samedi 17 décembre 2011

sus au père Noêl!

Qu'on me pardonne mes allergies, souvent passagères d'ailleurs. Mais en ce moment, j'en veux particulièrement au père Noël, lui faisant ainsi bien de l'honneur. Le père Noël n'est qu'un avatar de St Nicolas, dûment fêté dans le Nord et dans l'Est, et qui tendait à éclipser la fête de Noël quand nous étions petits. Aujourd'hui, le père Noël envahit les grandes surfaces, grimpe aux fenêtres, nous assomme avec ses rennes et sa trogne. Ce bonhomme, qui nous est venu, paraît-il, des USA au 19ème siècle, est devenu grâce à d'astucieux managers, un argument commercial de première bourre.

D'accord, nous avons besoin de rêve. A Noël, en voyant la lumière dans les yeux des enfants, c'est notre enfance qui nous revient. D'accord, Noël est l'occasion de gestes de générosité extraordinaires chez beaucoup, croyants ou pas. Tout cela est bel et bon, c'est même extrêmement tonique en ces temps de crise économique et de massacres syriens. Mais Noël, n'est-ce que ce bonhomme cramoisi? Son prénom italien, Natale, devrait nous ramener à une autre réalité, celle de la crèche: dies natalis, naissance, venue de Dieu chez les hommes: c'est quand même autre chose que le père Noël et ses niaiseries.

Posons-nous la question une fois: d'où viennent les Droits de l'Homme? Au fin du fin fond, d'où viennent-ils? Sinon de la dignité extrême de la personnes humaine, dignité reçue, donnée par Dieu se faisant l'un de nous. Qui a séjourné un tant soit peu en milieu animiste africain, s'aperçoit que le respect de la personne, ce n'est pas inné! Même chez nous, où l'on est obligé d'enseigner le respect aux jeunes. Cela nous vient de l'Incarnation, qui fait partie de notre culture quoiqu'on dise. Noël, c'est d'abord, ce n'est que la venue de Dieu parmi nous. Pas pour nous maintenir en enfance, mais pour nous diviniser, rien de moins.

Foin de grands mots. En ce mois de décembre, permettons-nous ce slogan assassin: tordons le cou au père Noël!

dimanche 27 novembre 2011

En relisant Luc 21/29-33...

Le figuier et tous les arbres. Luc est plus approximatif que Marc et Mathieu dans sa compréhension de la campagne! Mais ce qui l'intéresse, c'est la comparaison: le printemps, l'été qui approche, le Royaume de Dieu qui vient...

Pour comprendre la parabole de l'intérieur, pensons aux révolutions arabes (mais oui!), aux "printemps arabes", là à côté de chez nous. Nous qui sommes bien carrés dans nos bonnes petites démocraties occidentales, nous avons peut-être perdu de vue l'immense espérance qui avait soulevé nos ancêtres en 1789 et 1848. C'est loin, peuchère! Nous nous passionnons - plus ou moins - pour les futures élections, nous comparons les mérites respectifs d'Eva Joly et de Marine Le Pen. Pendant ce temps, chaque jour du Bon Dieu apporte son lot de morts, de blessés, d'enfermés, en Syrie et ailleurs.

Des jeunes, des gens acceptent de donner leur vie pour que leur pays change, que la liberté vienne, que les droits des femmes soeint respectés, que les prédateurs et les corrompus soient châtiés. Et nous chrétiens, nous savons que ces gens qui luttent pour la liberté font, sans toujours le savoir, un pas vers le printemps du Royaume. Quoiqu'il arrive par la suite. Est-ce que nous sentons cela dans notre coeur?

En ces jours où se tiennent les Semaines Sociales de France, souvenons-nous que le thème en est :"La démocratie, une idée neuve?". Ces Semaines Sociales, elles aussi, sont un pas de plus vers le Royaume.

mercredi 16 novembre 2011

Une Eglise aux frontières?


Je reviens de Notre Dame du Laus, où nous avions une réunion des animateurs de pèlerinage de la région PACA. Ce n'est pas peu de dire que les pèlerinages ont aujourd'hui le vent en poupe, confirmant ce qu'écrit Danielle Hervieu-Léger dans Le pélerin et le converti. Le pélé, lieu rêvé pour la nouvelle évangélisation, où les gens viennent par centaines, par milliers, ne demandant qu'à écouter l'Evangile, à chanter, à processionner, à se sentir un Corps. Et le sacrement de réconciliation! Un des problèmes de ND du Laus, c'est le trop grand nombre de confessions... Alors, que demande le peuple? Nous n'avons pu que constater la belle santé de la plupart des pélerinages dans notre région. Et combien de conversions, de "retours"? C'est étonnant, merci mon Dieu.

Bon, mais quand même. Une toute petite réflexion m'est venue à l'esprit, et je parle un peu au hasard comme le vieux Job qui, après avoir parlé, mettait une main sur sa bouche. Risquons-nous quand même.
Est-il vraiment nécessaire de mobiliser huit religieux dans la force de l'âge pour un seul pélerinage? Alors qu'à côté, dans les quartiers Nord de Marseille, des communautés franciscaines, jésuites, oblates doivent quitter les cités faute d'effectifs? L'Eglise ne doit-elle pas être "aux frontières" aussi, là où quelqu'un de peu averti parlait de "désert spirtuel"? Y être présent, non pas pour monter sur une caisse et prêcher au coin de la rue, ni pour faire du porte à porte à la mode évangélique, mais pour "vivre avec" tout simplement; ce qui revient à dire, le plus souvent: vivre avec les pauvres. Etre aux frontières,, non pas pour édifier un Mur de Berlin, mais pour risquer la rencontre et montrer aux hommes, si possible, un visage de l'Eglise amie et pauvre. Faudra-t-il clore une aventure commencée par Jésus au temps de la Cananéenne et poursuivie par St Paul?

Pourquoi si peu de jeunes clercs envisagent cette forme de Mission? Est-ce par peur de perdre leur vocation? Ou parce que ce n'est pas "rentable"? Ou par crainte de risquer sa peau hors du cocon clérical? Mais j'ose le dire: il y a là un appel de l'Eglise, appel à entrer dans "le monde de ce temps", comme disait le Concile. La Mission, c'est encore et toujours cela: partir aux frontières...

Mais, encore une fois, je parle tout à fait par hasard.

jeudi 27 octobre 2011

Coincés par l'Evangile


Merci à Jérôme Vignon, président des Semaines Sociales de France (SSF), pour son article paru dans la dernière lettre de SSF, à propos du livre "Le prix à payer", de Joseph Fadelle. En substance, Jérôme salue l'oeuvre de l'auteur, tout en rappelant que ce livre ne doit pas alimenter l'islamophobie ambiante.

Car, depuis quelque temps, la peur et le rejet grevent nos relations avec l'islam. L'islamophobie progresse, alimentée par les media relatant les exactions, exclusions, persécutions dont des chrétiens sont victimes de la part de musulmans, un peu partout... Ils ont raison, ces media, de crier quand des coptes se font massacrer. Ils ont raison de dénoncer l'intolérance. Il y a un devoir de vigilance... Joseph Fadelle a raison de publier la terrible histoire dont il a été victime.

Ils ont tous raison, mais ne faudrait-il pas, en même temps, rappeler que l'islam des talibans et des shebabs est un visage de l'islam, visage défiguré et tragique dans lequel la majorité des musulmans ne se reconnaissent pas, même dans nos cités? Pas plus que nous-mêmes ne nous reconnaissons dans les lefévristes. Que dire de Mme Dounia Bouzar et des intellectuels qui prônent comme elle un islam ouvert et tolérant? Pourquoi ne pas citer les soufis marocains ou sénégalais? Et les jeunes tunisiens qui nous disent leurs analyses et leurs espoirs, tel Ali Mezghani dans le Monde du 21 octobre, ne sont-ils pas l'islam, eux aussi?
Allons, reconnaissons que le fossé n'est pas, ne sera jamais entre chrétiens et musulmans, mais entre les intégristes de tout poil: lefévristes et lefévrisants, salafistes, hindouistes d'un côté, et partisans d'une laïcité ouverte aux croyants, de la tolérance et du dialogue, de l'autre. Voilà le véritable affrontement! Avec cette différence, notable: les musulmans, les musulmanes souffrent bien plus de leurs intégristes que nous des nôtres. De toutes façons, soyons clairs sur les enjeux: en ce temps d'Assise, l'avenir est au dialogue, non aux affrontements.

Et puis... et puis, comme disait Christian Salenson lors d'une récente conférence aux Angles (30) :"Nous autres chrétiens, nous sommes coincés par l'Evangile." Quelque part nous avons entendu qu'il ne faut pas résister au méchant, qu'on doit pardonner, qu'on est tous enfants de Dieu. L'Evangile nous coince, l'amour nous prend au mot. Au nom de l'Evangile, nous ne pouvons répondre au fanatisme par un fanatisme opposé, mais jumeau. Si bien que, devant l'intolérance, il ne nous reste comme seules armes que celles de Jésus devant ses juges.

A l'instar de ces responsables laïcs de communautés chrétiennes au Nord-Cameroun, s'opposant à l'Administrateur local qui voulait forcer les gens à travailler pour lui. A cet homme qui s'écriait :"M'enfin, qui vous paie pour résister ainsi à mes ordres?", les garçons ont simplement répondu :"Personne ne nous paie, mais c'est écrit dans notre Livre..." Coincés (librement) par l'Evangile.

mardi 4 octobre 2011

Jacquot

C'était une petite dame très très malvoyante. Pourtant, chose curieuse, elle avait des yeux rieurs et un si joli sourire! Elle s'appelait Jacqueline, mais - allez savoir pourquoi - elle voulait qu'on l'appelle Jacquot.

Jacquot était devenue la vedette du car qui nous emmenait à Lourdes avec le pèlerinage Lourdes Cancer Espérance (LCE). Trônant sur la banquette arrière, elle avait l'ouïe fine malgré le bruit, comme souvent les malvoyants. Perpétuellement coiffée d'un grand chapeau noir, compromis entre le borsalino et le capéo provençal, elle avait à la main une bizarre canne à tête chercheuse, qu'elle escamotait prestement au moindre arrêt.

J'ai retrouvé Jacquot à Lourdes. De bonne grâce, elle se laissait véhiculer en voiturette, mais il m'est arrivé de l'escorter à pieds jusqu'à la Vierge couronnée. Légère, elle s'appuyait sans façon a mon bras, écartant joyeusement la foule de sa fameuse canne, entendant tout, comprenant tout.

Pour moi, Jacquot est devenue un symbole. Symbole de cet immense rassemblement de chrétiens ayant eu, ou ayant, maille à partir avec le cancer. Tout ce monde flirtant, ou ayant flirté avec la mort, faisait de ce pélerinage une démarche vraie. Quelque 5500 personnes, dont une cinquantaine d'enfants, ont clamé pendant une semaine, non seulement leur joie d'être en vie, mais leur désir de vivre. C'était palpable dans la prière, dans ces axtraordinaires célébrations à la basilique souterraine. De fait, cela donnait à cet immense rassemblement une ambiance de vérité, où les différences sociales s'estompent, où plus personne ne se retrouve seul avec sa souffrance.
Car de la souffrance, il y en a! Témoins les carrefours. Mettre des milliers de gens par tables de huit, il faut le faire! On l'a fait, et chacun put dire ce qui lui "tordait le coeur", passant souvent du sourire aux larmes. Telle cette jeune femme plaquée par son mari dès qu'il eût appris sa maladie, ou cette autre dont le fils avait lâché ses études pour devenir SDF...

Nous avons besoin de ces instants de vérité, nous autres missionnaires! Cela nous fait sortir de nos livres et de nos pensées profondes pour retrouver ce monde où le drame est entré. Un monde qui sourit bravement... Sourire de la vie, sourire de Dieu.

Merci Jacquot.

samedi 1 octobre 2011

lubéron 2011


pour les revenants?
Ce n'est pas net. C'était marqué: "réservé aux usagers du cimetière!"

vendredi 9 septembre 2011

Intégration ou développement séparé?


Quand un étranger arrive à Maïduguri (Nord-Nigéria), on lui demande tout de suite s'il est chrétien, musulman, ou "rien"? Et suivant sa réponse, on l'enverra dans tel ou tel quartier de la ville.
Car le Nigéria vit encore à l'heure anglaise, où le "développement séparé" des différentes communautés, ehtniques ou religieuses, est de règle. Apparemment, il en serait de même dans les grandes villes d'Outre-Manche. A l'inverse de la manière française, qui a opté pour l'intégration des immigrés (en principe!).
Le développement séparé a peut-être des avantages, mais on constate que les inconvénients sont graves. Le cloisonnement entraîne l'ignorance mutuelle, les soupçons, la haine même, issue des incompréhensions. Et cela finit par des violences innommables, comme à Jos (Nogéria), où chrétiens et musulmans, encouragés par leurs extrémistes comme les Maïtatsin ou leur avatar récent, les Boko Haram, s'entretuent avec application.
En ces temps où l'Eglise est tentée par le repliement identitaire, l'exemple anglais doit nous faire réfléchir. Il me semble que la Mission obéit à un double mouvement dans le temps. D'abord un temps de repli, de séparation du monde, où l'on prend conscience de ce que l'on est. On éprouve une fierté, des convictions s'affirment. On acquiert une solidité intérieure en s'astreignant à de bonnes études théologiques et bibliques, plus une formation spirituelle.
Oui, bon. Mais vient un moment où il faut sortir. On devient un chrétien-pour-les-autres, ce qui est une tautologie! Mais pour TOUS les autres, chrétiens ou pas. Alors là, il faut oublier tout ce qu'on a appris pour se mettre à écouter le monde. Pas pour le convertir, mais d'abord pour le regarder vivre, connaître ses rêves, ses amours. Il s'agit d'intégrer (le mot est lâché!) ce que vivent les autres et essayer de découvrir leur part de vérité.
Sinon, tu restes enfermé dans tes dogmes, ta liturgie et tes chrétiens bien chrétiens. Comment te plaindre ensuite si l'Eglise devient inaudible pour le monde?
Oui, en vérité, l'intégration vaut mieux que le développement séparé.

vendredi 15 juillet 2011

Rien sans peine


La directrice du lycée Montaigne a regardé Laurence, et puis, sans ambages, elle lui a sorti :"Laurence, si tu veux réussir ta Prépa, il te faudra travailler beaucoup, beaucoup. Ici, on travaille beaucoup!" Alors Laurence de glisser :"Quand même, j'aimerais bien revenir chaque week-end à la maison."... Ses parents n'ont rien dit, tout en pensant :"Elle verra bien, mais rien n'est moins sûr, vu les horizons radieux prédits par la directrice."

Me voilà plongé encore dans des abîmes de réflexion. On dit que notre siècle est celui de la facilité, du presse-bouton, du clic clin d'oeil, du prêt-à-porter, alors? Apparemment la bonne directrice marche à reculons, à l'image de mes ancêtres dont la devise était "Rien sans peine". C'était un peu terre à terre, mais au fond, n'avaient-ils pas raison?
Disons-le, non, la dame ne marche pas à reculons. Avec son "travailler beaucoup", elle est en plein dans le vrai de l'homme. En invitant Laurence à travailler dur, elle la prépare à entrer dans un monde qui ne fait pas trop de place aux rêveurs et aux poètes, un monde qui oblige chacun à bâtir sa vie.
Dès lors, comment vivre dans ce monde dur tout en gardant sa tendresse pour les petits et les pauvres? Comment devenir compétent tout en comprenant ceux qui le sont moins? Et comment espérer y arriver sans sacrifier quelques week-end, et sans envisager quelques nuits blanches ponctuées de Nescafé?
Autant de questions qui se posent aux jeunes d'aujourdhui, chrétiens ou pas. Ce sont de belles questions auxquelles tous sont tenus de répondre, tout comme nos anciens ont fait.

samedi 25 juin 2011

J'ai perdu 29.5 euros

... en achetant le livre de Mr Guy Ernest Sanga sur le Cardinal Tumi (L'Harmattan déc.2010), archévêque émérite de Douala au Cameroun... Ne parlons pas du style et de l'orthographe, qui passeraient difficilement au Certificat d'Etudes. Pour un diplomate bardé de titres, c'est assez curieux.
Non, il s'agit de ce que le cardinal aurait dit sur les missionnaires, en particulier ceux du diocèse de Yagoua au Nord-Cameroun, diocèse dont il fut l'évêque en 1980. Yagoua est le diocèse-frère de son voisin Maroua, où j'ai été pasteur pendant 37 ans. Nos pastorales étaient souvent les mêmes. Or le cardinal fait complètement l'impasse sur le travail missionnaire avant lui, sur la croissance des communautés chrétiennes, sur le travail pour le Développement etc... D'où des déclarations ahurissantes telles celles de la page 76 :"Les missionnaires, qui sont de braves gens (ben oui, quand même!), ont trop usé et abusé de faire croire aux populations que la pauvreté est bien." Ou bien, page 77 :"J'ai pu déceler une tactique remarquablement élaborée, pour maintenir les chrétiens dans un état de servitude du silence (colonialistes, va!)"

Je connais assez le cardinal Tumi pour douter que ces déclarations soient de lui. Je crois plutôt qu'il s'est fait piéger par ce journaliste-diplomate.

Toujours est-il qu'apparemment, pour le cardinal, il s'agisse surtout de suivre scrupuleusement la liturgie "romaine", et de construire de grandes églises pour être chrétien. Moyennant quoi, les seuls missionnaires qui "passent" pour lui, ce sont les polonais qui suivent la liturgie à la lettre, et les italiens, excellents constructeurs d'églises, avec des fonds italiens bien sûr. Grâce à Dieu, ils ne font pas que cela! Mais je prétends qu'une aire sacrée couverte de 800 bottes de paille apportées par les communautés locales, comme à Guili, a infiniment plus de valeur évangélique qu'une belle église financée par l'étranger. Ce que Baba Simon Mpéké avait compris, le cardinal semble l'ignorer.
J'arrête là, ayant le coeur trop lourd pour continuer. Et je garde toute mon admiration pour le courage politique de Mgr Tumi, courage dont je fus témoin. Mais je me demande :"Pourquoi tant de prélats sont si actifs à dénoncer les tares des Etats et des sociétés à l'extérieur de l'Eglise, et si "Touche-pas-à-mon-Eglise" à l'intérieur?"

samedi 11 juin 2011

Engagements

Je reviens d'une cousinade, tout heureux d'avoir retrouvé la famille dans une ambiance excellente.
En causant, j'ai été frappé par le nombre et la qualité des engagements pris par les uns et les autres, maintenant qu'ils sont à la retraite. C'est vrai: la retraite permet une plus grande liberté et un bénévolat sérieux. Cela va de la gestion d'un centre pour handicapés à la prise en mains des finances de la paroisse, en passant par la gestion informatique d'un diocèse, une association pour diabétiques etc...
Les enfants suivent-ils les engagements des parents? Pas tous bien sûr, mais les cas où toute la famille s'engage ne sont pas rares! Bien des jeunes s'y mettent, avec le soutien discret des aînés. C'est important ce soutien, et il y faut pas mal de sens pédagogique.
Témoin ce cousin qui, partant en vacances avec sa femme et ses deux filles, demande aux enfants ce que devient leur groupe. Car elles ont lancé une petite structure d'entr'aide.
Réaction des filles :"On n'a plus envie! Toujours des jalousies, les autres n'écoutent pas etc. Alors on laisse tomber!" Le papa encaisse sans rien dire, mais au premier rond-point - qu'on appelle vire-couillon dans le Midi - il fait demi-tour. Les filles s'étonnent. Alors le père :"J'ai plus envie de partir. C'est trop loin, j'ai trop chaud, j'ai du boulot. Alors on rentre!"
La leçon a porté, et les filles ont persévéré dans leur engagement.

jeudi 26 mai 2011

Se mettre dans la peau de l'autre

Lu dans "En Avant", le journal des communautés chrétiennes du diocèse de Maroua (Nord-Cameroun):


Pour mieux organiser notre travail:

On ne peut réussir que si on s'organise. Si nous voulons produire pour vendre, nous devons penser à beaucoup de choses... D'abord voir si je produis assez pour nourrir ma famille. Il ne sert à rien de produire pour vendre si ma famille manque de nourriture.

Les moyens de vendre:

- est-ce que j'aurai des clients? Comment peuvent-ils me payer: par sac, par tas, par kilo? A quel moment je peux vendre? Quelle quantité je peux produire pour vendre? Les routes sont-elles bonnes pour évacuer ce que je vais produire?

Les moyens techniques:

-est-ce que je sais bien cultiver pour récolter assez? Est-ce que j'ai tout ce qu'il faut pour bien cultiver? Est-ce que le climat permet cette culture?

Les moyens financiers (en argent)

- est-ce que j'ai assez pour payer la semence? Quelles dépenses devrai-je faire?

Les moyens humains: ma famille a-t-elle la force et le courage de travailler plus (force, santé, temps)?


Après avoir réfléchi à tout cela, on voit ce qu'on peut faire.


Andwatar Victor et son groupe


A première vue, on se demande ce que vient faire cet article style Valeurs Actuelles dans une catholique publication! Dans une revue technique, peut-être; mais ici...


Non mais, attendez! Vous êtes-vous déjà mis dans la peau d'un paysan camerounais? Depuis qu'il est petit, ce garçon voit la sécheresse ou la rosette des arachides abîmer ses cultures, il est sans cesse en butte aux commerçants qui faussent les balances et aux fonctionnaires rapaces qui s'en donnent à coeur-joie sur le dos des petits, des paysans en l'occurence. Les bras lui en tombent, à ce garçon; à la longue, il devient fataliste.


Or voilà que quelqu'un s'interesse à lui, prend son travail au sérieux, fait tout pour que cet homme se mette debout et trouve fierté et sécurité dans son métier! Au vrai, l'article est signé, non par un expert, mais par une groupe de jeunes cultivateurs du pays. Des jeunes qui redonnent courage et espérance à leur propre terroir.


Alors pensons: se mettre debout, n'est-ce pas là un langage de Résurrection?



mercredi 11 mai 2011

ça fait plaisir!

Après les révolutionnaires du Maghreb, l'Eglise, à son tour, a les yeux de Chimène pour les blogueurs. Ce n'est pas encore une béatification, mais voyez le texte suivant, il fait plaisir:

Le lundi 2 mai, au Vatican, le Conseil pontifical pour la culture et le Conseil pour les communications sociales ont organisé une première rencontre entre les responsables du St Siège et des blogueurs venus du monde entier. Ceux-ci ont invité l'Eglise à oser davantage et à ne pas avoir peur des débats.
Le P. Lombardi, directeur du Bureau de Presse du St Siège, a quant à lui indiqué l'un des aspects importants des blogs pour la communauté chrétienne: "Les blogueurs catholiques sont l'opinion publique dans l'Eglise. Le magistère conciliaire prévoyait cette réalité, mais elle n'a pas été tellement développée." Avec les blogs, le P. Lombardi voit maintenant émerger cette opinion publique.
Un point a prédominé dans les discussions: la naissance d'un nouveau type de présence pastorale sur Internet, à tel point que la figure du "webpasteur" s'impose aujourd'hui. Ceci a été clairement énoncé par un des participants :"Si le Christ venait prêcher aujourd'hui, il n'irait pas sur une montagne ou dans une barque, mais il serait sur Twitter ou ouvrirait un blog. L'Eglise officielle ne peut pas le dire (?), mais nous, catholiques membres de cette communauté et de cette Eglise, nous osons le dire."

En lisant cela, je plonge dans des réflexions insondables...

mercredi 20 avril 2011

judas

Il n'est pas à l'honneur pendant la Seamine Sainte, le pauvre! Au fait, pourquoi a-t-il trahi? Pour l'argent? Possible, bien que trente pièces d'argent, cela n'aille pas loin...
Peu importe. Plus grave, ce sont nos trahisons, à nous bonnes gens du 21ème siècle. On s'indigne devant le tableau du Christ présenté en ce moment en Avignon. On n'a pas tort! Ce n'est pas très malin, et on sait que le scandale paie toujours, surtout si le tableau a été vandalisé. Mais la trahison est-elle vraiment là? Nos petits judas portatifs ne sont-ils pas plutôt en nous, chaque fois que nous nous enfermons dans notre bulle pour ne pas "réconforter celui qui n'en peut plus" (Isaïe 50/4)? Alors là, oui, il y a trahison, falsification de l'Evangile.

mercredi 13 avril 2011

et après?

J'ai entendu dire qu'en un pays du Maghreb ayant fait sa "révolution du jasmin" en chassant son dictateur, certains songeraient à établir la charia... Nous comprenons bien qu'après tant de jours de chaos, qui ne sont pas finis en Lybie ou en Syrie, sans parler du Yémen, les gens soient inquiets. Ils se demandent :"Et après?" Après toute révolution, il y a une soif de remise en ordre, c'est normal. Et bien des musulmans rêvent de la charia comme moyen de retrouver la paix.


Oui mais... Je crois que les millions de personnes qui font là-bas le V de la victoire, célèbrent d'abord une liberté retrouvée: liberté personnelle, mais aussi liberté publique, politique, liberté d'opinion. Or, imposer la charia est un déni, non de la liberté de conscience - personne ne peut m'empêcher de penser ce que je veux - mais de la liberté de ne pas me soumettre à la loi si je ne suis pas musulman.


Pourquoi se libérer de la dictature d'un homme pour imposer la dictature d'une religion? Que diraient les chrétiens si l'on voulait revenir au temps de Louis XIV, quand le catholicisme était "religion d'Etat"? Si telle était la tentation, je serais le premier à sortir de la religion et je donnerais raison à ceux qui prônent la disparition d'une croyance devenue caricature de l'Evangile. Caricature de Jésus, caricature de Mahomet, c'est pareil. Si une religion veut s'imposer à tous, elle ne porte plus le Projet de Dieu

Il faut être extrêmement vigilant là-dessus. Je peux bien faire des processions, affirmer ma différence chrétienne ou musulmane, mais je dois de temps en temps, d'aventure, me demander comment cela est perçu par "les autres."

mardi 22 mars 2011

oubli

J'ai oublié de marquer le nom de l'ami à cheval! Il s'agit de Guy Deswarte, résidant à Malo-les Bains.

Guerre


Les enfants jouent à la guerre, c'est connu. Ils jouent dans les ruines, ils regardent les combats aériens comme d'amusants ballets, ignorant que ces ballets sont mortels. Mais parfois, ils ont peur. Et chaque jour, des enfants meurent...

Voici un souvenir d'enfance qu'un ami m'a envoyé. J'ai d'autant plus d'émotion à le transcrire que j'ai vécu moi-même à peu près la même chose, cheval mis à part. Mais au même moment et presque au même endroit. Voici...


Lynck juillet 1944. J'ai treize ans. Je suis en vacances chez ma marraine, éloigné de notre ferme de la Grande Mare, à Bray-dunes, toujours occupée par les allemands. Il semblait y avoir moins de danger à Lynck. Les allemands sont encore là, mais leur moral est en berne. Les troupes restantes sont vieillisssantes, leur seul espoir réside dans leur machine de guerre, soit les premiers avions à réaction, soit les fusées. L'ambiance générale est toujours à la guerre, et les Alliés nous passent souvent sur la tête. La bataille fait rage en Italie et en Normandie.


A Lynck, c'est la pleine moisson, il fait très chaud. Nous sommes noirs de transpiration et de poussière. Je travaille comme un homme et range les bottes de blé sur les chariots, le travail le moins pénible.

Mais Kali, une jument de race boulonnaise, blanche pommelée, douce et calme, est déferrée et l'oncle David me demande de la conduire chez le maréchal-ferrant, à 4 kilomètres... La route qui y mène passe par un grand pont métallique et longe ensuite le canal de St Omer. Elle est bordée de grands ormes. Installé sur le dos bien large de ma monture, je vais sans soucis à un train de sénateur, l'oeil disponible mais aux aguets... Malheureusement le maréchal-ferrant, trop occupé, me demande de revenir le lendemain.

Demi-tour donc dans la même ambiance. Mais j'entends et je découvre, curieux, quatre chasseurs sur l'horizon, survolant la forêt d'Eperlecques toute proche. De là sont lancés chaque jour les fameux V1 destinés aux anglais. Quels dégâts n'occasionnent-ils pas à nos amis à la fois si proches et si éloignés!


Mais que vois-je? Les chasseurs viennent dans ma direction, plongeant vers le canal. Et ils mitraillent! J'ai juste le temps de sauter de cheval, rènes en mains, et de me cacher derrière un arbre. Le bruit est épouvantable et j'ai bien du mal à tenir ma bête effrayée. J'ai une peur bleue, réussis à monter sur ma bête nerveuse, et nous repartons vers le village.

Mais les avions font un cercle et semblent revenir. Voilà une ferme à gauche. Je descends de cheval et l'attache rapidement à la barrière d'entrée, me précipite dans la cuisine dont la porte est ouverte. Tout tremblant je me cache derrière une armoire et me mets à prier.

Le bruit des avions est infernal, mais je ne peux m'empêcher de remarquer mon environnement: deux paires de fesses de jument de brasserie dépassent de dessous la table; dans un autre coin, une jeune fille est accroupie, et j'entends deux voix réciter un Acte de contrition de circonstances auquel je me joins bien sûr. Les balles claquent dans les toitures.


Puis les avions s'en vont et je ne pense qu'à rentrer. En sortant, j'entends des cris de femme qui semblent provenir d'une péniche. La grange de l'autre côté du canal est en feu. Je détache mon cheval très excité, et le monte difficilement. Il voit l'incendie et part au triple galop, ne pensant comme moi, qu'à regagner son écurie. Impossible de le ralentir; il passe le pont métallique au bruit des sabots aux trois quarts ferrés d'une bête de 800 kilos. Tout le village me regarde arriver, mais le cheval ne ralentit pas malgré les deux bras ouverts de l'oncle tâchant de le ralentir.

J'ai juste le temps de me baisser sur l'encolure pour rentrer dans l'écurie. Je descends, mais mes jambes ne me portent plus et je tombe dans les bras de ma tante accourue.

La grange a brûlé, les cris de femme étaient ceux de la marinière blessée... C'est là qu'on apprit que ces péniches transportaient les fameux V1 d'Allemagne en France.


Malgré ces événements, comme tous les soirs de moisson, nous irons prendre notre bain salvateur, mon cousin et moi, non pas dans une baignoire (il n'y en avait pratiquement pas dans les fermes de l'époque), mais dans le canal tout proche, dans une eau bien plus claire et plus propre qu'elle ne l'est actuellement. Quel plaisir!

mardi 8 mars 2011

Sécularisation (suite et fin)


Oui, il faut aller plus loin... La sécularisation est une chance, mais pas n'importe comment. Elle le sera à condition d'aider l'homme à se lever droit dans ses bottes. Que la solidarité l'emporte sur le "moi d'abord"; que l'esprit de compétition cède le pas au souci du bien commun; que la tendresse contredise l'orgueil. En un mot, que l'être l'emporte sur l'avoir.

Ce sera/c'est un combat de tous les instants, combat auquel tout homme de bonne volonté sera/est convié. De fait, ce combat pour l'être est un des enjeux de la mondialisation.

Prendre acte de la sécularisation, s'y sentir à l'aise, se dire qu'elle est une chance, et se rendre compte des enjeux pour que ce soit un projet réussi, voilà une nouvelle façon de penser le christianisme. C'est à la fois une nouvelle manière et une très vieille manière, car elle est dans le prolongement de l'Incarnation.

Mais il faudra se souvenir, pour apporter une nuance aux propos du Cardinal dans "Confession d'un cardinal" page 379, que les chrétiens ne sont pas seuls à vouloir humaniser la mondialisation. Il s'agit pour eux de jouer leur partition dans la chorale de tous ceux qui se rendent compte des enjeux. Ouvrons les yeux et les oreilles pour voir et entendre ceux qui ont commencé à se lever pour "vivre autrement": chrétiens ou pas, musulmans ou bouddhistes... Hommes de bonne volonté, tout simplement, à l'instar de tous ceux qui se retrouvent dans les révolutions arabes actuelles, entre autres.

Alors nous les croyants, découvrirons avec émerveillement que l'Evangile et ses valeurs seront revendiqués comme leurs par tous ces gens de bonne volonté. On croyait l'Evangile disparu, perdu dans les églises désertées, et voilà qu'il devient l'âme du siècle!

Vous allez me dire que je rêve en couleurs, que c'est de l'utopie? Martin Luther King rêvait aussi... D'ailleurs, bien des chrétiens vivent déjà la sécularisation de façon très positive. Par définition, ce n'est pas aussi voyant que les prédicateurs de rue, mais c'est tout aussi vrai. Je puis en témoigner au sortir des Semaines Sociales de France, et en rencontrant ces chrétiens marseillais des quartiers Nord-Est. Non, ce n'est plus tout à fait un rêve.

mardi 22 février 2011

Sécularisation (suite)

Certains veulent faire rimer sécularisation et paganisation. Selon eux, si le monde sort du sacré, il va vers un retour au tohu-bohu (Genèse 1/2), au vide spirituel. Et de rêver d'un retour en arrière, et de se mettre sous le signe du "re": re-christianisation, re-chrétienté, re-conquête... Et les enfants qui ne savent plus leur Notre Père, et les enterrements civils qui se multiplient... Paradoxalement d'ailleurs, ce sont souvent les mêmes qui agitent avec horreur le spectre de l'islamisation de la France!

Ceux-là ne se rendent pas compte qu'une société qui affirme son autonomie face à ce qu'elle considère comme une contrainte, pose un signe de maturité et de santé. Dans ce sens, la sécularisation est un bien. Elle l'est aussi parce qu'elle entraîne les chrétiens à ne plus présenter un Dieu de pouvoir, jaloux de son autorité, un Dieu dont l'histoire de l'Europe et du monde gardent un cuisant souvenir, mais le Dieu de l'Evangile ou, si l'on préfère, le Dieu d'Elie, la brise légère.

Pour retrouver ce Dieu de Jésus-Christ, il faut absolument que nos contemporains soient vaccinés contre l'image d'une Eglise donnant des leçons à tout vat, nostalgique de son pouvoir perdu. Et nous, de notre côté, trouvons une autre manière de faire Eglise, plus "servante et pauvre", dans le sens des intuitions de Vatican 2.

Oui, la sécularisation ets une chance pour toute religion. Elle l'entraîne à sortir du cléricalisme, tentation constante des ministres du culte, qu'ils soient abbés ou ayatollahs; à renoncer à tout paternalisme et à tout fanatisme, qu'ils soient islamistes ou intégristes chrétiens. Elle sera une chance pour le chrétien qui se retrouvera compagnon, apprenti plus que maître et enseignant. Une chance pour que la première Béatitude devienne réalité.

Mais attention! Si la sécularisation est une chance, ce n'est pas sans certaines conditions. (à suivre)

mercredi 16 février 2011

sécularisation

La sécularisation, c'est quoi? Décidément, faut tout vous expliquer!

On peut tenter une définition: il s'agit d'un processus, plus ou moins long, au cours duquel la société civile, ayant pris conscience d'elle-même, se libère des religions et du sacré dans la sphère de la vie publique, économique, politique, sociale. Cette société se définit hors de tout contexte religieux. De leur côté, la foi et la pratique religieuse s'individualisent, se font plus personnelles, plus discrètes aussi, peut-être plus rares, moins "massives", moins visibles dans le paysage quotidien. Cette société revendique une autonomie face à des normes, un style de vie et de pensée qu'elle estime lui avoir été imposées "d'En Haut."

L'autonomie de la société peut se réaliser dans la douleur, comme en France au 19ème siècle, ou doucement, sans hostilité apparente... A noter que la révolution russe ne mena pas à une sécularisation de la société, malgré les persécutions religieuses. Car elle imposa aux russes une autre idéologie, bien plus contraignante qu'au temps du tsarisme. Tant il est vrai que la sécularisation n'est soluble que dans la liberté.

La sécularisation est un processus, non un état de fait. Un chemin qu'emprunte peu à peu toute l'humanité. Je dis bien toute l'humanité. Car ce n'est pas faire preuve d'ethnocentrisme de dire que la sécularisation, déjà fort avancée en Europe du Nord, gagnera tôt ou tard le reste de l'humanité.

Elle gagnera l'Afrique sub-saharienne, où bien des prêtres, et même des évêques, finiront pas descendre de leur piédestal pour, la sécularisation faisant son oeuvre dans la société civile, inventer un autre type d'Eglise, plus humble, plus attentive au monde. Déjà en 1997, Eloi Méssi, dominicain camerounais, posait la question dans son livre :"Dieu peut-il mourir en Afrique?"

Elle gagnera les terres d'islam, sans doute dans les larmes et dans le sang, à l'image des émeutes de 2009 en Iran. Quoique... Je retiens ce qu'écrit Mr Olivier Roy du CNRS et auteur de La Sainte Ignorance, dans un excellent article "Révolutions post-islamiques" (Le Monde des 13-14 février 2011): "Ceux qui manifestent en Egypte sont précisément ceux qui manifestaient en Iran contre Ahmadinedjab. Ils sont peut-être croyants, mais séparent cela de leurs revendications politiques; en ce sens, le mouvement est "séculier", car il sépare religion et politique. La pratique religieuse s'est individualisée." (à suivre)

vendredi 4 février 2011

Oiseaux


Au petit matin breton, le givre blanchit la pelouse, et le jardin s'anime. Une merlette houspille un ver de terre, avec des sauts amusants; un ramier marche gravement, aux aguets car le chat n'est pas loin; le geai, éclair bleu, traverse le cèdre là devant. Et bien sûr le rouge-gorge de service est derrière la fenêtre, espérant les miettes du petit déjeuner.

Un pays sans oiseaux, c'est triste. On passe dans la garrigue provençale et là, pas un envol brusque, pas un froissement d'aile. Un pays sans oiseaux a quelque chose d'oppressant, quelle que soit la nature somptueuse qui nous accueille.

Tous les oiseaux ont leur langage, depuis le cri mélancolique du courlis annonçant la tempête, jusqu'à l'envol compliqué du cygne, l'A 380 du genre. Même le cri du grand duc, la nuit, a quelsque chose d'amical, du moins pour les humains. Et je me prends à regretter les alouettes, si peu nombreuses dans les éteules d'aujourd'hui. Mais les squares parisiens sont tellement amicaux, avec leurs moineaux bagarreurs et effrontés.

Où sont les oiseaux de Flandre, si bien dans le paysage qu'ils n'ont peur ni des usines, ni des autoroutes?

samedi 15 janvier 2011

what is your problem?


Si vous débarquez un jour sur le marché de Maïduguri au Nigéria, immanquablement vous verrez un gamin des rues vous ouvrir la portière et vous demander fort civilement :"What is your problem?", espérant ainsi que vous lui proposerez de "garder la voiture".

Ce matin j'entendais l'évêque de Belley-Ars parler de la "nouvelle évangélisation." Il la voyait, cette évangélisation nouvelle, comme un dialogue entre ceux qui croient en Dieu et ceux qui n'y croient pas. Et de citer un savant dont j'ai oublié le nom.

Personnellement, je n'ai pas encore compris ce qu'est cette nouvelle évangélisation. Mais qu'on me dise que c'est un dialogue me laisse rêveur. Il s'agirait donc d'un échange entre intellectuels, ceux qui y croient et ceux qui n'y croient pas? Mais alors, comment porter l'évangile à ceux qui s'en fichent complétement, ceux pour qui le "problem" n'est pas l'existence de Dieu, mais bien l'emploi à trouver, l'école du gamin et son avenir, les traites à payer? Comment "dialoguer" avec ceux-là?

Curieusement, ceci rejoint ma propre expérience missionnaire. En quelques années, je suis passé de la "conquête des âmes" au "What is your problem?" de l'enfant nigérian. Cela s'est fait lorsque je me suis rendu compte que le "problem" des gens, c'était ici la pluie qui tarde à venir, là le grenier presque vide; ou ailleurs en ville, la fille abusée par son prof et qui cherche à avorter, le jeune chômeur à la porte de la Sodécoton, ou le policier chrétien qui veut rester propre... Au fond, quand Jésus guérit le lépreux, il sait bien que son "problem", c'est d'abord... la lèpre qui le ronge.

Non, je ne sais pas ce qu'est la nouvelle évangélisation. Mais l'évangélisation de toujours commence par la contemplation des gens et des choses, et par la question jamais éteinte :"What is your problem?"

dimanche 2 janvier 2011

voeux

Qu'elle chantait bien cette petite! Dieu qu'elle chantait bien. C'était hier matin 1er janvier à la radio.

Et puis, est-ce l'âge, est-ce un esprit malin, je ne sais; tout d'un coup j'ai pensé: oui, elle chante bien, mais dans deux ans, trois au maximum, on ne parlera plus d'elle. Voilà comment, la vie aidant, on relativise les choses... On se prend pour l'homme de l'Ecclésiaste qui marmonnait:
"Vanité des vanités, tout est vanité."
Quand on prend de l'âge, on regarde les gens et les choses avec quelque distance. Alors on s'emballe moins vite; et, secrètement, on soumet les événements à l'épreuve du temps.

C'est quand même assez sage. Mais alors, est-ce que j'arrive à un âge où l'on ne s'enthousiasme plus? Se peut-il que, blasé de tout, je ressemble à ces touristes qui n'ont plus la grâce de s'émerveiller à force de voyager? Ai-je atteint la date de péremption?

Non, je veux être encore capable de passion, quitte à faire figure d'ado prolongé. Car je n'ai pas envie, mais alors pas du tout, de relativiser la présence aux autres, le service des autres, l'amitié, toutes ces petites choses. Car c'est là qu'est la Mission. Loin du préchi-précha, du yakafokon, c'est la Mission de toujours.... Cette Mission, c'est la mienne, mais il me faut l'assaisonner avec un peu de passion, sinon elle reste assez fadasse. Au risque d'être traité de naïf, je pense que, vue ainsi, la vie vaut la peine d'être vécue "jusqu'à jusqu'à" comme on dit en Afrique.


C'est la grâce que je vous souhaite pour 2011. Amen.