lundi 16 août 2021

5. les repas de Jésus

                On aime se représenter Jésus assis sur un rocher et parlant à un auditoire attentif et recueilli. Ou Jésus seul en prière, de préférence les yeux au ciel. Or, quand on lit les évangiles, on se rend compte que Jésus passe aussi pas mal de temps à table. Pour le français moyen, c’est rassurant !

            Ainsi, Jésus prend son temps pour s’asseoir avec ses apôtres, avec des grands, même avec des pécheurs. Il est là à partager  quelque bon morceau, mais aussi à écouter – il écoute beaucoup, et ça parle dans son cœur – et à causer comme on fait entre gens civilisés… On ne sait pas si ce furent de franches lippées, disons simplement qu’on dut sentir combien le Maître appréciait ces temps de convivialité.

            Jésus prenait le temps de manger, sauf quand les foules étaient trop denses, trop exigeantes. Ces jours-là, il partageait le sort des hommes publics, littéralement « mangés » par leur mission et par le message à transmettre. L’Evangile dit qu’il « ne trouvait pas le temps de manger » (Marc 3/20). Et les gens « buvaient ses paroles », littéralement.

            Jésus acceptait volontiers les invitations, chez les riches comme chez les humbles, chez les pharisiens comme chez ses amis, même aux noces comme à Cana ! Il y allait, et tant pis pour les grincheux qui osaient le traiter d’ivrogne  (Matthieu 11/19).

            Mais ce qui est remarquable dans ces repas de Jésus, c’est son franc-parler. Sûr, il n’avait pas suivi de cours de politesse française. Mais il profitait de l’occasion pour remettre les choses à l’endroit, au nez des invités qui cherchaient la meilleure place, à la barbe de Simon le pharisien devant la femme au parfum. Pour Jésus, le plus important, ce ne sont pas les bonnes manières, ni la qualité des invités ni celle des plats, mais l’accueil, la rencontre, le cœur à cœur. Quand Jésus, invité chez Marthe, déclare que Marie a choisi la meilleure part, il ne s’agit pas de la part de gâteau, ni de la contemplation meilleure que l’action. Marie a choisi la rencontre avec l’invité, l’écoute de sa parole, qu’elle boit littéralement, selon une expression chère aux rabbins.

            Face aux repas de Jésus, il y a cet autre repas de sang, horrible, où la tête de Jean-Baptiste arrive au milieu des plats, « sur un plateau », entre la poire et le fromage ! Daniel Marguerat fait remarquer que ce n’est pas seulement la tête de Jean-Baptiste qui est tranchée, mais  sa parole de prophète qui est coupée… Un repas de sauvages qui préfigure la mort du Christ, crucifié pour l’empêcher de parler lui aussi… Encore aujourd’hui, les dictateurs de tout poil savent très bien fermer la bouche de leurs opposants.

            Jésus, de son côté, ne  fait jamais  la morale à froid, mais il voit, il écoute, il se soucie du pauvre Lazare. Mieux encore : il ouvre les convives à la splendeur de Dieu, car la table les prépare à une autre  table, la table eucharistique. Nous verrons cela. En attendant, rappelons avec Bernard Sesboué que l’Incarnation, c’est la conversation entre amis, les repas pris ensemble, la fête, le labeur partagé. Jésus, grâce à ces choses de la vie, nous connaît de l’intérieur, et c’est toujours là que nous le rencontrons.

            Et à travers Jésus, nous comprenons Dieu, comme dit JM Ploux dans « Dieu n’est pas ce que vous croyez ».