samedi 11 août 2018

Oiseaux de repos



Pourquoi « de repos » ? Parce que nous sommes au mois d’août, le temps du farniente, où l’on peut rêvasser, lire un peu, brunir beaucoup. Alors, parler des oiseaux, cela me repose aussi.

Certain oiseaux passent comme l’éclair, laissant un sillage de lumière comme le martin-pêcheur, ou le rollier, cet oiseau qui nous vient d’Afrique. D’autres planent, tout aussi colorés, comme le guêpier. On le voit noir le plus souvent, mais dès qu’un rayon de soleil l’attrape, c’est un festival de couleurs… C’est aussi un passionné de la voltige.

D’autres laissent une impression de puissance. L’autre soir, j’observais tout un vol de spatules partant au gagnage. Alors que les flamants qui passent semblent un peu irréels, un trait rose sur l’horizon, les spatules sont plus finies, leur bec en cuiller tendus vers la pitance prochaine, et respectant entre elles des distances rigoureuses. J’aime aussi le V parfait, et bruyant, des grues au petit matin. Mais la palme de la puissance revient aux cygnes, surtout les cygnes chanteurs. L’hiver dernier, j’observais une trentaine d’entre eux évoluant très haut dans le ciel de Camargue, remplissant l’espace de  leurs trompettes. Etait-ce un vol nuptial ? Apparemment ils n’étaient pas du tout disposés à descendre, se contentant de tourner inlassablement sur le marais.

Il y a encore les oiseaux-mystère. Ceux qu’on entend mais qu’on ne voit jamais. Le butor entre autres, fort difficile à repérer dans la roselière, mais dont on entend le drôle de poup-poup-poup à des kilomètres. Et les rossignols ? Au printemps ils remplissent le  bord des ruisseaux de leurs splendides partitions, mais allez les voir ! Je crois en avoir aperçu un par hasard, mais si fut si fugace que j’ai encore des doutes !

Parfois, par chance, vous tombez sur l’oiseau rare, celui que vous pistez depuis des mois et qui vous fait la grâce de rester là, bien tranquille, le temps d’une photo. Ainsi de l’œdicnème criard, si fréquent en Afrique, un oiseau de terre nichant dans la Crau. Et la glaréole… Mais vous allez me dire que je fais le pédant alors que je ne suis qu’un passionné. N’empêche. Si vous avez comme moi  l’occasion de voir un cygne noir ou un harle huppé, vous comprendrez mon émotion, j’en suis certain.

Il y a enfin les timides, comme le héron bihoreau qui ne sort que le soir, ou l’ibis noir qui a envahi la Camargue depuis 4 ou 5 ans. Toujours affairés comme tous les oiseaux d’eau, ils s’envolent dans un grand désordre… pour se reposer pas très loin, l’œil aux aguets. J’ai d’ailleurs remarqué que bien des « becs courbes », comme le courlis ou l’avocette, ont le même comportement.

S’il vous plaît, ne vous énervez pas si je vous parle d’oiseaux. Tout oiseau qui me passe sur la tête, me fait rêver. Mon côté poète, qui n’est pas très développé, se réveille alors devant la grâce fragile de l’échasse ou l’envol  en fusée des  sarcelles. Et puis, en ce temps où l’on se demande si les animaux ont une âme, il me plaît de constater combien le comportement des oiseaux rejoint parfois celui des humains. Est-ce pour cela que, depuis la nuit des temps, l’oiseau est riche de symboles ? Dans le Dictionnaire des symboles, rien que 32 pages sont consacrées aux oiseaux. Chez les Kapsiki du Cameroun, chaque chant se traduit en langage humain, souvent de façon cocasse, mais toujours étonnamment juste.

Septembre arrive. On ne rêvera plus …

dimanche 5 août 2018

7. L’amour ne meurt pas.




La mort et l’amour, cela semble contradictoire. Car ma foi me dit que l’amour ne meurt pas, qu’il ne peut pas mourir.

Et pourtant, depuis Tristan et Yseult, la littérature nous a habitués à voir la mort et l’amour cohabiter. Et même : l’amour comporte toujours une part de mort, de mort à soi-même. Et ce n’est pas du roman ! Le Christ a dit qu’il n’y avait pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.  Ce lien entre l’amour et la mort nous aide à comprendre le Christ.  Sans ce lien, la vie et la mort de Jésus deviennent une vie et une mort pour rien, absurde, un échec sans appel.

Mais l’amour ne meurt pas. Il traverse la mort, oui, mais il ne meurt pas. C’est pour cela que ma foi me dit que la Résurrection, c’est possible. En disant que Jésus, mort pour nous, a fait sauter les portes de la mort, j’arrive à comprendre que la Résurrection est possible. L’image du grain qui meurt est la plus forte que je connaisse pour nous aider à entrer dans ce mystère de la résurrection. Et, en étant un peu fou mais pas trop, je  me dis que tout don de soi, le mien, le vôtre, celui du croyant comme de l’incroyant, participe de la Résurrection.

Car la Résurrection, nous la vivons dès maintenant, nous la voyons ! Il y a le bonheur, rare, de voir quelqu’un que nous avons aidé se remettre debout et retrouver le goût de vivre. Je dis « rare » parce que le travail pour les autres est souvent ingrat, au ras du sol, avec l’impression de toujours avoir à recommencer. Mais parfois, la joie se lit dans des yeux, un sourire illumine un regard jusqu’alors vide, l’espérance renaît. Un peu comme la joie des gens quand le puits creusé arrivait à l’eau. J’ai même vu   des larmes de bonheur, là au bord de l’eau. Cette joie, c’est   notre petite participation à la Résurrection. Le don de moi-même a fait sauter les portes de la mort. Je devrais dire le don de nous-mêmes, car on ne travaille jamais seul pour les autres.

Pour terminer ces méditations, j’ai envie de citer ce passage saisissant  d’un livre de Tolstoï, La guerre et la paix : le jeune Pétia s’est lancé dans la bataille de Sébastopol pour aider son pays à lutter contre l’envahisseur, en l’occurrence les français !
« Dans le feu de la bataille, Pétia entend monter une fugue qui devient un chant d’église, qui devient un Te Deum. « Ah mais on dirait que c’est un rêve, se disait Pétia. J’en ai plein les oreilles. Tiens la revoilà hardie ma musique ! Allons-y ! » La balle lui transperce la tête mais la musique continue. Et la fin de cet adolescent ouvre l’outre-monde dans lequel il pénètre avec la joie et l’innocence  de son âge. Il était musique avant sa naissance, il la redevient alors même qu’il quitte sa vie terrestre ; ainsi, il continue cette hymne éternelle qui dit sa présence dans l’univers. »

Oui, la musique de l’amour traverse la mort.