samedi 8 octobre 2022

Plaidoyer

 

             Je reviens d’une exposition des œuvres de Branksi à la cité des Arts de rue, de Marseille. On y fait bonne place à l’imagination et à l’inédit, au gentiment farfelu. Le tout sur fond d’humour, un humour fort contestataire. Cela ne manque pas de plaire à nous français, à nos tripes voltairiennes et toujours un peu soixante-huitardes.

            J’ai découvert avec bonheur que les artistes anglais ne sont pas en reste dans la contestation. Ils vont jusqu’à donner une face de chimpanzé à la Queen, à emmener la Joconde dans un caddy, d’équiper ladite Joconde d’un bazooka. C’est sympa !.. Une des œuvres-phare de l'exposition est un black-block, casquette à l’envers et cagoule de rigueur ; mais là nous touchons à la poésie, car au lieu d’un pavé, le garçon s’apprête à lancer … un bouquet de fleurs.

            On fait les yeux ronds, on rit, on entre dans le jeu… Une seule chose me chiffonne, c’est le sort que l’artiste fait à la police, souvent représentée sous un jour assez méchant. Les policiers sont bien sûr dramatiquement bardés de cuir et de boucliers, menaçants, ressemblant davantage aux milices iraniennes  qu’aux braves bobbies londoniens .

            Je trouve que caricaturer la police est un sport facile. On est sûr des applaudissements des casseurs et autres dealers qui rêvent d’un monde où les flics resteraient assis à prendre des photos alors qu’on casse les vitrines…  On éveille ainsi le soupçon du brave citoyen, toujours prêt à se mettre du côté du plus faible.

            Il est facile de contester la police mais dites-moi : si vous étiez dans une manif, préféreriez-vous avoir affaire à la milice privée Wagner ou aux gros-bras du Burkina-Faso ou de la RCA ? Pas à dire, je me prends à admirer le calme et la retenue de la plupart des agents, et surtout leur sens du service. Pour tout dire, ils m’aident à comprendre ce que veut dire « service public ».     Foin de la contestation facile, analysons bien ce que veut dire « forces de l’ordre » ; alors peut-être, peut-être serons-nous un peu plus indulgents et objectifs.

lundi 3 octobre 2022

Colère

 

             Colère, c’est un mot à la mode ! Si une manif ne montre pas de colère, ce n’est pas une vraie !

            Je ne veux pas entrer dans cette banalité, pourtant je me sens vraiment en  colère après cette émission sur les tableaux célèbres  (Arte, dimanche 2/10 à 17h45). Alors là : colère et scandale, enfer et putréfaction, tout ce que vous voudrez !

            Que l’on parle d’expertise de tableaux avec toute une panoplie d’appareils et de doctes spécialistes, passe encore ; mais qu’ensuite on nous raconte les mésaventures d’un commissaire priseur qui trouve qu’un tableau à 85 millions de dollars, ce n’est pas cher vendu, on va où là ? On se moque de qui ?

            Il est fort possible que l’acheteur éventuel soit un mécène et qu’il vole au secours des petits somaliens qui ont faim. Ce qui reste à prouver d’ailleurs. Mais le scandale n’est pas là. Il est dans le fait qu’on s’empare du sujet pour en faire une émission télévisée, qu’on étale ces sommes faramineuses à l’instar du cachet des grands joueurs de foot, alors que des gens risquent leur peau pour apporter de quoi manger aux enfants du Yémen ou du Burkina-Faso… Voilà la colère : on révèle complaisamment des sommes stratosphériques au nez et à la barbe des pauvres, et ça pour un petit tableau qui a de fortes chances d’aller dormir dans un coffre-fort à cause de sa valeur.

        Depuis 50 ans, le monde a fait de vraiment grands progrès dans l’aide aux pauvres de la planète. Qu’une famine   pointe son nez terrible dans un coin de l’hémisphère sud, et tout en mouvement de solidarité se dessine ; que des migrants se noient en Méditerranée et c’est l’émotion générale. Alors, s’il vous plaît, regardons en aval et faisons campagne, soit pour cacher le prix des tableaux (ce qui est assez hypocrite !), soit pour « rendre » aux pauvres – je dis bien « rendre » - l’argent de la vente.

            Croyants ou pas, nous pouvons faire écho à ce sacré vieux Job sur son fumier :

«
 La Sagesse où la trouver ? On ne peut l’échanger contre de l’or massif. »

                                                                                              Job 28/12