mercredi 9 décembre 2015

Pourquoi partent-ils?

Parler du djihad peut devenir lassant. Dès qu'on ouvre un journal ou une revue, on n'y coupe pas... Pourtant il n'est pas défendu de chercher. Chercher pour comprendre ce qui nous arrive.
Pourquoi tant de jeunes gens partent faire le djihad, au Moyen Orient, au Nigéria, dans le Sahara, voire en Malaisie?  Il me semble que l'on peut distinguer trois types de motivations.
1° il y a ceux qui vont juqu'au bout du salafisme.
2° il y a ceux qui cherchent à se sortir de la pauvreté.
3° enfin, ceux qui, hors de toute religion et de toute question d'argent, trouvent dans le nihilisme un sens à leur vie... et à leur mort.

1° D'abord, ceux qui vont au bout du salafisme. De plus en plus, des voix s'élèvent pour désigner le véritable coupable de la barbarie islamiste: l'Arabie Saoudite, le Qatar. Comme l'écrivait Sophie Bessis et Mohamed Harbi dans le Monde du 18 novembre, tant que les salafistes feront la loi dans ces pays, le djihadisme ne cessera pas. Et Eric Geoffroy dans son livre Le Soufisme page 75, précise :"Les wahabbites... sont réfractaires à toute dimension intérieure de l'islam. L'Etat saoudien n'a pas hésité à promouvoir cet islam sec et fruste."... Au Nord-Cameroun et au Nigéria, il faut relever la sottise des notables musulmans qui envoyèrent leurs fils étudier à Médine, pour les voir revenir salafistes convaincus et soutiens de Boko Haram.
De l'extérieur de l'islam, que pouvons-nous faire pour contrer le salafisme?
Encourager bien sûr les intellectuels musulmans qui, parfois au péril de leur vie, contestent une lecture fondamentaliste du Coran et des hadiths. Mais encourager aussi et surtout les musulmans à une véritable conversion à l'intérieur même de leur religion. Rappelons ce que Christian Salenson aime répéter :"On ne se convertit pas à une religion, on se convertit à Dieu."
Il s'agit bien d'une conversion intérieure et à l'intérieur de l'islam. Sortir d'une vision théocratique de la religion pour entrer dans ce que le soufisme appelle "l'islam intérieur".

Il faut le dire: l'islam soufi, combattu violemment par les salafistes, est la religion de millions de sunnites, depuis ceux qui lièrent de profondes amitiés avec les moines de Tibhirine, jusqu'aux confréries sénégalaises, marocaines, moyennes-orientales. Le commandant Massoud était membre d'une confrérie soufi. On retrouve d'ailleurs cet islam intérieur aussi bien chez les chiites que chez les sunnites. Leur combat rappelle étonnamment les luttes de Jésus contre les docteurs de la Loi.

Au fond, nous demandons aux musulmans de faire le même effort que nous quand nous décidons de descendre à l'intérieur de nous-même et de notre foi. Accepter de "perdre" quelques jours de vacances pour entre en dialogue avec Dieu. Les sages et les penseurs soufis tiennent en islam le même rôle que les contemplatifs chez nous. Voilà comment, dans un premier temps sans doute, nous pouvons dépasser les imprécations pour essayer d'aider ceux des musulmans qui cherchent à sortir leurs jeunes d'un fondamentalisme primaire et stupide, pour se tourner vers l'intérieur de leur vie. Est-ce placer la barre trop haut?

2°Il y a ceux qui, au Nigéria et au sud du Sahara, n'ont pas d'emploi. Boko Haram leur semble un bon moyen de se sortir de la pauvreté, de se marier sans avoir à payer la dot.

3° dans le Monde du 25 novembre, un excellent article dénonce le nihilisme de bien des jeunes djihadistes. Ne s'agirait-il pas du même poison que le nazisme, ou - en remontant plus loin - que les anarchistes espagnols ou français du siècle dernier? Rien à voir avec la religion. Mais, n'est-ce pas la majorité des jeunes djihadistes qui versent là-dedans? Que faire pour eux? Les entreprises de dé-radicalisation font du bon travail. Mais en même temps, ne faudrait-il pas un autre Serge Klarsfeld pour poursuivre et punir les boutefeux de cette horreur?

Quand les Emirats, l'Arabie Saoudite, l'Iran et tant d'autres pays se décideront-ils à suivre l'exemple de la Tunisie dans sa marche vers la laïcité? En attendant, les innocents meurent...