vendredi 19 février 2021

Communautés 2

 

         Quand, dans les Actes des Apôtres, on lit une description des premières communautés chrétiennes, on comprend comment l’Eucharistie, rappel de la présence du Seigneur, a réuni les chrétiens dès le début de l’Eglise. Je n’invente rien ! Tenez, lisez : « Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres, à la fraction du pain. » Et St Paul en 1 Cor 10/17 : « Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous mangeons tous le même pain. »… La colonne vertébrale des premières communautés, c’est Jésus présent dans l’Eucharistie… Et, recevant le sacrement, les gens savaient qu’ils devenaient eux-mêmes sacrement (signes) du Christ.  Dans leur joie, ils le criaient sur les toits !...

            Voilà,   aujourd’hui encore, la marque de toute communauté chrétienne : chrétiens et catéchumènes se rassemblent autour de la Parole de l’Evangile, et – si possible – autour du Corps du Christ. Au Nord-Cameroun, quand une communauté voit le jour, elle construit d’abord une chapelle, si pauvre soit-elle, avant de penser école ou dispensaire. Le centre, l’âme, la joie de la communauté, c’est le Seigneur.

            Mais il y a d’autres traits qui constituent le pedigree de toute communauté chrétienne. D’abord, c’est un groupe qui pratique le pardon. Benoît 16 parlait de « communautés de miséricorde ». Parce qu’il faut bien voir : la communauté chrétienne n’est pas une bande de bons copains ; on ne se choisit pas ! Yvon Filippini va jusqu’à dire qu’il peut s’y trouver des « ennemis », des gens qui ne se comprennent pas, qui se font souffrir. Alors vous comprenez, s’il n’y a pas de pardon, la communauté devient un petit enfer. Ce ne sont pas nos états d’âme qui nous réunissent, mais le Seigneur « qui fait pleuvoir sur les bons comme sur les méchants ». Rappelons aussi que pardonner n’est pas seulement passer l’éponge ;  il s’agit aussi de positiver sur les autres.

                Un autre trait de la communauté chrétienne: dans la communauté
, on accepte la contestation, on ne se débine pas à la moindre contradiction. Nous ne sommes pas des oursins, mais des gens qui ne détiennent pas la vérité tout seuls !

            La communauté est ouverte. Renan disait que l’Eglise « est une secte qui a réussi ». Ouais !!! Si l’Eglise a réussi, c’est justement parce qu’elle est ouverte à tous, le contraire d’une secte…. Dans l’Eglise, nous sommes en pleine mondialisation  avant la lettre !   Depuis longtemps l’Eglise essaie de pratiquer cette mondialisation, mais c’est celle du cœur.

            Il y a bien d’autres traits de la communauté chrétienne. Par exemple : dans la communauté, l’air est léger, l’humour et le rire ne sont jamais loin. C’est très important le rire, voire la fantaisie. Quand on participe à une réunion de communauté, d’entrée de jeu on sent cette ambiance légère.

            Et puis, à mesure qu’elle grandit, la communauté invente son art de vivre propre, original. Deux exemples : dans un village, les femmes chrétiennes s’étaient constituées en « brigade», dont le rôle consistait à partir ensemble, bille en tête, pour ramener les femmes ayant déserté leur foyer. Deuxième exemple : des jeunes avaient fondé les JCC (Jeunes Chrétiens Créatifs). Leur rôle : par l’amitié et la vie ensemble, ramener les autres jeunes tentés par les sectes.  Je les appelais les « insecticides ».

            Pour finir, rappelons encore Benoit 16 : « Pour vivre en chrétien, il faut faire l’expérience de la communauté »

            C’est ça d’abord l’Eglise !

 


lundi 1 février 2021

Aigles

 

            Il y a plein de rapaces en Camargue. Preuve qu’il y a beaucoup de proies ! C’est un signe de santé. On en trouve partout, perchés à la fine pointe d’un poteau, ou planant très haut en orbes calmes, profitant des mouvements de l’air, sans un battement d’ailes, 
la queue servant de stabilisateur ; ils se jouent du soleil et des nuages.

              Les plus beaux ce sont les aigles. L’aigle  royal reste confiné aux Alpes ; mais en Camargue, on rencontre l’aigle de Bonelli nichant dans le Luberon ou les Alpilles, ou le circaète, le premier plus timide que le second. On les reconnait de loin à leurs cris aigres, surtout aux plumes terminales des ailes en éventail…

            Il ne faut pas perdre de vue le circaète, car souvent il suffit d’une seconde d’inattention pour manquer ses plongeons fulgurants sur une couleuvre repérée de très haut. C’est toujours émouvant de suivre son vol tournant, vol majestueux comme s’il s’estimait plus haut que les rampants sans ailes ! Au vrai, il est supérieur quand, piqué au fin haut de son poteau à haute tension, il fixe des yeux le surmulot, là tout en bas, avant de fondre droit dessus.

            Il y aussi le balbuzard pêcheur, aperçu en septembre. Si ce n’était sa taille, on le prendrait pour un aigle ! Là encore, le spectacle est rare de le voir plonger de très haut, serres en avant, droit dans l’étang du Vaccarès, avant de ressortir de l’eau avec un gros poisson. A moins qu’il ne surprenne ses proies en rase-motte…  Le métier de balbuzard est dur, car il rate sa proie plus souvent qu’il ne l’attrape ! Mais le spectacle est toujours saisissant.

            Il n’est pas étonnant que la charge symbolique de l’aigle soit forte, tant sa prestance, sa force, sa vue  le font voisiner avec les oiseaux mythiques comme le phénix ; depuis les indiens jusqu’aux empereurs, l’aigle est emblème de puissance. Autrichien et russes en rajoutaient même en lui faisant deux têtes !

            Dans la Bible, le symbole varie : l’aigle a une vue perçante et, dit-on, il est capable de regarder le soleil en face, à l’instar du Christ de St Jean l’évangéliste qui scrute le fond des cœurs et voit le Père. Déjà, comme l’aigle, le Dieu de l’Ancien Testament fondait sur sa proie en lançant des ennemis contre son Peuple rebelle (Deutéronome 28/49). Il lâchait le roi de Babylone et  Pharaon, ces « grands aigles » qui en feraient voir à Israël (Isaïe 17/3-7).

            Mais aussi, l’aigle biblique peut être symbole de tendresse :

« Tel un aigle qui éveille sa nichée et plane au-dessus de ses petits, il déploie son envergure, il le prend, il le porte sur ses ailes. » Deutéronome 32/11

            Et aux Hébreux après leur libération d’Egypte : « Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Egypte, et comment je vous ai portés sur les ailes d’un aigle et vous ai amenés jusqu’à moi. » Exode 19/4

            Décidément,  même en Camargue, on voit de très belles choses qui vous aident à entrer dans la contemplation de Dieu !