mercredi 5 décembre 2012

Liberté chérie!

Quand on lit Jean 10/9, on constate que Jésus dit :"Je suis la porte. Celui qui entrera par moi sera sauvé; il pourra entrer et sortir..." Si je lis bien, il ne s'agit pas d'enfermer les fameuses brebis dans un enclos, fût-il bien sympa et bien chaud, peuplé de croyants souriants et épanouis comme dans les brochures des Témoins de Jéhovah. Si Jésus veut rassembler ses "brebis", c'est pour les appeler à la liberté! Avant le 14 juillet, reconnaissons-le: la première manif pour la liberté, ce fut bien celle d'Adam et Eve au Paradis. Ce qui me fait dire, avec les chrétiens d'Amérique Latine, que le premier révolutionnaire, c'est Dieu.

Trop longtemps, l'Eglise a été hésitante sur ce chemin de la liberté. Il suffit d'un rapide survol pour s'en convaincre. Dans les premiers siècles, au temps des martyrs, il y eut l'affaire des lapsi, ces chrétiens qui avaient sacrifié aux idoles par peur des persécutions, et qui voulaient revenir. Pouvait-on les réintégrer, ou fallait-il leur claquer la porte de l'Eglise au nez? Heureusement, le pardon l'emporta. Or le pardon libère, du côté du pardonné comme de l'autre.

Ensuite, il y eut la conversion des "barbares". De très bons et très grands missionnaires se levèrent: St Boniface,  St Colomban, St Martin.... Mais déjà, on oublia pas mal la liberté, il y eut des conversions musclées en masse, et l'on poussa les brebis dans l'enclos, tels les saxons. Où était Dieu là-dedans?
Il y eut l'Inquisition et ses procès staliniens. Pourtant, parmi les inquisiteurs, s'il y eut des satrapes, on trouva aussi des miséricordieux, surtout chez les franciscains... Ainsi continuèrent à se cotoyer coercition et liberté jusqu'aux temps modernes. Des saints comme Philippe Néri, le curé d'Ars, St Eugène de Mazenod eurent la difficile mission de gérer le problème. Mais peu à peu, s'imposa à l'Eglise, peut-être sous l'influence des révolutions et autres "printemps", la conviction qu'il n'y a pas de chrétien sans liberté et sans décision personnelle. Ce courant a toujours existé, de St Ambroise à Ignace de Loyola, mais il occupa une place centrale au Concile Vatican 2. Là, on parla moins de brebis perdues que de brebis différentes... Des tas de brebis qui n'entreront jamais dans l'enclos, mais que Dieu aime. Sans être ovinologue (c'est comme ça qu'on dit?), je suppose qu'il y a une infinie diversité de moutons sous le soleil de Dieu!

Et surtout, on mit en avant l'adhésion libre à l'Evangile. Hélas dans l'inconscient collectif de notre pays, combien continuent à voir l'Eglise comme une entreprise de contrainte! Or nos contemporains ont horreur de tout ce qui ressemble à de la manipulation mentale, même s'ils s'y laissent prendre trop souvent. Avons-nous compris le message, nous autres gens de la nouvelle évangélisation?

L'autre jour, j'ai été saisi par le sourire des gens après une réunion. Nous avions partagé sur la foi de chacun: depuis quand ta foi est-elle devenue personnelle? Quels sont tes doutes? etc. Réflexion d'un participant :"On nous parle beaucoup de la foi, la foi, la foi. Mais il est rare qu'on nous permette de parler nous-mêmes sur notre foi." Cela a fait tilt dans ma tête. Un Evangile de liberté...

dimanche 21 octobre 2012

Des hommes-catastrophe

Décidément, le monde va mal. L'autre jour sur RCF, un évêque évoquait ce malheureux monde dans les ténèbres, que la Nouvelle Evangélisation, ayant les faveurs d'un synode actuellement, sauvera à coup (presque) sûr.

Il y a des gens qui mangent "le monde" à tous les repas: au hors-d'œuvre, l'hédonisme; le plat de résistance, ce sera le relativisme. Et au désert, l'indifférentisme. La cata à tous les étages! Je pense parfois à ces films américains: plus les flammes sont hautes, plus les explosions terrifiantes, et plus le héros sera héroïque. Ainsi l'Eglise qui flotte sur les flots déchaînés de l'incroyance, supplie Jésus de calmer la tempête, une fois de plus.

Trêve d'ironie. Mais je m'étonne quand même: des chrétiens n'ont que le Concile Vatican 2 à la bouche, mais on a parfois l'impression que c'est pour mieux l'enterrer! Le Concile nous a habitués à voir "le monde" sous un œil plus positif, il nous a rappelé que l'Esprit-Saint travaille même hors de l'Eglise.

Merci à Jérôme Vignon qui, dans la lettre des Semaines Sociales d'octobre, conteste certaines affirmations des Linéamenta, premier des documents préparant l'actuel Synode sur la Nouvelle Évangélisation. "Un document qui, à côté d'analyses très fines, a des affirmations excessivement pessimistes sur l'état du monde et de la société"... Jérôme prend ainsi le relais du cardinal Frings qui, au Concile, s'opposait de front au cardinal Ottaviani dénonçant le "poison de la modernité".... Au lieu de laisser les hommes-catastrophe sonner le tocsin, ne vaut-il pas mieux faire appel à notre expérience missionnaire, nous qui, à la suite du Concile, avons trouvé tant de richesses, d'amour, de questions cachées aussi, dans "le monde de ce temps."

Je ne nie pas que l'Eglise ait un rôle de veilleur en dénonçant les tares de la société. Mais d'abord, aujourd'hui les gens n'aiment pas qu'on se frappe la poitrine sur celle des autres. Ils préfèrent les témoins. Ensuite, à quoi cela sert-il de jouer les Cassandre si, à l'instar de Cassandre, on n'est pas ou peu écouté? Mieux vaut se demander pourquoi la société civile nous écoute si peu? On comprendra alors qu'aujourd'hui, les gens n'écoutent pas ceux qui prétendent être au-dessus ou à l'extérieur de leur monde. Si Vatican 2 a eu un tel retentissement, n'est-ce pas pour deux raisons: l'Eglise a eu d'abord un regard positif sur le monde; ensuite elle s'est située à l'intérieur et dans le monde, et non au-dessus et à côté.

J'aime bien la démarche de l'archevêque du diocèse d'Aix-et-Arles, Christophe Dufour, parlant dans sa lettre pastorale d'octobre 2012. Ayant visité sa région, il admire d'abord la lumière de Provence et les raisons d'espérer. Ensuite, il relève les souffrances dues aux inquiétudes pour l'avenir de la région. Dans son discours, nulle trace de reproche, nulle dénonciation, seulement une grande compassion, après une belle sympathie.

Et je me souviens que Madeleine Delbrel disait, un peu dans le style de Péguy :" La foi est une passante: aucun temps ne lui est réfractaire, elle n'est réfractaire à aucun temps, elle est faite pour le temps, elle est destinée à chaque temps, et quand un temps lui semble être réfractaire,c'est à nous qu'il est sans doute réfractaire, parce que nous drainons avec nous le résidu d'un autre temps..." (Nous autres gens des rues)

Ils sont heureux les gens de bien!

lundi 1 octobre 2012

Il y a sacré et sacré

Comme le disait un pasteur sur RCF (Radios Chrétiennes en France), si le sacré est un obstacle à la liberté d'expression, alors il n'y a plus de liberté d'expression.

Mais au fait, qu'entendons-nous par "sacré"? Si cela signifie intouchable, séparé, tabou, pour nous chrétiens, ce sacré n'existe pas, comme le dit très bien Jean-Noël Bezançon. Depuis l'Incarnation, le voile du Temple s'est déchiré, Dieu est parmi les hommes, même si, par la suite, l'Eglise - copiant en cela l'Empire romain - a voulu abusivement rétablir le sacré-séparation. Ce qui a donné, par exemple, la Messe dos au peuple et le port de la soutane. Non, ne recousons pas le voile du Temple!

Pour nous, depuis Jésus, le seul sacré c'est l'homme. L'homme dans sa dignité, l'homme digne de respect et d'amour. Ce n'est pas un sacré qui sépare, mais un sacré qui nous fait solidaires de tout homme. C'est notre conviction, et en cela nous rejoignons les humanistes, tous les humanistes qu'ils soient croyants ou non.

Donc, il ne faut pas se tromper de sacré. Mais voilà: il y a le "scandale du faible" comme dit St Paul. Les "forts dans la foi" peuvent supporter caricatures, films insultants et autres peintures. Mais les faibles? Si ce que je dessine doit faire du tort à mon frère, le scandaliser, vais-je encore dessiner? Au nom de la liberté d'expression, vais-je encore travailler pour la paix?

Oui, euh, hé, hein, bon! D'accord. Mais le faible, quand sortira-t-il de sa faiblesse? Quand ne se trompera-t-il plus de sacré? Et, pour ce faire, quand osera-t-on soumettre les "textes sacrés" comme le Coran à la critique littéraire et historique? Quand les éléments les plus éclairés parmi les musulmans auront-ils le droit d'intervenir en théologie? Quand le soufisme aura-t-il vraiment droit de cité?
On a parfois l'impression que, pour certains qui se disent musulmans, la seule façon de se défendre, ce sont les hurlements, les fatwa et les mains coupées. En fin de compte, tout cela n'est qu'un aveu de faiblesse, comme toute politique de coercition d'ailleurs.

En 2012, il faut absolument aller plus loin, et laisser historiens et exégètes faire leur travail. Que ce soit en christianisme ou en islam.

jeudi 30 août 2012

Camargue

 

C'est un peu l'histoire d'une passion qui continue. La chasse. C'est fort peu ecclésiastique, j'en conviens. Mais la passion, cela ne se commande pas. Donc après les bécassines du Nord, les outardes et autres canepetières en Afrique, depuis  dix ans je me suis passionné pour la Camargue. Avec cette grosse différence: l'appareil photo a remplacé le fusil.
La Camargue, pour moi, c'est l'étang du Vaccarès et ses alentours. Et plutôt l'est et le sud de l'étang que l'ouest, où les touristes sont presque aussi nombreux que les flamants. Non, il faut avoir goûté le sel des sansouires, longé les longues canisses (roseaux) où le mistral se prend en ondulations folles, et tenir prêt l'appareil car n'importe quoi peut fuser des roubines. Tout cela, on ne le trouve qu'à l'est de l'étang.
C'est là qu'est la vraie faune sauvage, celle qui se cache, surprend parfois, émerveille toujours. Et parfois, miraculeusement, l'oiseau se laisse prendre en photo, après une longue patience, ou fortuitement comme ce héron-butor campé un jour au bord du goudron.
A vrai dire, la faune ce sont aussi les hommes! Depuis le touriste en short qui a oublié les moustiques de Camargue, jusqu'au super-ornithologue vêtu de neutre, armé du super-télé-objectif qui vous fixe le bec de la nette rousse à  trois cent mètres ou l'œil rond de la bécassine aux aguets. J'ai même rencontré un monsieur qui s'était auto-proclamé "spécialiste mondial du tadorne"... On se sent tout petit devant ces géants.

Mais si les oiseaux ne vous disent rien, il reste le miroir extraordinaire du Vaccarès par temps calme, où les flamants se mirent, insolites, pas finis, évoquant plutôt une toile de Bernard Buffet. Il y a encore la paix du soir au ciel pur, ou bien, plus souvent, la furie du mistral libéré de la vallée du Rhône.

 Au fond, les soirs calmes, la traque des oiseaux, le plaisir d'un instantané réussi, tout me fait retour à ma Flandre natale.

lundi 30 juillet 2012

père, gardez-vous à droite, père gardez-vous à gauche!

Comme à la bataille de Crécy, les chrétiens sont assiégés! C'est du moins l'impression que l'on a quand on sort de cette charmante petite église d'Evenos, dans l'arrière-pays toulonnais.
L'églie est belle. Mais au fond, on trouve des liasses de papiers mis obligeamment à la disposition des visiteurs. Et le visiteur que j'étais en est sorti sidéré.
On a beau savoir que certains se sont spécialisés dans le rétro-pédalage, là ça dépasse tout! On trouve, pêle-mêle:
  • un "Gare aux franc-mlaçons" de l'évêque de Toulon
  • "l'enfer est-il vide?"
  • "Malfaiteurs de l'humanité", contre Simone Weil, "mère de l'IVG"
  • un "Journal des patriotes catholiques"
  • une "Dérive vers la christianophobie"
  • le devoit de refuser la communion aux divorcés-remariés
  • sur l'incinération etc.... Au secours, l'Eglise est assiégée! Le monde l'attaque! Et s'il n'y avait que le monde! Mais - nous dit-on - le ver est dans le fruit, le cheval de Troie est dans la place. Et de dénoncer le relativisme, la liturgie au rabais,les laïcs qui usurpent la place du prêtre etc...
Il ne faut pas dire que toute cette prose est radicalement fausse. C'est vrai: il y a des gens qui n'aiment pas l'Eglise (est-ce un péché?), on trouve des musulmans fanatiques et des franc-maçons vilains et conspirateurs. Là-dedans, il y a bien une part de vérité. Mais justement, cette vérité est tronquée, et donc fausse. On retrouve là tout le génie du bourrage de crâne, naguère cher aux totalitarismes. On veut nous faire croire que ce monde où nous sommes est complétement pourri, qu'il est bourré de méchants prêts à découper les chrétiens en rondelles. Et pour ce faire, on déploie toute une panoplie de semi-vérités, de quasi-mensonges et d'infra-accusations. Et de vouer aux gémonies, pêle-mêle, Simone Weil bien sûr, mais aussi Henri Tincq, Jacques Duquesne et d'autres.

On retrouve cet esprit simplifacteur dans cette affiche sur la Nouvelle Evangélisation qui a circulé dans le diocèse d'Avignon: on y voit un petit groupe de chrétiens inondés du St Esprit, qui affronte un monde sombre: sexe, déchets, guerres, drogue etc... Comme si "le monde" n'était que cela, comme si l'Esprit n'y travaillait plus et s'était réfugié dans l'Eglise, comme les boat-people.

Comme dit Mgr Dagens, réveillons-nous! Ne restons pas dans la logique des salafistes et autres suppôts d'Al Qaida; car c'est bien de cela dont il s'agit ici.

Le Concile Vatican 2 nous avait habitués à une vision bien plus évangélique des rapports Eglise-Monde, et à une vision bien plus lumineuse et optimiste de l'Homme. Pourquoi voudrions-nous, obstinément, revenir au temps de l'Inquisition et des autodafés?

dimanche 1 juillet 2012

samedi 30 juin 2012

Pierre et Paul

Ce ne sont pas des bleus, non! Pierre et Paul sont des hommes d'expérience. L'Eglise a raison de les fêter ensemble le 29 juin, car l'un comme l'autre sont les types du responsable chrétien tel que nous le montrent les évangiles.
Une expérience commune les lie.

Il y a d'abord la confiance donnée. Confier une responsabilité à quelqu'un, c'est lui faire confiance. Pierre et Paul ont été bouleversés, renversés par la confiance que Jésus leur a montré. Ils savaient bien leurs limites, mais ils savaient aussi la manière de Dieu, qui appelle les bégayants et les clopinants.

Une autre expérience leur est commune: celle de la Mission. Une expérience double, avec deux pôles: le travail et la parole. Le travail: Pierre et Paul sont les ancêtres des "prêtres au travail". L'un pêcheur, l'autre tisserand, ce qui a rendu leur prédication plus vraie aux yeux des gens. Le P. Loew à Marseille ne s'y est pas trompé, lui qui a appelé son groupe de la Cabucelle, la MOP: Mission Ouvrière St Pierre-St Paul

Il y a d'autres expériences communes aux deux apôtres: la souffrance traversée, la mort acceptée. A propos, souvent on ne voit du pape que la soutane blanche, les discours, les voyages et le doux regard. Mais mesurons-nous la part de souffrances de cet homme, de ses débats intérieurs?

Enfin une dernière expérience, plus particulière à Pierre: celle du pardon. Ce fut peut-être son plus fort souvenir du Christ. Quelque part, ce souvenir rejoint notre propre expérience du pardon. Pardonnés, nous sommes aussi capables de défoncer les portes de l'Enfer, comme dit l'évangile du 29 juin.

mercredi 6 juin 2012

Parapente

Autrefois, on se mariait en calèche. Dans vingt ans, on se mariera en apesanteur dans une capsule spatiale. Mais aujourd'hui, il y a le parapente!
D'abord, par définition, un parapente, c'est plus aérien qu'une Buick de 8 mètres. Ensuite, c'est beau. Pas à dire, c'est beau. Tout de blanc vêtus, sur le fond bleu du ciel bleu, suivis d'un long tissu rappelant soit la traine de la mariée soit l'écharpe du Petit Prince, Christian et Charlotte descendirent sous nos yeux de la montagne Ste Victoire.

C'était beau. Mais aussi, c'était très symbolique. Une descente pleine de symboles.
D'abord, il fallut la monter à pied cette Ste Victoire, avec chacun douze kilos dans le dos. Mis en commun, cela fait quelque 24 kilos de parapente biplace... Peut-on trouver meilleur symbole d'une vie où l'on se coltine ensemble le poids des jours? Lors de la dernière réunion du CPM (Centre de Préparation au Mariage), je demandai aux jeunes fiancés :"A quoi aimeriez-vous comparer votre (futur) couple? Un combat de coqs, un couple de tourterelles, ou un tandem grimpant le mont Ventoux?" Beaucoup optèrent pour le tandem.

Et puis, Charlotte et Christian se lancèrent. Faisant confiance au vent, à la toile, au savoir-faire du garçon (quand même!), ils osèrent. Et là encore, voici le symbole de deux êtres qui font le pari de la confiance mutuelle :"Allez, on y va, on construit ensemble." Et il y eut de ces arabesques dans le ciel, un peu comme une danse, une romance qu'on chantonne à deux. Entre nous, ce n'était pas leur première romance: leurs deux petits les attendaient en bas.

Car il fallut bien descendre. Et voilà le troisième symbole: on ne se marie pas pour rester à deux sur un petit nuage, mais on atterrit au milieu des parents, des oncles et tantes, des amis qu'on a conviés, et des enfants qui attendent un calin. On se fait une place, en ménage, dans toute une société. Et tous les regardent descendre en vrille... Des anges, je vous dis, mais des anges qui retombent sur terre où les attendent les invités qui ont soif.

Alors Charlotte et Christian font le signe du service en versant eux-mêmes à boire....

Foi de parapente! Moi qui crois au ciel, je pense qu'il y a des clins d'oeil de Dieu qu'il ne faut pas manquer.

mercredi 9 mai 2012

Vivante Eglise

"Chapeau cette messe de mariage!" me disait un ami au vin d'honneur.... Cela se passait cette semaine à Mons en Pévèle, près de Lille. Et de fait, ce fut un mariage où non seulement la famille, mais toute la communauté paroissiale célébrait en chœur l'événement.
Et les mariés participaient! Pas un "oui" chuchoté au bout d'un sourire contraint, mais un "oui" claironnant, presque triomphal, où l'on sentait la fin d'une vraie période de fiançailles et le début d'un vie à deux. Et le célébrant! Discret, plein d'humour; il y avait comme une connivence entre lui et l'assemblée.

Au vrai, la célébration est la face visible d'une vie chrétienne forte. La mère de la mariée, paraissant presque aussi jeune que sa fille, anime la catéchèse de sa paroisse. En fait, elle conseille et forme un groupe de catéchistes ayant chacun six enfants à initier. Ce qui fait environ quatre-vingt petits. J'ai rencontré un de ces catéchistes, Rodolphe, la quarantaine, qui vient de recevoir le baptême à Pâques. Il est tout heureux de dire sa foi toute neuve à six enfants, dont son fils.

Voilà ce qui arrive quand on joue le jeu de la confiance. Nous sommes loin de ces paroisses où le nouveau prêtre a récupéré toutes les responsabilités, prétextant que ce ne sont pas les "fidèles" qui doivent gérer la paroisse. Leur seul devoir est de bêler en écoutant des homélies parfois belles, parfois interminables et, bien sûr de se laisser tondre à la quête. Dans ces paroisses, on célébrera l'anniversaire du Concile Vatican 2, avec d'autant plus de pompe qu'on s'évertuera à le torpiller, ce Concile.

Arrêtons de maugréer. Merci au Seigneur de nous montrer que les communautés vivantes, ça existe bel et bien en France. Et merci à ceux et celles qui, malgré l'air ambiant, continuent à travailler dans la vérité du Concile et de l'Évangile.


mercredi 18 avril 2012

Overdose?

On entend grogner ici et là :"Marre de cette campagne électorale! Comme si on n'avait que ça à penser!"
Oui bien, on a le tournis avec ces visages mille fois aperçus et ces discours qui promettent, qui promettent... Mais au fond, quelle chance avons-nous de pouvoir débattre de tout et de tout! Même les évêques s'y mettent, et ils font bien. Car l'enjeu de ces élections n'est plus seulement le mieux vivre, mais bel et bien de trouver à manger, de trouver un travail, ce qui est autrement vital.

Alors j'ai bien aimé la lecture de "Grandir dans la crise", car ce document des évêques de France remet la balle au centre: on ne s'en sortira qu'en se demandant :"Qui est mon prochain?"
J'ai bien aimé aussi ce que disait quelqu'un sur RCF: c'est dans les communes où le tissu associatif est le plus fort que le taux d'abstentions aux élections est le plus faible. Normal, les gens qui ont l'habitude de participer, s'intéressent mieux aux enjeux nationaux.

Ceci dit, il ne faut pas croire que la France soit le nombril du monde. Heureux pays où l'on peut débattre sans se retrouver en camp de travail! Nous rendons-nous compte que nous avons de la chance d'avoir des élections libres, et que les pays vraiment libres ne sont encore que des îlots dans le monde?
Nous parlons niveau de vie alors que les autres hurlent justice et liberté. Nous avons raison de vouloir sortir de la crise, cela devient insupportable pour beaucoup. Mais que cela ne nous ferme pas sur notre Héxagone. A mon avis, la politique étrangère de la France est au moins aussi importante que les enjeux internes. Et qui sait? Travailler tous azimuths pour que les Syriens et les Russes puissent débattre comme nous, c'est peut-être un moyen de conjurer la crise???

jeudi 22 mars 2012

Deux logiques

Dans toute religion, deux logiques se côtoient, quand elles ne s'affrontent pas: une logique de communion et une logique de séparation, voire d'exclusion. Ceci est vrai pour les chrétiens, où longtemps la logique d'exclusion a prévalu. Il y eut de "bonnes raisons" pour cela, en un temps où l'on se tapait joyeusement sur la figure, où l'on ne concevait les rapports avec les autres religions que dans l'opposition lumière-ténèbres, ou Cité de Dieu et Empire du Mal. Avec bonheur, Vatican 2 a fait prévaloir la logique de communion. Et nous vivons encore de cette logique, faite d'ouverture à l'autre, de tolérance ,même si cela nous vaut parfois d'être accusés de "relativisme". Et même si la logique de séparation refait surface ici et là: retour symptomatique de la soutane, messe "extraordinaire", soupçon er rejet des laïcs engagés dans leur paroisse (ne protestez pas, j'ai 150 exemples sous les yeux!), opposition manichéenne du Bien et du mal dans les homélies.

Côté islam, les deux logiques se côtoient aussi. Bien sûr, le courant ouvert est bien présent, particulièrement en France, mais aussi en Tunisie et - ici et là - en Afrique subsaharienne. Mais il semble que la logique d'exclusion tienne pour le moment le devant de la scène, surtout là où l'islam est majoritaire, sauf peut-être en Indonésie : soupçons envers les courants soufis, lutte sunnites-chiites, persécution des chrétiens d'Orient, Boko Haram... Ici et là, les révolutions arabes prennent figure d'un marché de dupes, où les islamistes tendent à confisquer le pouvoir au détriment des autres acteurs du réveil arabe.

Mais surtout, surtout en ce moment - et là j'aimerais que l'on me contredise - quelles voix officielles dans les pays musulmans, se sont élevées contre les tueries de Toulouse? Quel gouvernement? Quel recteur d'Al-Ahzar, qu'on dit par ailleurs fort ouvert? On pousse des cris d'orfraie quand on brûle un Coran - geste fort répréhensible certes - mais pourquoi le monde musulman a-t-il tant de peine à écouter ceux des siens qui appellent au dialogue, voire à la prière commune?

Ne nous y trompons pas: toute religion qui prête l'oreille aux chantres de l'exclusion, cette religion n'a aucun avenir, elle ouvre la voie aux lefévristes et islamistes de tout poil, ou - pire - aux Mohamed Merah.

lundi 12 mars 2012

Garder l'équilibre

Voci un article paru dans la revue des Oblats de France. et j'ai pensé que cela pourrait intéresser d'autres...


Garder l’équilibre

Au congrès de l’ARS (Association des Recteurs de Sanctuaire), à Lisieux en janvier dernier, Mgr Boulanger, évêque du lieu, nous a parlé de « la Mission pour Thérèse », et c’était très bien. Je cite un passage : « Pour Charles de Foucauld, enfouissement et visibilité, silence et parole vont de paire. Rappelons-nous que le fondement de la spiritualité de C. de Foucauld est dans conjonction « et », alors que souvent nous la remplaçons par le « ou » : enfouissement et visibilité, silence et parole. Le missionnaire est à la fois un disciple et un apôtre de Jésus. Il est un envoyé, même s’il n’est pas un propagandiste. »

Mais voilà le hic ! Si par le passé on a été parfois tellement enfouis qu’on n’était plus audibles (quoique…), il faut bien dire qu’actuellement on nous rebat les oreilles avec la « nouvelle évangélisation ». A entendre certains comme cet autre conférencier venu de Rome exprès et faisant partie du dicastère tout neuf « Pour la Nouvelle Evangélisation », il faut maintenant prêcher à temps et à contretemps, peu importe le milieu, pourvu que soit respectée l’orthodoxie du Message. On nous dit que « l’écoute vient de la prédication », alors que toute notre expérience missionnaire nous dit qu’avant de parler, il faut écouter ce que vivent les hommes.

Et – cerise sur le gâteau – on nous affirme que « l’immédiat après-Concile est terminé ». Voici venu le temps où on a tout compris. Foin des Congar, Hans Kung, Helder Camara et autres Guislain Laffont ; c’est maintenant le temps de la Nouvelle Evangélisation. Mais à aucun moment on ne nous a parlé de « présence au monde » ou de « vivre avec les gens ». Non, c’est la liturgie qui évangélise !

Le moins qu’on puisse dire est que tout cela n’est pas très équilibré. Merci à Mgr Boulanger de réclamer cet équilibre : enfouissement et visibilité. Sinon, une fois de plus, l’Eglise ira dans le mur. Malgré l’Esprit-Saint.

Je dis cela tout de go. Mais pourquoi nous les religieux, ne disons rien ? A d’autres endroits, comme en Amérique Latine, les religieux ont fait office de poil à gratter de l’Eglise. Pourquoi pas en France ?

samedi 18 février 2012

nous aussi

Cette guérison du sourd-muet dans l'évangile de Marc 7/31-37, m'a sauté aux yeux. Pardi, nous aussi, nous pouvons faire parler les muets! Nous ne sommes pas des ORL, mais voyons plutôt...

Dans un pays où règne la corruption, pays que je ne nommerai pas, les pauvres sont toujours perdants, puisqu'ils n'ont pas de sous, ou si peu, pour acheter les juges et les fonctionnaires. D'où l'importance des Comités Justice et Paix, existant en principe dans toutes les paroisses. Ces comités ne sont pas là pour parler à la place des pauvres, mais pour les aider à parler, à crier, à triompher de leur aphasie imposée.
Ainsi cette veuve qui, à la mort de son mari, fut chassée de son domicile par un prédateur... Deux ans! Cela a duré deux ans avant qu'elle ne récupère son bien! Enquête "égarée", délais infinis, intimidations... Mais un Comité Justice et Paix était derrière elle, ce qui lui donna courage et confiance en elle pour tenir tête au Procureur.

Et à Marseille... Les jeunes des cités ne trouvent qu'un moyen - pervers - pour exprimer leur mal-vivre: la violence. On connaît ça. Alors un Centre Social organisa un théâtre pour les jeunes, où ils se produisirent, et dans des pièces classiques 'il vous plaît. J'ai vu des garçons de 15-16 ans transformés, retrouvant confiance en eux-mêmes, reconnus, rayonnants, heureux. Oui, les muets parlent...

En famille, dans nos communautés de quartier, de travail, quels signes, quels miracles faisons-nous pour effacer les dialogues de sourds, les non-dit, le repli sur soi?

samedi 28 janvier 2012

un sac de poivre

L'ami Guy Deswarte, de Dunkerque, m'a communiqué ce délicieux souvenir de jeunesse, que je vous livre...

Vacances de Noël pour des enfants Bray-Dunois.

J'ai neuf ans... C'est la drôle de guerre. Les allemands, occupés en Pologne, n'attaquent pas la France, et celle-çi est incapable d'attaquer l'Allemagne. Beaucoup de soldats français occupent Bray-Dunes, et particulièrement la ferme de la Grande Mare, la plus septentrionale de France.
Les soldats du 4ème zouaves, qui l'occupent, désoeuvrés, fument beaucoup. Mais où trouver facilement et à moindre coût, tabac et cigarettes, si ce n'est à la frontière du Perroquet, en Belgique toute proche? Mais pas question pour un soldat de passer cette frontière pour gagner un pays neutre. Surtout pour frauder et rapporter des produits prohibés!
Aussi nous donnent-ils les quelques francs nécessaires à l'achat du tabac, leur viatique, sans oublier les centimes avec lesquels nous pourrons acheter bonbons et chocolats, notre récompense.
Nous partons deux par deux, la fronde au cou, mouffles en mains, visage caché par notre passe-montagne, via la drève (allée bordée d'arbres), pour rejoindre la voie ferrée allant de Dunkerque en Belgique. Et là, nous remplissons nos poches de galets en guise de munitions. Puis nous gagnons les chemins de dune qui rejoignent les maisons de pêcheurs; cachés par la voie ferrée qui les surplombe, nous tirons force grives litornes et autres sansonnets qui se gavent des baies d'arbousiers, à la billebaude.... Cet hiver 39 est particulièrement froid, et les oiseaux migrateurs que nous sifflons pour les dérouter, très nombreux.

Courses faites, munis d'un sac de poivre qui se vend en vrac, nous attendons d'autres équipes pour prendre le chemin de retour. Un retour qui se fait par groupe de huit ou dix enfants. Nous nous sentons ainsi moins vulnérables. Le coeur battant, la peur au ventre, nous empruntons des chemins différents traversant les arbousiers et autres baliveaux, nous sachant à l'abri des regards, prudents et aux aguets pour éviter nos ennemis, les douaniers et leurs chiens. Un jour, il nous est arrivé d'être poursuivis par ces chiens de douanier, mais une poignée de poivre les a fait fuir en hurlant, la queue entre les jambes!

Et, fiers comme Artaban, nous rentrons glorieux vers la soldatesque qui nous félicite de notre exploit.