excusez l'exagération, je viens de faire 9 ans à Marseille).
Quand l'Eglise comprendra-t-elle que ce ne sont pas les gens qui doivent s'adapter aux théologiens ou aux liturges, mais bien ces derniers qui doivent descendre dans la rue? Dieu merci, bien des choses ont changé depuis le Concile, mais quand même: des oraisons traduites du latin et servies telles quelles sont peut-être d'une concision et d'un contenu théologique époustouflants, mais elles ne disent rien aux gens d'aujourd'hui! Que n'imitons-nous ce missel italien où, après l'oraison "officielle", on trouve une autre prière simple et adaptée à l'évangile du jour?
Et la prière universelle! Je veux bien, d'un dimanche à l'autre, "prier pour les malades et les prisonniers". Mais si je priais pour la famille d'Olivier, emprisonné à Laon et qui s'est suicidé le 1er janvier 2009 (Le Monde du 16.01.09), je saurais que derrière Olivier se profilent les 63.619 personnes incarcérées aujourd'hui en France, et leurs familles.
Bien sûr, la langue litugique doit garder sa force symbolique pour accéder au Mystère de Dieu, mais justement, même en 2009 nous vivons entourés de symboles: les langages politiques, sportifs en usent à profusion, et les gens comprennent. Alors?
"J'ai fait un rêve": on m'a dit que le pape, lors de sa dernière visite à Paris, est entré à Notre Dame. Et - paraît-il - quand il en est sorti, il n'était plus le même... Alors je rêve: si la liturgie, dans sa "noble sobriété", entrait dans le Peuple chrétien - cette autre cathédrale - en sortirait-elle changée, elle aussi?

jeudi 15 janvier 2009

Unité


A Lumière, la Chapelle des Missions est classée. On lui reconnaît donc une vraie valeur artistique. Bien. Le "modern style" des années 30, on aime ou on n'aime pas; il y a comme une raideur dans les lignes, dans les attitudes..; mais une des raisons qui font la valeur de cette chapelle, c'est l'unité de son style. Des vitreaux aux lustres, du tabernacle aux chandeliers, tout se tient, tout est de la même eau.

Reconnaissons-le: un autel tarabiscoté du 18ème n'aura pas forcément sa place dans une abbaye cistercienne, alors qu'un autel moderne de style plus pur, plus dépouillé, cadrera beaucoup mieux et entrera aisément dans l'ambiance.

Car derrière l'unité du style, il y a une intention: ce peut être l'exaltation de la Gloire comme à St Pierre de Rome, ce peut être un lieu de prière où rien de superflu, ni de statue à part celle de Marie, n'accroche le regard et l'âme, où tout est tourné vers Dieu là présent.

C'est à partir de cette unité qu'un lieu trouve son âme. Cette âme, je l'ai trouvée dans certaines églises au Cameroun, où la pierre se marie heureusement avec l'ocre blanche, rouge et noire; et l'ensemble chante, très simplement.

Qui ne rêve de donner un style à sa vie, à la manière d'une église romane du 11ème siècle? Qui ne cherche à lui donner un sens, ce sens qui fera son unité?

samedi 3 janvier 2009

Rois mages


Il y a de ces souvenirs tenaces... Douvangar, Nord-Cameroun, en pays mofou. J'avais été invité par le prêtre de la montagne, Vremtey, à un sacrifice pour le village.

C'était la nuit, dans l'ancien saaré (l'enclos familial) du chef, une ruine au sommet de la montagne. J'entre dans l'immense salle d'accueil. Nuit noire, seules les étoiles brillent à travers le toit crevé... Et peu à peu je devine: les princes et tous les chefs de famille sont là, entourant le prêtre dans un silence absolu. Un silence concentré, palpable, religieux.

Alors Vremtey s'est mis à parler. Il a parlé longtemps, approuvé, toujours en silence, par les assistants battant lentement des mains.Un discours rude et heurté à la manière mofou, très cru parfois. Mais l'enjeu, la paix dans la montagne, est au bout des paroles.

Puis ce fut le sacrifice, dont je ne puis révéler la teneur. Mais peu importe: j'étais chez les rois mages! Ils m'avaient invité, mais je n'étais plus l'invité. Avec eux, pas plus qu'eux, je communiais à l'Esprit de la montagne. Comme eux j'étais à la poursuite d'une étoile, l'étoile de la paix pour le village.

L'Epiphanie, n'est-ce pas cette rencontre émerveillée - un émerveillement réciproque - entre les religions dites "non chrétiennes" et le Christ Jésus?