dimanche 23 novembre 2014

"Chacun sin pin, chacun s'n'harin!"

"Chacun son pain, chacun son hareng!" En patois de Grand-Fort-Philippe, cela veut dire :"Chacun pour soi."... En fait, il suffit de passer huit jours sur le littoral flamand pour constater que c'est un proverbe menteur! Allez donc partager un repas de chasse après avoir arpenté les dunes pendant quelques heures. Et vous verrez que, comme dans tout repas de chasse, il y a une ambiance rare. Entre le pâté de lièvre, les blagues "à la flamande" et les déférents "Monsieur le curé, encore un doigt de bordeaux?", c'est un plaisir, ça aide à croire à la vie.
Et pourtant, au premier abord, le pays n'est guère à l'image du repas de chasse! Passer brusquement des paysages aimables de la Provence aux plaines du Nord maritime, ce n'est pas évident. Malgré la proximité de la centrale nucléaire et de l'immense port de Dunkerque, le pays garde une note sauvage, il ne se laisse pas apprivoiser comme ça.
Il y a cette immensité de la mer et des horizons, immensité qu'on retrouve si bien dans les peintures du grandfortois Van Hecke; on distingue difficilement le ciel de la mer, rien pour accrocher le regard, à part peut-être ce chasseur sortant de sa hutte au loin, ou cette blanche aigrette au bord des saladelles. Rien d'aimable dans la grosse houle grise qui vient battre la jetée de Grand-Fort à marée haute.
Oui, mais c'est comme ça que j'aime ce pays: venteux, rugueux, avec des gens au bel accent picard, habitués au vent et à la pluie, mais très heureux en tout temps, même quand le soleil se montre, ce qui n'est pas rare sur la côte. Des gens chaleureux: dès que vous poussez la porte, ce n'est que du bonheur et des rires... Mais refermez donc la porte, s'il vous plaît. Merci.

mercredi 5 novembre 2014

5. Le croyant, un contemplatif



Le Petit Prince, de St Exupéry, avec son écharpe de lune... Le Petit Prince vit comme tout le monde, mais il donne à chaque être et à chaque chose sa juste proportion. Il promène de grands yeux étonnés sur le monde qui s'agite, et contemple les traders, les ministres, les poivrots. Et après tous ceux-là, il nous rappelle que l'important c'est le cœur. Les yeux étonnés du Petit Prince, ce sont les yeux de Jésus qui contemple le monde... et son Père du ciel. Jésus vit cette double présence, à son Père et au monde. Et quand il prie, aucune force au monde ne peut l'arracher à sa prière.
A la suite de Jésus, le croyant contemple. Comme tout le monde, il aime, rit, danse et pleure. Mais lui aussi cherche éperdument le plus important, cet essentiel que Jésus lui montre. Il le cherche cet essentiel, pas pour le posséder, mais pour le contempler.
Contempler Dieu à partir de quoi? Il y a la Bible bien sûr, c'est la source. Il y aussi la nature, quand on ne vit pas à longueur d'année dans un univers de béton.... Il y a les événements. C'est très important les événements, car ils nous permettent de contempler Dieu et le monde. Il est important pour le croyant de se tenir à l'écoute du monde. Sinon pour le changer, du moins pour lire Dieu à travers les hommes, et apprendre à les aimer  comme Jésus les aime. Lire un grand quotidien n'est pas du luxe... à condition de ne pas s'en tenir aux événements sportifs. Lire surtout les journaux et revues qui repèrent  le bien, le positif dans le monde, comme le fait la revue la Vie. C'est rarement sensationnel, car Dieu n'aime pas trop le bling-bling. A nous de discerner ...
Seulement voilà: pour contempler, il faut s'arrêter de courir. Arrêter de vivre "en électrons hyperactifs", comme dit Pierre Rabhi. Qui dit contemplation dit arrêt sur image, méditation, éternité. Donc, fermer la télé (ce qui dans certaines maisons relève de l'exploit!), "marcher tout doucement vers une fontaine", comme dit le Petit Prince. Oui, contempler dans le monde actuel n'est pas facile, mais voilà l'immense bienfait que peuvent faire au chrétien quelques jours à la campagne, ou dans une abbaye. Ou marcher, longuement, vers Compostelle ou Vézelay. Le Synode des évêques 2012 rappelle "qu'il faut toujours cultiver un espace intérieur qui donne un sens chrétien à l'engagement et à l'activité."
Dans sa première lettre, St Jean dit :"Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons."  Voilà la racine du témoignage chrétien. Pour annoncer Jésus, il faut avoir demeuré avec lui, l'avoir contemplé... Pour finir, citons le pape François (encore lui!): "La meilleure motivation pour se décider à communiquer l'Evangile est de le contempler avec amour."