mardi 10 février 2015

6. Le croyant, fragile et solide.



Voici une histoire que je ne me lasse pas de raconter! Cela se passe au Nord-Cameroun. En montagne, j'entre dans la cour intérieure d'un saré, l'enclos familial,. Personne pour m'accueillir, à part un bambin qui, à la vue de cet horrible blanc, se sauve...et va se jeter dans les jambes de son père qui sort de sa case. Et l'homme, dans un geste tout naturel là-bas, attrape le gamin par un bras et hop! le juche sur son épaule. Alors de là-haut, l'enfant me décoche son plus beau sourire, l'air de dire :"Maintenant, avec mon papa, tu ne peux plus rien me faire!"

Et voilà bien éclairé mon propos de ce matin. Je suis, nous sommes tous comme ce petit, des bonshommes fragiles, relatifs, cachant notre peu de solidité sous des airs plus ou moins bravaches. Mais si, comme croyant, je monte sur les épaules de Dieu, alors oui, je deviens vraiment solide.
Le plus extraordinaire, c'est que Dieu lui-même est entré dans notre fragilité. Car la fête de Noël, c'est bien cela: Dieu qui vient partager notre faiblesse, marcher avec nous.   Il connaît la tentation, il pleure Lazare son ami, il crie de détresse à Gethsémani.

Chacun connaît très bien ses fragilités. Pas la peine d'insister, on ne demande pas à un accidenté de la route  s'il a mal. Mais si je réfléchis avec ma foi, je me rends compte que ma fragilité est une chance. C'est une chance car elle me pousse à faire confiance à un autre que moi-même, à grimper sur les épaules de Dieu. Rien de pire que le "suffisant". Le mot est clair: le suffisant se suffit à lui-même, il n'a besoin de personne. Pauvre de lui! A la première crise, qui viendra l'aider? Non, ma fragilité me rend accessible aux autres, et les autres me deviennent proches. Quand le docteur tombe malade, il comprend mieux ses malades.... Et je trouve ma solidité hors de moi-même, en Dieu si je suis chrétien. Rilke a célébré la fragilité de l'homme, Etty Hillesum a découvert la fragilité de Dieu, et Gabriel Ringlet a écrit avec bonheur un "Eloge de la fragilité".

Mais regardons l'Histoire. Il y a plein de fragiles-solides dans l'Histoire. St Pierre, mort de trouille dans la cour du grand-prêtre, et envoyé par Jésus "raffermir ses frères". St Augustin, criant sa misère dans ses Confessions, et devenu le grand spirituel que nous connaissons. Mère Térésa, passant par de terribles "nuits de la foi", et princesse de charité. Citons même Tierno Boukar, simple paysan musulman, grand mystique et persécuté pour cela. Tous ont été témoins de leur propre fragilité, mais leur foi fut solide.