samedi 25 décembre 2010

le cri de l'ivoirien

On ne s'y attendait guère. On était là à Goult, bien tranquilles, les yeux et le coeur dans la lumière de Noël, les santons, les chants, tout ça... Et puis Mr le Curé, Basile Amari, issu de Côte d'Ivoire, s'est mis à parler.
Il a une sacrée voix, le bonhomme, une voix à réveiller les caïmans de sa lagune natale, ou les paroissiens provençaux un peu trop confits dans leurs "treize desserts" et autres galoubets de Noël. Et ce fut le "cri de l'ivoirien" que nous rappelé que Noël 2010, c'est aussi là où l'on meurt.
Basile nous a priés, suppliés de nous souvenir de son pays, où règne, d'après ses dires, "la médiocrité et la bêtise." Un pays où les gens ont tout pour être heureux pourtant. Mais un pays où recommence l'Exode en Egypte et le massacre des Innocents.
Nous oublions trop souvent que Noël, c'est ça aussi, car c'est ainsi que le vivent trop de chrétiens, de Bagdad à Abidjan. Merci à Basile pour son cri, je devrais dire pour son coup de tonnerre, qui - sans enlever la joie de Noêl - met l'Enfant dans notre monde de 2010, tel qu'il est.

jeudi 9 décembre 2010

Autopsie de l'intrégrisme

Suite aux Semaines Sociales de France où cette dame, Dounia Bouzar, nous avait tracé un portrait saisissant, et courageux, de l'intégrisme islamique, je ne puis que vous recommander un petit livre épatant qu'elle a écrit en 2007: l'intégrisme, l'islam et nous (Plon). Les intégristes de tout poil, qu'ils soient musulmans, chrétiens ou hindous, s'y retrouveront facilement.
Tant il est vrai que l'intégrisme, avec des nuances bien sûr, a le même visage partout: sacra-lisation du passé, catastrophisme, affirmation maladive d'une identité, défiance sinon haine de l'autre, volonté de puissance. Pour les croyants du monde, le danger ne vient pas des autres religions, ni même de l'incroyance, mais bien de cet intégrisme générant les Al Qaïda, qu'ils soient musulmans ou autres. En accord avec Dounia Bouzar, nous disons qu'avec eux nous sommes loin, très loin du Livre, que ce soit l'Evangile ou le Coran.

Cependant, n'oublions pas qu'à l'instar des chrétiens de Bagdad, les musulmans souffrent de leurs intégristes infiniment plus que nous ne souffrons des nôtres.

La deuxième partie du livre répond à la question "Que faire?" Sous la plume de Dounia, on sent à la fois son amour pour ses jeunes coréligionnaires, et sa sévérité pour les prédicants intégristes. Très sagement, elle insiste sur la prévention, jugeant sans espoir la "récupération" des fanatiques. Mais nos politiques entendront-ils, habitués qu'ils sont à répondre aux problèmes au coup par coup?

En tous cas, voilà une bouffée d'air frais de quelqu'un qui nous parle "de l'intérieur" de l'islam.

mercredi 10 novembre 2010

écrire, c'est célébrer

Ecrire, c'est parfois crier, dénoncer, avec les risques que cela comporte. Les journalistes russes en savent quelque chose.... Ecrire, c'est aussi - parfois encore - rire un peu, avec le secret plaisir d'apporter une seconde de bonheur à d'autres.

Ecrire, c'est aussi célébrer. De ma fenêtre, je vois souvent cette dame qui sort une voiture d'handicapé du coffre, la déplie et y dépose sa vieille tante pour aller faire un brin de prière ensemble. J'ai aussi dans les yeux Florence, si patiente avec sa mère âgée outrageusement posséssive. Et Mireille, tellement attentive à son mari hémiplégique, faisant la récolte des journaux du matin pour le plaisir de son homme.... Toute cette tendresse est si discrète qu'on risque de passer à côté sans la voir. Alors écrivons-la pour la célébrer, la tendresse. Tout comme d'autres ont raconté le courage fabuleux et presqu'anonyme de ces "deuxième classe " dans la Grande Guerre.

Un jour on me dira :"Tu ne conduis plus, tu deviens dangereux." Ensuite viendra :"Laisse ton travail à un plus jeune." Mais je demande au Ciel de tout mon coeur qu'Il m'aide à ne pas m'enfermer dans ma bulle de vieux, pour garder au moins un oeil ouvert sur la beauté du monde et sur la gentillesse des gens. Plus une main pour les célébrer!

lundi 18 octobre 2010

trente mille jours


Dieu que la langue française est belle! Ce n'est pas chauvinisme que de le dire; je suppose qu'un anglais déclamant un poème de Keats, ou un italien lisant la Divine Comédie dans le texte, pourraient en dire autant de leur langue...

Je suis en train de lire "Trente mille jours", de Maurice Genevoix. Et je me régale, pas tant pour le récit que pour le pur plaisir de lire du bon français, de l'excellent français. J'avais lu avec délectation "La dernière harde" quand j'avais 17 ans; 60 ans plus tard, c'est le même émerveillement: nous avons affaire à un orfèvre en la matière.

Ne pensons pas qu'écrire soit facile! J'imagine le travail de romain que cela représenta pour Mr Genevoix: chercher les mots exacts pour décrire les chatoiements de la Loire, ou le friselis des petits d'hirondelle (qu'il nomme joliment hirondeaux) sous le toit, respecter le rythme des phrases, des expressions, tout cela ne se fait pas en un tour de main. Résultat: le texte ne parle pas, il chante. Comme une toile de Monet. Existe-t-il aussi un impressionnisme du langage?

A vrai dire, au jour d'aujourd'hui on a du mal, sinon à goûter, du moins à comprendre le style de Maurice Genevoix. Non qu'il soit passé de mode, mais nous sommes au temps du "fast": on consomme de l'info, on n'a plus le temps de déguster un vrai livre. Pire: on a un oeil sur la télé et un autre sur le journal, ce qui est pour le moins acrobatique!

Je ris de moi-même qui n'arrive pas à finir mes mots: info, télé, parce que je veux vite arriver au bout de mon propos... Heureux ami Loïc, à qui jamais vous ne ferez dire "frigo", mais "réfrigérateur".

Heureux ceux qui prennent le temps de dire, ou de vivre.

samedi 2 octobre 2010

amitié

Je regardais l'autre jour une Petite Soeur de Jésus (P. de Foucauld), évoluant dans la maison de convalescence où elle se reposait après une opération difficile. Rieuse, à l'aise avec tout le monde, attentive à l'histoire de chacun, elle diffusait autour d'elle une ambiance d'amitié légère, un je-ne-sais-quoi qui donne envie de vivre, une sorte de lumière qui éclairait le visage de chacun et de chacune en ce lieu au demeurant pas trop passionnant.


Et je me disais: communiquer sa foi, c'est ça. La foi ne se transmet pas - pas seulement - par la tête, mais par le coeur... La catéchèse est de l'ordre de l'enseignement, mais la foi est de l'ordre du témoignage. Un homme peut avoir une grosse Bible complète dans ses rayons, il a beau faire quatre ans de catéchèse, écouter trente-six homélies, toutes ces petites choses ne peuvent constituer, au mieux, qu'un éveil à la foi; si elles restent au niveau du chapeau, elles ne donnent pas la foi. Il faut que le coeur soit touché.


Le coeur est touché à partir de témoins que l'on voit vivre. Ensuite, la lecture de la Bible, les entretiens, la réflexion et la prière alimentent la foi et la rendent plus personnelle, plus éclairée. Pour le rationaliste pur et dur (si cela existe), pour le scientiste qui "ne croit que ce qu'il voit", la foi restera absconse, c'est sûr! Car avec elle, on entre dans le monde du symbole. L'amitié est de l'ordre du symbole, le coeur ne se voit qu'à travers le sourire.

mardi 21 septembre 2010

Bunkerisation

Quel mot! Employé par Bernard Guettaz sur France Inter dans un édito lumineux, il n'est pas facile à prononcer, ni sans doute très récent; mais il dit bien ce qu'il veut dire! L'Europe se "bunkerise"...

On s'en rend compte en voyageant un peu: fiches policières en Italie sous l'influence d'une Ligue du Nord consternante, déclarations imbéciles de certains flamants belges, rodomontades du FN, mensonges sanglants de l'ETA basque.... Arriverons-nous à un repli sur soi généralisé des nations, voire des régions, une sorte de féodalisation (quel mot encore!) de l'Europe, un retour à ce qui fit le malheur de nos pays à travers deux guerres mondiales? L'étranger, blanc ou basané ou noir, devient-il l'horreur?

Se replier sur soi, est-ce un réflexe de peur? En tous cas, c'est le réflexe de l'ado qui se mure dans le rejet des autres parce qu'il est en mal d'une affirmation de soi qui ne vient pas. C'est aussi le réflexe de celui qui refuse de partager.

Il n'y a pas si longtemps, on a vu des prêtres se faire les champions de la celtitude, de la basquitude ou de la corsitude. Ils avaient lu l'Evangile, mais avaient joué les prolongations de façon assez incongrue. Missionnaires, nous avons connu ce dilemne: aider les "kirdi", les gens des montagnes jadis méprisés, à affirmer leur identité et leur fierté de race face aux musulmans. Il fallait les encourager à s'affirmer, mais en même temps les aider à ne pas faire de leur ethnie le centre de tout, comme cela s'est vu. Sans peur certes, mais aussi sans exclusive de 'l'autre", afin qu'un jour naisse une véritable société civile camerounaise.

Il me semble que pour nous, oblats du monde et chrétiens de haute mer, la voie à suivre soit claire, sinon facile.

samedi 21 août 2010

la 11ème heure

Le jour de mon enterrement - ce n'est pas vaine morbidité que d'y penser parfois - il y aura sans doute une belle messe, et dans l'homélie dite par un copain, on glissera peut-être le "C'est bien, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Maître".
Bon, même si la vérité historique ne colle pas forcément avec cette dernière citation, je crois pouvoir dire que j'ai été un de ces ouvriers de la première heure dont parle l'évangile (Mathieu 20/1), "supportant la chaleur du jour" - oh que oui au Cameroun! -, affrontant l'indifférence, le refus etc...

Alors, avant que ne soit prononcée ladite homélie, je voudrais émettre une dernière volonté: qu'à la suite du "bon et fidèle serviteur" de la première heure, on évoque aussi les "ouvriers de la 11ème heure". Je ne parle pas de ceux qui se sont installés dans une confortable indifférence face aux choses de la foi, mais de ceux et celles qui, un jour, ont été bousculés par Dieu et se sont éveillés à l'évangile, ou qui du moins se sont posés la question. Et cela, à n'importe quel âge.
Je dis bien: "bousculés par Dieu". Car cela peut arriver n'importe quand, lors d'un malheur, d'une rencontre, ou plus simplement, d'une visite... Tous les jours je prie pour que, parmi ces touristes qui visitent Lumière, il y en ait au moins un par an qui soit touché et s'éveille à la foi. Un par an, ce n'est pas être trop exigeant me semble-t-il; et cela fait partie de mon travail missionnaire. Car de plus en plus, la France devient le pays rêvé pour ces "ouvriers de la 11ème heure".
Y en aura-t-il, de ces ouvriers tardifs, qui affronteront la mort à la même heure, à la même minute que moi??? Alors, je me sentirai moins seul à "faire le passage".

jeudi 5 août 2010

gens du voyage

Cette histoire de St Aignan, où des "gens du voyage" ont attaqué une gendarmerie et fait du dégât, me travaille. Elle n'est pas sans me rappeler ces bagarres sur le marché, au Nord-Cameroun, où les gens, chrétiens compris, ne regardaient pas qui avait tort qui avait raison, mais se jetaient joyeusemenet dans la mêlée aux côtés de leur clan.
Au-delà de cette affaire, au-delà des soupirs accusant les voleurs de poules et les pendards qui coupent nos fleurs, je me dis que tous, quelque part, nous sommes des "gens du voyage"! Il faut lire la Lettre aux Hébreux, chapitre 11 versets 8 et 9, pour comprendre. Des nomades, des pélerins.
Plus que tout autre, le missionnaire est un nomade. Il va où on l'envoie, prêt à aller plus loin... Mais c'est là que bute ma réflexion. Car, missionnaire, je suis à la fois nomade et super-sédentaire. A la fois prêt à quitter pour aller ailleurs, et tenu de m'enraciner là où je me pose, tenu à m'acculturer. Si je ne suis que nomade, changeant de coin tous les deux ans, ce n'est pas sérieux, ce sera stérile. Mais si je m'accroche à ma place, m'identifiant désespérément à mon oeuvre, ce n'est pas bon non plus, et à la longue aussi stérile.
Nomade? Enraciné dans une terre? Tout est affaire de discernement.

dimanche 25 juillet 2010

Performance

Je suis alternativement admiratif, puis dubitatif, quand je vois la place que tient le sport dans la vie de bien des gens, jeunes et moins jeunes. C'est en privilégiant le sport de compétition, en même temps qu'est poursuivie avec ténacité la réussite scolaire, que les parents rêvent leur enfant. Quel papa ne désire pour son fils une vie meilleure que ce qu'il a connu? Dès lors, qui n'introduirait dans sa famille, peu ou prou, le culte de la performance?
D'ailleurs, avoir un rejeton beau, sportif, courageux et tenace dans l'effort, n'est-ce pas, inconsciemment le plus souvent, une manière de se valoriser soi-même?

D'où ce culte de la performance. Viser toujours plus loin, plus haut que ses possibilités. Mettre en oeuvre la devise de mon collège de Reims :"Quel que soit l'obstacle, lance d'abord ta monture, le reste suivra." Et quand on aime l'Histoire, on se rend compte de la place que tiennent dans notre culture ceux qui ont "forcé le destin", façonné le monde et chanté cocorico aux quatre coins du monde.
Mais s'en tenir là est dangereux. Habiller la performance en idole, c'est interdire à l'homme de vieillir, c'est envisager les années qui s'ajoutent comme une déchéance... Et pourtant, il faudra bien un jour accepter ses limites.Certains, sagement, s'en accommodent. D'autres, hélas, le supportent mal, restant à une image idéalisée d'eux-mêmes; ils cherchent alors des compensations, mais vieillissent mal... Oui, le culte de la performance a ses limites.

Maintenant, si je dis : engagement, service, don de soi, amour de l'autre, gratuité, se profile alors un autre type d'homme. Tout aussi performant et efficace que le premier, mais plus proche de l'homme tel que Dieu l'a rêvé en Jésus-Christ, plus "homme" que les "dieux du stade" à la grecque. On le voit vivre, cet homme, à travers le scoutisme, Médecins du Monde, la Coopération missionnaire, mais aussi dans le monde économique et social qui nous entoure.... On n'encouragera jamais assez les parents à présenter ce type d'homme à leurs jeunes, à condition de commencer quand ils sont tout petits.

Nous sera-t-il permis alors de penser qu'un autre monde est possible? J'entre tout à fait dans le credo de don Helder Camara, cette splendide profession de foi en l'homme autant qu'en Dieu, et dont je ne cite ici que la fin:

Je veux croire aux droits de l'homme, à la main ouverte, à la non-violence.
Parce que Jésus est ressuscité, je crois, toujours et malgré tout, à l'homme nouveau.
J'ose croire au rêve de Dieu même: un ciel nouveau, une terre nouvelle où la justice habitera.


samedi 10 juillet 2010

Nouvelle évangélisation


Quand on parle de "nouvelle évangélisation", il faudrait savoir ce que l'on met sous les mots, et qui en parle.

Qu'y a-t-il sous les mots d'abord? Récemment, le journal Le Monde signalait qu'un nouveau dicastère (ministère) avait vu le jour à Rome, le 28 juin dernier: la Congégation pour la Nouvelle Evangélisation. Bien. Mais le journal d'insérer avec l'article, un grand dessin où l'on voit un embouteillage en ville et, coincé dans la mer de voitures, un croisé en armure sur son destrier. Cela en dit long sur les images que la nouvelle évangélisation suscite chez nombre de nos contemporains!

Oui, qu'entend-on par "nouvelle évangélisation"? S'il s'agit de mettre l'évangile à la portée de tous, d'accord. Mais si on y entend une conquête, ou une reconquête du terrain soi-disant "perdu" par l'Eglise, reconquête sur la sécularisation, le matérialisme, l'incroyance, n'est-on pas en train de réveiller de vieux antagonismes que l'on croyait enterrés depuis le Concile Vatican 2? S'il s'agit pour le clergé de retrouver pignon sur rue, tel qu'il l'avait par les siècles passés, ne risque-t-on pas, une fois encore, de retomber dans le cléricalisme et de fausser l'image du Peuple de Dieu telle que le Concile l'a défini?

Ensuite, de quelle "nouveauté" parlons-nous? Les régimes totalitaires nous ont appris à nous méfier des mots. Depuis Mac-Mahon et son "ordre moral" jusqu'aux dictatures sud-américaines parfois soutenues par la hiérarchie catholique, le mot "révolution" a pris bien des coups sur la figure. Alors, méfions-nous!

Méfions-nous encore de QUI nous propose cette nouvelle évangélisation... Si ce sont les prêtres de St Martin ou les Légionnaires du Christ, alors non merci. Nous ne sommes plus au temps des croisades. Laissons le prosélytisme tapageur aux sectes et aux pentecôtistes, même s'il revêt les masques de la jeunesse et de la guitare.... En plus nuancé, j'avoue ma gêne devant ce que nous proposent certaines Communautés Nouvelles au Festival d'Avignon.

Mais peut-être suis-je trop vieux... Trop vieux sans doute, ringuard même, mais pas plus qu'Hans Kung, Enzo Bianchi et bien d'autres prophètes pour notre temps. Ceux qui crient :"On va dans le mur!"

dimanche 20 juin 2010

Un soir en Camargue

Il y a en chacun de nous, un côté poète qu'un rien peut réveiller. Ce rien, pour moi, ce sont les oiseaux d'eau. Je n'en peux mais, car depuis ma Flandre natale, cela me passionne. La bécassine qui vous surprend au coin d'un watergang, la sarcelle qui fuse d'un fossé, et surtout les longues soirées de "passée" à la hutte ont ponctué ma jeunesse d'émotions ravies.

La "passée"... Au soleil couchant, quand le plat pays se calme, ce sont d'abord les moustiques qui passent, assourdissants mais pas méchants, et puis les hannetons. Ceux-ci partis, un temps de silence absolu d'abord, et puis les bécassines commencent à plonger vers la mare, ailes en V, flèches dans le ciel rouge. Et enfin, après un autre temps de silence, la nuit venue, les sarcelles et les colverts... Voilà les tableaux que je porte en moi... Mais je n'ai écrit aucun poème!
Avec émotion j'ai revu les oiseaux d'eau en Camargue. Et j'y ai retrouvé la magie des "passées". J'y étais l'autre jour avec un jeune docteur, véritable sioux dont l'oeil de lynx repérait le chevalier arlequin à 300 mètres, les spatules rayant le ciel plus loin encore, le héron crabier s'envolant "dans nos bottes". C'était aussi un festival de cris, pas très beaux d'ailleurs: le grincement du bihoreau, l'appel sourd du butor-qu'on-ne-voit-jamais, le sifflement lent des ailes de cygnes posant plus loin. Tout un monde se réveille ainsi au couchant, loin, si loin des bruits du jour, loin surtout des insupportables tonnerres des avions venant de la base de Salon.
Heureux pays où l'émerveillement a toujours sa place!

mercredi 2 juin 2010

Plaidoyer!

La sagesse, le bon sens et la mesure nous viennent parfois de loin! Témoin cet article paru dans "En Avant" de mars 2010. "En Avant" est une lettre mensuelle rédigée par les chrétiens du diocèse de Maroua-Mokolo au Nord-Cameroun, et destinée aux communautés chrétiennes du même diocèse. La lettre est rédigée en "français fondamental" pour que le plus grand nombre puisse la lire.

"Plaidoyer"
Un groupe de femmes du diocèse (nous étions 35) avons eu à Maroua 3 jours de session sur "les plaidoyers".
Voici un mot nouveau qui est difficle à comprendre.
Je me demande si ce n'est pas la même chose que les "doléances"
que l'on présente aux "grands" quand ils viennent chez nous.
Il s'agit des problèmes que nous avons.
Nous attendons des "grands" qu'ils trouvent la solution.

Oui, en autopromotion, il est bon de regarder sa vie, de voir ce qu'il y a de difficile.
Mais il faut aussi chercher pourquoi il y a ces problèmes
et qu'est-ce qu'on peut faire pour les diminuer.
On a vite fait de demander aux autres de faire des choses.
Mais on ne se demande pas assez ce qu'on peut déjà faire nous-même.

Il y a beaucoup de paludisme...
On doit nous donner des "moustiquaires imprégnées".
Mais nous au village, que pouvons-nous déjà faire: la propreté, ramasser les ordures,
boucher les trous où l'eau reste.

Nous voulons bien les plaidoyers, les doléances,
mais ces demandes ne pourront être prises au sérieux que si, de notre côté, nous faisons
quelque chose.
Il faut aussi savoir auprès de qui et quand il faut les faire.
Dans nos familles, quand il y a des problèmes, on essaye de les arranger avec un "plaidoyer".
Mais on ne le fait pas n'importe quand, ni n'importe comment.
On attend le moment où l'autre sera prêt pour nous écouter,
et ce problème ne pourra se régler que si tout le monde fait un effort.

mercredi 26 mai 2010

Connais-toi toi-même


Entendu dans une maison de retraite: l'optimiste:"Si ça continue, on finira par manger de la m..." Le pessimiste :"Oui, mais est-ce qu'il y en aura pour tout le monde?"


Le vieux Socrate avait raison :"Connais-toi toi-même!" Connaître qui je suis, c'est avoir la clé du monde, chante St Bernard après St Augustin. Car la création est à ton image... Se connaître, c'est aussi avoir - en partie - la clé de la connaissance de Dieu, car tu es aussi à son image.

Une image quelque peu cabossée, mais capable, de jour en jour, de devenir oeuvre d'art. Là-dessus, il faut lire les pages lumineuses de Marie-Madeleine Davy dans "Initiation à la symbolique romane". Car le 12ème siècle l'avait compris: nous ne sommes ni des optimistes naïfs ni des pessimistes désespérés, mais des images de Dieu, bien floues peut-être, mais appelées à devenir de plus en plus nettes.


A l'instar des journaux, qui tous - à l'exception peut-être des journaux gratuits - ne se contentent pas d'informer, mais donnent leur opinion, et le plus souvent proposent des solutions, nous sommes d'incorrigibles optimistes! Parce que nous croyons en l'homme. Pas l'homme figé, catalogué, fiché, jugé, rangé, mais l'homme qui bouge, qui avance, qui se casse la figure et se relève, et qui lève les yeux en se disant :"You can! Oui, tu peux trouver une solution, tu peux ôter le flou de ton image!"


Voilà l'homme auquel croyaient nos ancêtres du 12ème siècle. Nous, gens du 20ème siècle, serions-nous plus sceptiques, plus blasés, plus pessismistes que nos aïeux?

vendredi 14 mai 2010

Ils sont fous!

Oui, ils sont fous ces marseillais! Ils sont fous ces lyonnais! Quand on n'est pas supporter de l'OM ou de l'OL, on trouve qu'ils sont fous. Et que je te gaspille le champagne, et que je te pique une tête dans le Vieux Port...

Mais voilà, dès que l'on devient supporter et qu'on va au Stade Vélodrome, alors tout change. On se retrouve avec des centaines, des milliers d'autres supporters, de parfaits inconnus; et tout d'un coup, on se met à vivre intensément, complètement, la même aventure. Comme on dit maintenant, c'est magique!
Car ne confondons pas spectateur et supporter. Le spectateur regarde, il n'est pas dedans, sauf lors de très bons spectacles. Le supporter, à sa façon, est sur le terrain; c'est lui qui fait une descente, qui goupille la bonne passe, et qui met merveilleuseement le but. Ils sont ainsi des milliers à jouer ensemble, tous tendus vers la victoire. Tellement UNS qu'ils se lèvent ensemble, crient la même joie, pleurent sur les épaules du voisin. Regardez bien: quand le ballon percute le fond du filet, les joueurs s'embrassent... et les supporters aussi!

J'ai eu cette même impression de communion totale lors de la fête du La, chez les kapsiki du Nord-Cameroun. Quand plus de 3000 personnes chantent et dansent ensemble, rythmés par une vingtaine de tambours, on attrape la chair de poule. Physiquement, une sorte d'ivresse vous prend qui vous entraîne à la danse.
Evidemment, il faut plus que cela pour faire un peuple, mais dans la fête, ce peuple montre le bout de son âme.

Disons-le: l'homme, qu'il baigne dans sa tradition ou qu'il vive dans la modernité, a besoin de communion. Quand Jésus prie :"Qu'ils soient uns" (Jean 17/21), est-ce un rêve de dingue? Sont-ils fous ceux qui luttent pour que le monde aille vers son unité? Et ceux qui croient à l'amour, ils sont fous? Tel le père Teilhard de Chardin: "Un jour, quand nous aurons maîtrisé les vents, les vagues, les marées et la pesanteur, nous exploiterons l'énergie de l'amour. Alors, pour la seconde fois dans l'histoire du monde, l'homme aura découvert le feu."

vendredi 30 avril 2010

des femmes prêtres?




Décidément, mon instinct de chasseur reprend parfois le dessus! Quel perdreau ai-je encore levé aujourd'hui?

Ce matin, j'entendais Bertrand Touchard sur RCF (Radio Chrétienne en France). Il répondait à l'insistante question :"Pourquyoi n'y a-t-il pas de femmes prêtres?"

Et Bertrand d'invoquer en primeur l'éternelle "tradition immémoriale" des catholiques et des orthodoxes (tiens, les protestants sont passés au travers, il est vrai qu'ils ne sont plus - dit-on - dans la tradition apostolique).... Je pense qu'au 16ème siècle, l'on invoquait la fameuse "tradition immémoriale" pour décider que les indiens n'avaient pas d'âme et que l'esclavage se justifiait, n'ayant jamais été désapprouvé par le Christ, et faisant partie de l'ordre naturel des choses... Las Casas, au secours!

On nous dit ausi que le Christ n'a pas inclus de femme dans son collège apostolique, les Douze. Et là, on souligne son originalité, car dans le monde païen, les prêtresses abondaient. Oui, mais avons-nous oublié que Jésus était de tradition juive, tradition où les femmes étaient considérées comme mineures, voire comme abonnées au péché? Voir l'épisode de la femme adultère, et l'exclamation d'un de mes confrères en chaire :"Et le mec, où était-il?"

Plus positivement, il s'agit de rappeler que le prêtre a un ministère précis, celui de la présidence de l'Eucharistie. En dehors de cela, l'image actuelle du prêtre commence à changer: de chef de paroisse décidant et pontifiant, il passe peu à peu au rôle de rassembleur des différends charismes existant dans les communautés chrétiennes. Il n'est plus tant le chef que le frère favorisant le dialogue et rassemblant les diverses sensibilités dans l'Eucharistie.

C'est exactement le rôle que nous avions au Nord-Cameroun. Là où une seule communauté peut regrouper 200 personnes, et où certaines communautés ont pour responsable (et non pour catéchiste) une femme chrétienne, le prêtre est un rassembleur, alors que la paroisse peut compter une vingtaine de communautés. Son rôle suppose alors des trésors de diplomatie, de finesse dans le discernement, de délicatesse dans les contacts pour arriver à un consensus... Sur ce terrain-là, les filles ne dament-elles pas le pion aux garçons, bien souvent?

Le débat est loin d'être clos!

mardi 20 avril 2010

Un château en Normandie


Au coin du bois, on est surpris, décontenancé, et puis on admire: ce petit châtreau normand, clair, lumineux même (quand il y a du soleil), solidement posé au milieu de son parc, c'est une des mille merveilles que cache le pays de Caux. Un pays où le temps semble en être resté à la mare où les oies pataugent et à la "vraie" motte de beurre sur la table de famille.


Et la châtelaine? On s'attend à voir une dame façon Marie-Antoinette dans sa fermette du Trianon, une précieuse jouant à la bergère. Mais alors là, pas du tout! Voyez plutôt: une solide jeune femme blonde, diplômée en agronomie, rougie par le grand air et bottée comme le fermier voisin. On est reçu très simplement, mais on s'aperçoit vite que la dame, au-delà de sa gentillesse, n'a pas trop de temps à perdre en civilités.


Ce n'est pas peu dire! Amélie, et Sébastien son mari, ont adopté cinq enfants. Et le château qui se voudrait un brin solennel, devient plutôt une ruche pleine de rires, de pleurs et de galopades... Amélie et Sébastien ont fort à faire pour aider leurs enfants à bien grandir. Mais ils ont "la manière", ne fût-ce qu'en gardant leur maison ouverte et en aidant les enfants à s'intégrer au paysage: l'un élève des cailles, l'autre chouchoute ses lapins, la troisième passe ses temps libres sur le tracteur du voisin, etc...


Je ne sais pas si on peut appeler cela la France profonde, car celle-çi est aussi bien en ville. Mais il y a quelque chose - comment dirai-je? - d'ancestral, de tranquille, de solidement simple autant que de joie de vivre dans ce château du pays de Caux.


Allons, ne venez pas me dire que la vie est triste en Normandie!



jeudi 18 mars 2010

Jurons

Je viens de passer quelques semaines à l'hôpital. Un séjour de rêve: des infirmières attentives, des aide-soignantes ressemblant toutes à Rama Yade, un docteur très amical. Et chaque jour, quelqu'un qui vient vous demander si vous avez mal.

Quand même, j'ai vécu quelques sales moments. Surtout ces deux nuits où une canule trop petite me rendait la respiration difficile. Douze fois j'ai dû appeler l'infirmière pour qu'elle me dégage. Faites l'expérience et vous verrez ce qu'est l'angoisse quand l'air vient à manquer.
Dans ces moments-là, personne ne fait le malin. Je crois que tout mon répertoire d'abominables jurons y est passé. On m'a dit que ces jurons, c'était malgré tout une prière. Je veux bien, mais c'était quand même de vrais jurons. On n'en trouve pas de pareils même dans les Psaumes.

Ces jurons, qui les a entendus? Personne je l'espère. Mais au cours de ces longues, longues nuits, j'ai aussi fait une expérience vraie, de ces expériences que l'on ne fait que deux ou trois fois dans sa vie. Celle de la présence de Dieu dans cette chambre, de la présence du Christ sur ce lit d'hôpital. "S'il n'y est pas, alors il est où? S'il n'est pas là, alors à quoi bon la Passion?" Ne me demandez pas pourquoi ni comment, pour moi ce fut une évidence, c'est tout.

Cela n'a pas empêché les jurons, ni les appels aux infirmiers. Mais quand le soleil est revenu, j'ai su qu'on pouvait avoir des moments à la fois pénibles et très lumineux.

mardi 16 février 2010

le dedans et le dehors?

Le Saint Père a pris fait et cause pour les grévistes des usines Fiat. Si cette grève est juste, bravo! Le temps n'est plus où l'on enjoignait à l'Eglise de rester à la sacristie. Son engagement sur les questions sociales, économiques, sur la bioéthique et les droits de l'homme, est admis, voire attendu. En dénoncant l'injustice et la pauvreté, en encourageant le changement, l'Eglise est pleinement dans son rôle de conscience de l'humanité; elle n'est pas la seule heureuseement! Et saluons le courage de nombre d'évêques, africains et autres, qui osent affronter les dictatures et les prédateurs, parfois au péril de leur vie. Chapeau!

Oui mais, une question me turlupine: pourquoi l'Eglise, si hardie quand il s'agit de morigéner le monde, se montre si frileuse, voire si conservatrice, quand il s'agit de s'auto-réformer? Elle vogue, immaculée et impavide, sur ce monde de turpitudes, tirant des boulets de semonce à tout vat, mais semblant oublier de balayer le pont... Ces mêmes évêques qui affrontent les dictatures, sont souvent plus papistes que le Pape, plus romains que la Curie. Et combien de synodes diocésains ont soulevé les espérances, pour finir comme un soufflet au fromage qui retombe? Avons-nous vraiment pris conscience que nous sommes entrés dans l'ère du débat, signe de santé chez les hommes, et que l'ère de l'autorité souveraine n'a plus cours?

Le Concile nous avait habitués à une Eglise cheminant avec les hommes, entendant pour elle-même la chanson de St François d'Assise :"Ô vous tous, gens de la terre, qui cheminez si douloureusement..." Y aurait-il un retour en arrière?... Mais reconnaissons qu'il est plus facile de passer la wassingue sur le trottoir du voisin que dans notre propre maison.

samedi 6 février 2010

Pour la culture


Je suis d'accord avec Alain Finkielkraut quand il dit que le goût pour la culture fait partie de l'identité française (La Vie du 21.01.10). Face au pragmatisme dit anglo-saxon, nous affirmons la valeur de la culture.

Et pourtant oui, la culture ne sert à rien, du moins en apparence. J'entends encore l'ami ardennais qui, lorsqu'il ne voulait pas faire quelque chose, baissait le front et glissait d'un air buté :"A quoi ça sert?" C'est vrai: je ne vois pas ce que la musique et la littérature peuvent ajouter au savoir-faire du pharmacien, du missionnaire ou du général.... En écoutant une cantate de Bach, je ne fais pas avancer d'un pouce l'homélie à préparer. Et si je lis Marguerite Yourcenar ou Maurice Genevoix, je n'augmente en rien ma science théologique. Je lis simplement pour écouter ma langue française chanter dans ma tête.

La culture est de l'ordre de la gratuité, voire de la fantaisie. Il est heureux qu'aujourd'hui on semble redécouvrir les vertus de la gratuité. Face à un monde dur, hanté par le chômage, la concurrence, la performance, la culture est le sourire du monde, elle le rend plus léger.

Ce n'est pas tout... Je n'ai lu que deux tomes de Millénium, et après lecture, je pressens que son auteur ne doit pas être bien vu en cour de Rome! Mais voilà un livre qui m'a fait décvouvrir un monde inconnu, fort éloigné de nos préoccupations hexagonales ou ecclésiastiques.... La culture est ce qui rend notre identité française accueillante, ouverte, curieuse de l'insolite, avide de connaître comment "les autres" comprennent le monde. Cocorico!

dimanche 17 janvier 2010

enthousiasme

Entrant dans son cabinet, je lui montrai d'autres bobos suspects sur ma tempe. D'un geste, le dermatologue me montra le billard, sur lequel je m'allongeai, peu rassuré.

Alors il fonca sur moi comme un pilote de formule 1 sur sa machine au départ des 24 heures du Mans, et ce fut un festival. Il piqua, coupa, trancha, cousut, tamponna avec un enthousiasme débordant. J'avais devant moi un virtuose du scalpel, un acrobate de la découpe, un funambule du fil à recoudre.

Et sur mon billard, je rêvai: si j'avais eu besoin de chirurgie esthétique, ce qu'à Dieu ne plaise vu qu'il m'a fait naturellement beau (si si!), je me fût confié volontiers aux mains de cet artiste... Bon d'accord, à la fin, tel un toréador contemplant sa victime sur le sable étendue après l'estocade, il déclara :"Bon, c'est fini, ça fait 300 euros!" Et, pantelant d'admiration, je payai.

C'est vrai, j'apprécie ceux qui font de leur travail un art, parce que - et c'est bien ici le cas - ils ont leur métier dans la peau.

dimanche 3 janvier 2010

Scandale?


Cela se passe dans un diocèse d'Australie. L'évêque anglican du lieu, sa cathédrale étant en réfection, demande à l'évêque catholique de lui prêter sa propre cathédrale. Demande accueillie favorablement. Mais las! On apprend que l'anglican veut faire des ordinations, et parmi les ordinands, quatre femmes! Prévenue par le nonce apostolique (ambassadeur du pape), Rome réagit :"Ciel! Ordonner ces quatre horribles petites choses (prononcez avec l'accent australien, c'est mieux) dans nos cathédrales, jamais!" Et d'invoquer le rsique de "scandale du faible".

En langage chrétien, le scandale du faible est ce qui rsique de faire perdre la foi aux "gens de peu de foi", ou de l'endommager. Donc, ordonner des femmes risque de faire tomber des catholiques, même si ce n'est pas chez eux que cela se passe?

Je me demande où est le scandale? Lorsqu'on se permet de créer l'amalgame en faisant d'une question de coutume et de discipline écclésiale un problème touchant la foi, n'est-ce pas le meilleur moyen de fragiliser la foi des gens? Quand donc quitterons-nous nos catégories du Moyen-Age pour faire un peu plus attention à ce que nous dit notre temps? Quand arrêterons-nous de confondre les questions de tradition avec celles touchant la foi? Il en va de l'honnêteté de l'Eglise, et de la vérité de l'Evangile.

Question adjacente : dans cette histoire, la Conférence des Evêques australiens a-t-elle été consultée? Mais ceci est une autre affaire...