samedi 15 février 2014

Quatre-vingts.

Oui, à l'aube de mes quatre-vingts ans, je ne peux m'empêcher de penser à ma chère maman qui, au même âge, avait fondé avec un oncle le CCI, le Club des Croulants Increvables. A l'âge où l'on commence à penser à la retraite, j'accepte d'entrer au CCI; d'ailleurs tout un chacun peut y entrer, pourvu qi'il ait l'âge et, bien entendu, moyennant une petite cotisation.

En d'autres temps j'aurais pu, à cet âge, devenir dirigeant chinois ou cardinal de la Curie. Mais les temps ont changé, je ne puis que briguer une place parmi les vieillards cacochymes. Et de toutes façons, pour parler comme le renard de La Fontaine devant les raisins, je n'ai que faire de ces honneurs et autres billevesées (la langue française a de ces mots!). Non, il va falloir que je m'occupe de choses sérieuses: le dentier, les pilules, la prostate et surtout, ce qu'on va manger à midi, car c'est là le sport favori des maisons d'anciens.

A quatre-vingts ans, j'entre dans le monde sélect et très fermé de la recherche. Le matin, je cherche mes lunettes, à midi mes clés, le soir de nouveau les lunettes. ... Comme les années passent! Où est le temps où j'avais failli attraper une dépression quand une jeune fille m'avait cédé sa place dans le métro? A vrai dire, aujourd'hui on se lève de moins en moins, sans doute parce qu'il y a trop de vieux et qu'à rester tout le temps debout on risque des varices.

Alors si vous me rencontrez, surtout ne me dites pas :"C'que tu fais jeune!", car c'est la meilleure façon de me faire retomber dans la dépression. En effet, si quelqu'un dit que je "fais" jeune, en clair cela veut dire que je "suis pas" jeune du tout. Vous vous rendez compte, me dire ça à moi, à quatre-vingts ans!

lundi 10 février 2014

Harmonie

Je reviens d’Alsace, où j'ai été heureux. Je n'y ai fait qu'une semaine, mais ce fut une semaine de bonheur. Rentré à Lumière, je me suis demandé pourquoi ce plaisir tranquille, un peu ébloui? Comment dirai-je? Ce n'est pas facile à écrire. Mais je me suis mis à relire Rainer Maria Rilke, les Lettres à un jeune poète, ce petit livre qui est - plus qu'un peu - à l'origine de ma vocation. Une fois de plus, il m'a poussé à écrire car il y a une nécessité d'écrire. D'ailleurs, sans cette nécessité, ce blog continuerait-il?
L'Alsace donc. Les quelques mois passés à Haguenau lors du service militaire, ne m'avaient pas marqués comme cette simple semaine. Je n'avais pas les mêmes lunettes... Oui, cette fois j'ai été heureux parce que j'ai trouvé dans les paysages, les petits patelins autour de Sélestat, chez les gens, une sorte d'harmonie calme qui est belle. Vous passez les Vosges, et ce n'est plus pareil.
A quoi tient cette harmonie? Car ailleurs, une maison peinte en bordeaux, ou en vert pomme, ou en jaune paille, aurait du mal à s'insérer dans le paysage. Une église baroque avec ses ors jusqu'en haut des yeux, ne vaudrait pas en Limousin une petite chapelle romane . Mais en Alsace, tout s'harmonise sans effort, parce que toutes les maisons prennent des couleurs pimpantes, toutes les églises sont éblouissantes de blancheur et de grès rouge à l'extérieur,  de lumière à l'intérieur. J'exagère sans doute, je n'ai pas tout vu!. Mais il y a en Alsace une beauté  que l'on retrouve aussi bien dans ces villages à colombages et au parcours sinueux, qu'à Strasbourg avec ses immeubles aux façades un peu sévères mais qui forment un bel ensemble, très ordonné. Ces immeubles s'accordent même aux immenses verrières de la Cité de l'Europe!
Chez les habitants, ce n'est pas l'emphase colorée du Midi, ni la gouaille de Lille, ni le rude accent de Bretagne. Non, une sorte de calme souriant et solide, un naturel qui reste en harmonie avec les choses... Et que l'on retrouve, paraît-il et avec des nuances, juste de l'autre côté du Rhin.
Sans faire de pub, hors des clichés de cigognes, de choucroute garnie et d’orchestre Schnokeloch, l'Alsace est un pays où il fait beau vivre.