jeudi 30 novembre 2017

6. Une Eglise qui bouge.



Un de mes beaux-frères disait : « L’Eglise est une vieille dame qui n’arrive pas à se rajeunir ! » Mais si mais si mon cher Bernard, l’Eglise rajeunit… Bien sûr ; elle est d’âge mûr, donc elle préfère les réformes aux révolutions. Et parfois même – disons-le – elle préfère inciter les copains au changement plutôt que de balayer devant sa porte. Mais quand même, elle avance.

En fait, réforme et révolution sont cousines. L’une, souvent violente et subite comme un coup de palu, l’autre plus lente et plus réfléchie. Mais Danton et Jean 23 sont de la même veine, ils eurent quelque chose de joyeusement commun : le désir de faire bouger, l’un la France, l’autre l’Eglise.

Donc, l’Eglise est nomade, elle aussi. Et de plusieurs façons : d’abord, la Mission est dans ses gènes. La Mission traverse tout l’évangile ; poussée par l’Esprit, l’Eglise sort, comme dit le pape dans « La joie de l’évangile ». La Mission est au cœur de l’Eglise, comme l’Esprit est au cœur de la Trinité.

Mais l’Eglise bouge autrement encore : elle bouge de l’intérieur…. Comment cela ? Il y a en elle un désir  de « réforme permanente », comme Trotski prescrivait la révolution permanente ! Le pauvre, cela ne lui a pas réussi !... Dans le décret sur l’œcuménisme, le Concile dit : « L’Eglise est appelée par le Christ à cette réforme permanente dont elle a   toujours besoin en tant qu’institution humaine et terrestre (chap 2, n°6). Je souligne : la réforme est un besoin pour l’Eglise, ce besoin qui animait François d’Assise, Catherine de Sienne, Martin Luther.

Mais attention : réformer n’est pas restaurer, comme Robespierre n’est pas Charles X. Il y a actuellement dans l’Eglise une certaine nostalgie du passé, du latin, d’une liturgie qu’on trouve belle comme les spectateurs trouvent beau le Lac des Cygnes à l’Opéra. Il y a le mythe de la bouteille de Bourgogne : plus c’est vieux, meilleur c’est ! Or, si le passé est bon, c’est comme tremplin pour faire du nouveau, non comme un musée.

Comment symboliser cette Eglise-nomade dans la liturgie ? Comment exprimer à la fois la joie et le mouvement ? En Afrique, on le sait, il y a la danse, les « majorettes liturgiques », ces fillettes en jolies tenues qui dansent à l’offertoire… Mais nous ne sommes pas en Afrique ! Chez nous la danse a du mal à entrer dans l’église, si ce n’est des danses savantes réservées aux spécialistes. Non, nous sommes plus réservés, plus retenus, plus « intérieurs » peut-être. Mais alors – et c’est paradoxal – pourquoi, dans nos célébrations, ne laissons-nous pas plus de place au silence ? Souvent, on ne peut pas glisser une feuille de papier à cigarette de silence ! Or le silence favorise les « mouvements de l’âme », comme disait St Ignace. 
Et puis, il y a le chant. Pour imaginer ce que peut être le chant d’une Eglise qui bouge, reportons-nous au lendemain des attentats du Bataclan, quand toute l’Europe, dirigeants et policiers en tête, s’est retrouvée vibrante et unie dans une même Marseillaise… A l’église, une assemblée animée par l’Esprit, chante avec son cœur. Un chant alterné parfois avec une chorale qui dialogue avec l’assemblée, comme ce fut le cas à la Messe de rentrée 2017 à la Major de Marseille.


Un symbole : la place St Pierre à Rome : quand elle est vide, c’est déjà pas  mal, mais ça fait très solennel et un peu « monument historique » comme bien des églises en France. Mais quand elle est pleine de monde, cette place St Pierre, alors ça chante, ça sourit, ça agite des petits drapeaux. Quel beau symbole d’une Eglise qui  bouge et qui vit !

mercredi 15 novembre 2017

5. Entrer dans la danse de Dieu




Saurons-nous entrer dans la danse de Dieu ? Ou bien Jésus nous fera-t-il le même reproche qu’en Mathieu 11/16 : « Nous avons joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé ! » ???
Regardons l’évangile de Bartimée (Mc 10/46). Ce type est là, assis au bord du chemin. Il est bloqué par son infirmité, en dehors de la course. Même pas sur le chemin, mais au bord, sur le trottoir. Alors que tout le monde bouge. Et quand Jésus l’appelle, que fait-il ? Il jette son manteau, son seul bien contre le froid, comme s’il rejetait sa vie de mendiant ;  il bondit vers Jésus. Et tout cela en étant aveugle ! Essayez donc de bondir les yeux fermés !...
On est frappé par l’audace de l’aveugle. Sans hésiter il jette ce qui le bloquait dans le monde des non-voyants-assis, il saute dans la nuit comme ces casse-cou qui font du saut à l’élastique. Et ensuite, une fois guéri, il est debout et il marche, il devient nomade avec Jésus. Ce n’est pas joli ça ? Et le P. Rondet de conclure : « Le geste de l’aveugle en fait pour toutes les générations futures, une figure du véritable disciple du Christ. »

Voilà. Dans l’évangile, on trouve ainsi des gens qui deviennent nomades avec le Christ. Ce ne sont pas des princes, ceux-là sont empêtrés dans leur gandoura, ce ne sont pas des prêtres, coincés dans leur Temple, ce sont des prophètes. Ou du moins ils sont appelés à devenir prophètes du Royaume qui vient.

Dans l’évangile, on peut distinguer trois sortes de gens : ceux qui, à l’instar des apôtres, ont tout laissé pour suivre le Christ. D'autres ont suivi un temps, puis retour à la maison. Le troisième groupe, ce sont les plus ou moins supporters qui regardent passer Jésus, mais qui ne marchent pas, au sens propre comme au sens figuré ! Remarquons que pour le premier groupe, celui des apôtres, devenir nomade avec Jésus ne fut pas évident. Ils l’ont suivi d’abord avec une foule d’arrière-pensées : « Est-ce que je vais gagner le gros lot ? Quelle place j’aurai ? Quel sera mon bénéfice ? » ... Mais petit à petit, l’Esprit a purifié tout cela, et après l’Ascension, ils sont devenus des super-nomades « jusqu’aux extrémités de la terre. »


Une chose est sûre, je le répète : l’évangile n’est pas un livre de morale. C’est le récit de gens qui se sont levés pour croire avec leurs pieds, et qui sont entrés dans la danse de l’Esprit avec le Christ.