dimanche 3 mars 2024

7. Le pardon

 



            Le signe le plus haut de la liberté intérieure, c’est le pardon. Mais Seigneur, qu’il est difficile  de pardonner !... « Me faire ça à moi, jamais ! » Nous avons tous le coeur plus ou moins saignant des crasses qu’on nous a faites. Entre nous, nous avons  aussi des crasses à nous faire pardonner !… Toutes les grandes religions appellent au pardon. Pour les rabbins, on peut pardonner 4 fois. Pour l’islam, bien plus. Et l’Evangile : 77 fois 7 fois, c’est-à-dire toujours. Même s’il faut marcher sur son amour-propre…  Mais Dieu, que c’est difficile !

            Dans la Bible, Dieu finit toujours par pardonner. Vous me direz : « C’est normal, c’est son métier », comme disait Heine. Mais nous les hommes ?

            En fait, le pardon est le meilleur signe que tu es libre à l’intérieur. Le pardon  a deux faces :

1° pardonner à l’autre, c’est le libérer, lui. C’est le mot que l’on trouve dans la parabole du serviteur impitoyable (Mt 18). Le patron le « libère » de sa dette. Le pardon est un courant d‘air frais qui casse la spirale de la vengeance ! C’est la seule façon, je dis bien la seule façon, de vivre dans une société qui ne soit pas un enfer.

2° quand je pardonne, je me libère moi-même. Je ne suis plus esclave de rien, et d’abord de ma colère… Ingrid Betancourt disait : « Quand on pardonne, c’est avec soi-même qu’on fait la paix. » Voilà le signe que nous ont laissé le P. Kolbe pardonnant à ses bourreaux dans le bunker de la faim, Etty Hillesum dans le camp de la mort, Antoine Leiris, après le Bataclan, qui avait écrit cet article splendide : « Vous n’aurez pas ma haine. » Tous  gens qui ont pardonné, ou qui sont en route vers le pardon.

            Le P. Varillon appelle le pardon une re-création. Ce n’est pas un simple coup d’éponge, c’est un nouveau départ. A la fois pour l’agresseur et pour la victime. Dans le même sens, Daniel Marguerat dit que le pardon est une application pratique de la Résurrection.  Que ce soit après Auschwitz ou après le Rwanda, pour un chrétien le pardon fait partie d’un travail de deuil indispensable…. C’est dur de dire ça, je le sais, je l’ai moi-même éprouvé, c’est sanglant. Mais il faut le dire : la haine ferme les portes, le pardon ouvre vers un monde nouveau possible. ; il suffit de relire l’histoire de la femme adultère dans l’Evangile. Avec les gens qui l’accusaient, le seul horizon pour la dame était celui que lui présentait la haine : la mort. Avec Jésus une porte s’ouvre, une résurrection devient possible, à la fois pour la femme, et pour les gens qui voulaient la tuer. Nous devenons répliques de Jésus cassant les portes de la mort en ressuscitant.

            Pour pardonner, et c’est par là que nous terminons notre réflexion sur la liberté, pour pardonner il faut prendre assez de distance avec ton ego pour que ta liberté intérieure, celle à laquelle le Christ t’appelle, devienne possible.

            N’oublions pas : un homme, un jour, a pardonné sur une croix.