lundi 12 janvier 2015

Après l'émotion, la réflexion

Des millions de gens dans la rue, des cris, répétés, scandés :"Je suis Charlie!". Des foules spontanées, volontaires. On sent une conscience qui se rassemble, ce n'est ni une mode, ni une psychose; simplement un peuple qui se lève pour crier sa foi en la liberté, son rejet de la bêtise.
Mais, lentement, une pensée me vient: des "charlies" massacrés, il y en a partout, en Irak, au Nigéria, au Yemen. A l'Est-Nigéria, il y a trois jours, des centaines de femmes, d'enfants, de vieux sont morts parce qu'ils ne n'avaient pas couru assez vite. Ce n'est pas du roman, c’est la réalité. Ces gens, ces frères et sœurs, avaient le droit de vivre libres, de penser librement comme les dessinateurs de Charlie Hebdo. Ces petits avaient le droit de vivre, simplement. Mais, à l'image de ces grands fauves qu'on voit à la télé, les islamistes s’attaquent d'abord aux plus faibles. C'est plus facile!
Mais qui s'en soucie? L'horreur se serait-elle banalisée à ce point? Je ne le pense pas. Mais Kano, Maïduguri, c'est loin. Et encore: en France, il y a une société civile qui réagit, qui crie sa fureur, son amour de la liberté. Mais dans bien des pays, en vérité, où est la société civile? Bâillonnée par les dictatures, flouée par la corruption, la société se tait, se replie sur sa peur. Et puis, à Douala comme à Kano, qui se soucie des massacres du Nord? Qui se soucie de ces jeunes qui s'engagent dans Boko Haram parce qu'ils n'en peuvent plus de pauvreté? Et pourquoi l’armée nigériane, à l'instar de l’armée irakienne, est-elle si peu combative? Voilà le premier mal qui fait le lit de Boko Haram et autres barbares.
Et encore: les Etats vont-ils assez loin? Faire face à l'horreur, mettre ces bandits hors d'état de nuire? Bien sûr, mais la réponse à ces questions n'est pas seulement dans l'Hexagone. Pour suivre ce que disait quelqu'un dans C dans l'air, tout le monde sait que pour éteindre un feu, il faut l'attaquer à la base. Où sont les bases de cette barbarie actuelle? Tant qu'on n'aura pas eu raison de ceux qui financent les islamistes, de ceux qui les motivent, de ceux qui les arment, on aura beau tenter d'éteindre le feu en Europe, on n'y arrivera pas.
Mais j'oubliais: le Qatar, c'est juteux pour nos affaires!

lundi 5 janvier 2015

Un mouton

Oui, dans la crèche, il y a toujours un mouton. Depuis la super-crèche de Bonnieux (à défaut car je n'ai pas vu  celle de St Pierre à Rome) jusqu'à la petite crèche avec des petits moutons que je vois sur la petite cheminée de mon copain Alain, il y a toujours au moins un mouton.
Je n'y avais jamais pensé auparavant, mais cela m'est venu d'un coup lors d'une insomnie. Voilà: tous ces moutons de la crèche sont des signes, et ils nous disent quelque chose d'important... Parce qu'ils ne sont pas là seulement pour accompagner les bergers. En effet, timidement l'un des bergers - un gamin encore - ose offrir un agneau. Et là, d'un coup j'ai compris: ce garçon me révélait la dignité du pauvre.
C'est comme s'il disait à l'Enfant :"Je ne peux pas t'offrir de l’or ou te brûler de l'encens, je ne vais pas t'apporter une Rolls ou une BM, mais ce que j'ai, je te le donne!" Voilà, sous-entendu: "Je suis tout à fait capable de faire un cadeau. J'ai ma dignité, et je suis capable de te donner ce que j'ai." Et le pauvre tend son agneau à Celui qui vient lui rendre sa dignité.

On ne peut s'empêcher de penser à l'obole de la veuve dans l'Evangile (Marc 12/41-44). Elle n'a
rien dit, elle n'a pas fait d'effet de manches, d'ailleurs elle n'avait pas de manches, mais c'est bien Jésus qui lui a révélé, et qui a révélé à tous la dignité de cette vieille dame. :"Elle a donné plus que tous les autres!"
Plus près de nous, on retrouve là l'esprit du Développement. Pas d'aumônes dans le Développement, rien de "charitable". Quand on s'occupe d'alphabétisation, de PMI, d'animation féminine, on aide des hommes à se lever et à retrouver leur dignité d'enfants de Dieu. Et le village, petit à petit, se structure de nouveau, là où la coutume semblait défaillante. Les Boko Haram ne s'y trompent pas: quand ils attaquent un village du Nord-Cameroun, ils s'en prennent d'abord à l'instituteur, à l'animateur rural, à la responsable des femmes, au responsable de la communauté chrétienne. Hélas...
Le meilleur moment dans le creusement d'un puits, c'est la "fête de l'eau" qui ponctue la réussite :"Nous avons creusé, nous avons été capables de réussir". Et le cadeau fait au village, ce ne sera plus un mouton, mais une belle eau propre. Et ce sera encore Noël pour tous.