Parler oui, mais pas avant d'avoir rencontré, aimé, chanté,
vécu un peu d'Evangile. Pas avant.
Parler, mais pas n'importe comment. Il y en a, on dirait
qu'ils ont perpétuellement un canon de 75 sans recul dans la bouche! Ils
pensent l'Eglise comme un camp retranché ou comme une colonie israélienne. Pour
eux, le monde est une sorte de poubelle, un marécage où règnent le relativisme,
l'indifférentisme, le laxisme et tous les "ismes" de l'enfer....
Comme si on définissait un homme par les bobos qui l'affligent ou qui le rongent!
Non, si la Mission c'est aussi parler, ce sera une parole de
paix, une parole qui rafraîchit, qui éclaire, qui réchauffe, qui rassemble, qui
donne envie de s'engager.
Une parole qui éclaire: tu es sorti de chez toi, tu as rencontré les autres, tu
t'es battu pour la Justice, tu as chanté. Bon, ça c'est la Mission. Mais
ensuite, si possible, il te faut dire
pourquoi tu fais tout cela, il te faut rendre compte de la foi qui anime ta
vie. Et surtout, dire et rendre compte des merveilles que Dieu fait parmi nous.
Célébrer une liturgie, c'est en grande partie dire tout cela. Quand Jésus
s'écrie :"Père, Seigneur du ciel et
de la terre, je te rends grâce...", il dit le lépreux guéri, la femme
pardonnée, l'enfant ressuscité. Il le dit
et en même temps il révèle le Père.
Et sa parole est déjà une célébration.
Au fond, la liturgie c'est d'abord cela: on célèbre les
merveilles de Dieu, on sourit en racontant comment l'eau de Cana s'est changée en vin, comment
Zachée a dégringolé de son arbre, comment les pauvres ont entendu la Bonne
Nouvelle. Et peut-être aussi, dans la célébration, chacun célèbre dans son cœur
la belle réunion de famille de la semaine dernière, la mention bien au bac de
la petite-fille, la visite inattendue du voisin avant-hier; il s'agit, dans la
liturgie, de dire Dieu et de dire les hommes.
Une parole qui rassemble. Nous les français, il paraît que nous raffolons des
commémo- rations. Le drapeau, le défilé, les discours; mais aussi, mais
surtout, nous aimons être ensemble, avoir les mêmes souvenirs. Avec la même
gravité sur le visage quand il s'agit du souvenir des dernières guerres. Or la
liturgie, c'est aussi une commémoration.
Il y a une Parole qui dit l'amour de Dieu pour nous, l'amour passé,
l'amour aujourd'hui, l'amour éternel. C'est cela qui nous rassemble et qui
établit entre nous une réelle connivence... Sortons de nos liturgies coincées, solennelles,
ennuyeuses à mourir. Soyons plus à l'image du sacrifice animiste, où la
spontanéité et le rire voisinent avec le silence respectueux et sont tout à
fait de mise. Qu'importe qu'il y ait pendant la Messe un zeste d'humour ou un
brin de pagaille (pas trop quand même). Ce qui rend belle la liturgie, c'est
l'union des cœurs dans une communauté vivante, bien plus que les ors des
chasubles et l'encens.
Je me souviens d'une messe en Afrique. On chantait, les corps
rythmaient le chant. Et tout d'un coup, une grand'mère sort des rangs sur l'allée
centrale et se met à danser avec mille grâces. Après elle, un tout petit
bonhomme sort aussi, contemple la mamy un moment en suçant son pouce, puis se
met à danser comme elle, avec beaucoup d'application. Quelle plaisir!
Quelquefois les lieux communs font du bien. Alors pour finir, disons deux choses: 1° toute notre vie peut être
Parole de Dieu et liturgie . 2° ce que nous faisons "parle" souvent
bien plus que ce que nous disons.