mercredi 23 décembre 2009

Autonomie




En France, on débat à propos de l'identité française. En Afrique, on débat peu, mais on se bat. Comme autrefois pour l'indépendance, on se bat aujourd'hui pour l'autonomie... Devenir autonome, c'est se passer de l'aide extérieure pour pouvoir "émerger" économiuement, politiquement etc... De plus en plus de voix s'élèvent pour qu'à l'instar de l'Asie, les nations africaines entrent dans le club des "pays émergents".

Facile à dire... Pendant un mois, j'ai enquêté au Nord-Cameroun sur les Comités de Promotion Humaine (CPH), ces équipes présentes dans chaque communauté chrétienne ou villageoise, et qui fédèrent les activités de développement locales: eau, alphabétisation, agriculture, animation féminine, Justice et Paix etc... J'aimerais parler ici des belles choses que j'ai vues, surtout de celles qui me paraissent aller dans le sens de l'autonomie.

Sur 17 CPH visités, 15 comprenaient des agri-animateurs sortant de "Jéricho". En ménage, ils ont profité de la formation dans ce Centre, formation non seulement technique, mais aussi humaine, civique, et chrétienne. Puis ils sont rentrés chez eux pour animer les groupes de jeunes agriculteurs et les associations féminines.

J'ai encore été frappé par la vitalité des lycées et collèges, et par le nombre des aumôneries. Celles-ci ne désemplissent pas. Quand il y a du matériel, on s'y forme à l'informatique, on assiste à des cours de rattrapage; et - ce qui est fondamental - on cherche à donner un sens à ce que l'on vit.

Jéricho comme aumôneries, cela me semble aller dans le sens d'une vraie autonomie. Peu à peu, se constitue et grandit une sorte de classe moyenne, tant rurale qu'urbaine, une classe où l'on réfléchit, où l'on prend des initiatives; un groupe capable d'analyser une situation, d'évaluer ce qu'il fait, voire de critiquer sans peur ses dirigeants. Une classe qui, à condition de triompher de la culture de corruption ambiante, mènera le pays vers un développement vraiment autonome.

Il y a d'autres belles choses en faveur de l'autonomie. Mais j'ai déjà été trop long, il faut allumer les bougies de Noêl... Joyeux Noël!

mercredi 9 décembre 2009

Savoir, ne pas savoir?



Je reviens d'un mois au Nord-Camertoun, dans la région de Maroua-Mokolo. La première photo que j'ai prise, c'est celle du lavabo de ma chambre, à Ndjaména. Quand j'ai voulu me laver, je n'ai obtenu qu'un filet mince comme un demi petit doigt. Ici, l'eau est une denrée rare... Cela m'a aidé à descendre de l'avion!


Une autre photo, prise au vol: les "vélos-citerne" sur la route qui va au Nigéria. Comptez les bidons d'essence par vélo, cela fera au total environ 120 litres... Ce dangereux trafic permet cependant à des papas de faire vivre leur famille en ville... quand la douane ne s'en mêle pas.


On ne sait pas! On ne sait pas si le vélo se transformera soudain en torche, on ne sait pas si le douanier surgira. Nous sommes au pays du "on ne sait pas"! Je prends la route sans savoir si je rencontrerai les "coupeurs de route", sans savoir quand j'arriverai, sur ces chemins défoncés. J'ignore combien de temps l'électricité sera coupée aujourd'hui. Et le paysan ne sait pas vraiment ce qu'il mangera dans trois mois, après que la rosette eût détruit ses arachides, etc... A force de ne pas savoir, j'en viens à prendre un air, non de fatalisme, mais d'humilité souriante. Je sais que je ne maîtrise pas demain, et j'accepte.


Retour en France, au pays de la sécurité et, disons-le, d'une certaine suffisance. Tout semble prévu, organisé, huilé, au point que si le temps se détraque, si l'on ne me guérit pas vite de ce mal qui me ronge, c'est presque un scandale.


Ainsi, deux mondes se côtoient: le monde de "ceux qui savent", et le monde de l'insécurité, du "on ne sait pas". Ce deuxième monde, quelle proportion de l'humanité représente-t-il: les 2/3?