mercredi 23 décembre 2009

Autonomie




En France, on débat à propos de l'identité française. En Afrique, on débat peu, mais on se bat. Comme autrefois pour l'indépendance, on se bat aujourd'hui pour l'autonomie... Devenir autonome, c'est se passer de l'aide extérieure pour pouvoir "émerger" économiuement, politiquement etc... De plus en plus de voix s'élèvent pour qu'à l'instar de l'Asie, les nations africaines entrent dans le club des "pays émergents".

Facile à dire... Pendant un mois, j'ai enquêté au Nord-Cameroun sur les Comités de Promotion Humaine (CPH), ces équipes présentes dans chaque communauté chrétienne ou villageoise, et qui fédèrent les activités de développement locales: eau, alphabétisation, agriculture, animation féminine, Justice et Paix etc... J'aimerais parler ici des belles choses que j'ai vues, surtout de celles qui me paraissent aller dans le sens de l'autonomie.

Sur 17 CPH visités, 15 comprenaient des agri-animateurs sortant de "Jéricho". En ménage, ils ont profité de la formation dans ce Centre, formation non seulement technique, mais aussi humaine, civique, et chrétienne. Puis ils sont rentrés chez eux pour animer les groupes de jeunes agriculteurs et les associations féminines.

J'ai encore été frappé par la vitalité des lycées et collèges, et par le nombre des aumôneries. Celles-ci ne désemplissent pas. Quand il y a du matériel, on s'y forme à l'informatique, on assiste à des cours de rattrapage; et - ce qui est fondamental - on cherche à donner un sens à ce que l'on vit.

Jéricho comme aumôneries, cela me semble aller dans le sens d'une vraie autonomie. Peu à peu, se constitue et grandit une sorte de classe moyenne, tant rurale qu'urbaine, une classe où l'on réfléchit, où l'on prend des initiatives; un groupe capable d'analyser une situation, d'évaluer ce qu'il fait, voire de critiquer sans peur ses dirigeants. Une classe qui, à condition de triompher de la culture de corruption ambiante, mènera le pays vers un développement vraiment autonome.

Il y a d'autres belles choses en faveur de l'autonomie. Mais j'ai déjà été trop long, il faut allumer les bougies de Noêl... Joyeux Noël!

mercredi 9 décembre 2009

Savoir, ne pas savoir?



Je reviens d'un mois au Nord-Camertoun, dans la région de Maroua-Mokolo. La première photo que j'ai prise, c'est celle du lavabo de ma chambre, à Ndjaména. Quand j'ai voulu me laver, je n'ai obtenu qu'un filet mince comme un demi petit doigt. Ici, l'eau est une denrée rare... Cela m'a aidé à descendre de l'avion!


Une autre photo, prise au vol: les "vélos-citerne" sur la route qui va au Nigéria. Comptez les bidons d'essence par vélo, cela fera au total environ 120 litres... Ce dangereux trafic permet cependant à des papas de faire vivre leur famille en ville... quand la douane ne s'en mêle pas.


On ne sait pas! On ne sait pas si le vélo se transformera soudain en torche, on ne sait pas si le douanier surgira. Nous sommes au pays du "on ne sait pas"! Je prends la route sans savoir si je rencontrerai les "coupeurs de route", sans savoir quand j'arriverai, sur ces chemins défoncés. J'ignore combien de temps l'électricité sera coupée aujourd'hui. Et le paysan ne sait pas vraiment ce qu'il mangera dans trois mois, après que la rosette eût détruit ses arachides, etc... A force de ne pas savoir, j'en viens à prendre un air, non de fatalisme, mais d'humilité souriante. Je sais que je ne maîtrise pas demain, et j'accepte.


Retour en France, au pays de la sécurité et, disons-le, d'une certaine suffisance. Tout semble prévu, organisé, huilé, au point que si le temps se détraque, si l'on ne me guérit pas vite de ce mal qui me ronge, c'est presque un scandale.


Ainsi, deux mondes se côtoient: le monde de "ceux qui savent", et le monde de l'insécurité, du "on ne sait pas". Ce deuxième monde, quelle proportion de l'humanité représente-t-il: les 2/3?

samedi 31 octobre 2009

Travailler le dimanche?

On en parle! Récemment sur RCF (Radios chrétiennes en France), le père de Kérimel, évêque de Grenoble, évoquait très justement les raisons sociales, surtout familiales, militant en faveur du repos dominical: laisser du temps à la famille pour se retrouver, se parler, c'est indispensable. Disons-le: ce discours nous réconforte, après les affligeantes déclarations de l'évêque de Belley-Ars sur la même RCF. Ce dernier citait le Curé d'Ars proclamant en chaire :"Une des meilleures façons de rester pauvre, c'est de travailler le dimanche!"... Que le saint Curé se plût à titiller la fibre superstitieuse de ses ouailles, c'est son affaire. Mais quand même, nous n'en sommes plus là!
C'est vrai, la vie de famille prime sur l'économique. Oui mais... ça se complique! Si d'aventure, quittant Marseille vous prenez l'autoroute vers Aix-en-Provence le dimanche matin, vous risquez fort de tomber sur un bouchon jusqu'à Plan de Campagne, cette Zone commerciale immense qui fit la une des journaux récemment: ce sont les marseillais qui viennent passer leur dimanche à musarder dans la Zone. Et ils y vont le plus souvent en famille.
Réflexion: la Zone commerciale tient pour bien des familles de 2009, le rôle que tenait la Messe du dimanche autrefois: un rôle de rassemblement familial.
Pour des gens qui ne pratiquent plus, l'alternative est simple: ou bien rester dans l'appartement à s'ennuyer après être restés au lit jusqu'à 11h voire jusqu'à midi, en laissant les enfants trainer en bas, ou bien sortir ensemble, ne fût-ce que pour faire du lèche-vitrine en famille dans la Zone commerciale voisine. Et voilà l'intérêt économique des commercants rejoignant curieusement la vie de famille des consommateurs.
Non, décidément, la vie n'est pas simple...

jeudi 29 octobre 2009

Le ridicule et le sublime


Dernièrement, le père Di Falco, évêque de Gap, parlait sur RCF. Avec humour, il se demandait si on allait payer les enfants assidus à la catéchèse, tout comme les collégiens ne faisant plus l'école buissonnière. Et d'évoquer les enfants de Madagascar devant faire des kilomètres à pied chaque jour pour aller à l'école.

Cela me rappelle André, un petit gars de Tchakidjébé (Cameroun), handicapé des deux jambes. Chaque jour il devait faire plus d'un kilomètre, sur les fesses, pour rejoindre l'école. Et cela jusqu'au jour où nous lui avons trouvé un fauteuil roulant, déniché tout cassé à la sous-préfecture, et réparé tant bien que mal. La joie dans les yeux du garçon ce jour-là, je ne vous dis pas!

Et la nuit de son baptême à Douvangar, quand il était en troisième! André se présente devant la piscine baptismale avec les autres. Je lui propose d'aller simplement lui verser l'eau sur le front. Il fait non de la tête et plouf!.. se jette à l'eau, nage jusqu'à l'autre bord et me regarde ensuite, un immense sourire aux lèvres. J'en ai eu la gorge serrée.
D'un côté, un garçon de fer, de l'autre, des jeunes que l'on mue en dévots de l'argent. Où est l'avenir?

Au fait, dans bien des langues africaines, aimer et vouloir, c'est le même mot...

mardi 13 octobre 2009

Depuis longtemps, les communautés chrétiennes du diocèse de Maroua (Cameroun-Nord) publient une feuille mensuelle intitulée fièrement « En Avant ». C’est écrit en français fondamental, donc lisible par tous. Insérées au milieu du bulletin, quelques pages de technique agricole. Je vois sur le numéro de septembre : »La vaccination des poules avec le Multivax. »
En Avant ne mâche pas ses mots quand il s’agit de dénoncer l’injustice. Et l’on soumet aux lecteurs – en majorité des jeunes – de véritables faits de société qui font réfléchir. Témoin cet article écrit par un étudiant en septembre dernier :

Avec les résultats du bac,
il y a eu beaucoup de pleurs et de rires.
Je fais partie des nouveaux bacheliers. C'est pour moi une étape, mais pas une fin Avec mon Bac qu'est-ce que je vais faire ?

La grande majorité des jeunes disent :"je vais continuer à l'Université".
C'est bien, mais à l'Université pour faire quoi ? Quel métier je voudrais avoir...
Quelles sont les études qui peuvent m'y préparer
Pour moi, je veux aussi aller à l'Université pour apprendre la gestion.
Quand je regarde le travail autour de moi,
Je vois qu'il manque beaucoup de bons gestionnaires. Je vois aussi que je me débrouille pas mal en math. J'espère donc pouvoir réussir dans mon projet.
Si je disais je veux l'Université,
je ne vois pas quel serait mon projet.
Il me semble que cela serait de continuer les études mais sans autre but que d'être étudiant.
Je sais bien que l'on ne peut pas toujours choisir sa branche dans l'université
Pour moi, j'ai fait tout ce que je pouvais
pour préparer les concours d'entrée
et réussir ma vie.
Emmanuel Zra

De tels articles sont-ils des coups d’épée dans l’eau ? Possible ; n’empêche que l’on retrouve En Avant sur le bureau du Gouverneur et autres grands fonctionnaires. Quand on voit les jeunes s’y exprimer sur ce qui fait leur vie, on constate qu’un tel bulletin joue bien son rôle de « Conscience des jeunes ». C’est très encourageant.

samedi 19 septembre 2009

Les mots-épouvantails

"Communiste!", ai-je entendu il y a peu. C'est l'épithète que, sûrs de leur effet, des citoyens américains jetaient à la tête de Mr Obama. Ils étaient furieusement opposés à la réforme du système de santé. Dont acte.
Mais j'ai aussi entendu sur France Inter le rédacteur en chef de l'Humanité, lors de la fête du même nom. Il disait - je ne me souviens plus des termes exacts :"Nous communistes, avons voulu faire le bonheur des gens malgré eux. Or il n'y a de bonheur qu'à travers la liberté de chaque personne." Ai-je bien entendu? Si oui, alors j'en suis!
Il faut se méfier des mots-épouvantails... Si une telle déclaration venait d'un père dominicain, on trouverait cela très bien. Mais d'un communiste!... A moins de convenir qu'au delà des étiquettes, des appartenances, des idéologies, les hommes puissent changer. Après tout, nous aussi avons changé: qui, parmi les chrétiens du 21ème siècle, est encore à l'aise avec les guerres de religion ou avec le Syllabus? Et si le monde, instruit par la terrible expérience du 20ème siècle, s'orientait vers la reconnaissance concrète, effective, vraie du côté sacré de la personne? Et si chacun, communistes compris, essayait de lutter contre tout ce qui aliène l'homme? Si même les communiustes parlent de personne humaine et de liberté, peut-on espérer que cela ira au-delà du bonheur matériel?
Déjà un courant se fait jour de plus en plus actuellement: l'éloge de la gratuité. Une utopie comme antidote à la pure économie libérale, mais une utopie qui fait vivre!
Foin des mots-épouvantails. Les quelques américains qui croient faire injure à Mr Obama, devraient revoir leur copie.

samedi 29 août 2009

Homélies


Communiquer! Ca y est, le mot est lâché! Il faut com-mu-ni-quer! C'est important, surtout quand on a une Bonne Nouvelle à dire. Les Evangéliques, paraît-il, sont passés maîtres es-communication. Et nous cathos?

Parfois, à entendre certaines homélies, j'ai des doutes. Des tirades théologiquement correctes certes, mais qui manifestement "ne passent pas". Parfois hélas, le prédicateur se mue en simple lecteur. On cherche ses yeux, on ne voit que son auguste crâne penché sur son papier. Souvent aussi, trois fois hélas, aucun fait, aucun exemple tiré de l'histoire ou de l'actualité, ne vient pimenter la lecture. C'est plat comme une plaine russe; et - comme dans les restaurants vietnamiens - on en ressort aussi léger que lorsqu'on y est entré.

Au Cameroun, nous nous disions sous forme de dicton :"Pour une bonne homélie, il faut deux exemples et une idée. Et s'il faut supprimer quelque chose, mieux vaut supprimer l'idée." Cela a l'air d'une boutade, mais ce n'en est pas une! Car les exemples parlent d'eux-mêmes, la vie parle d'elle-même; et si l'Esprit agit dans le monde, c'est bien par la vie, par les événements, par les hommes, non?

Est-ce que les jeunes oblats, pères et frères, apprennent à communiquer la Bonne Nouvelle? Parler en public est un art. Les "Amen amen je vous dis" de l'Evangile, c'est de l'art oratoire.... Il faut quelque apprentissage technique certes, mais l'on attend surtout de celui qui parle, la conviction profonde, solide, joyeuse d'une Présence dans la vie des gens, Présence qu'il s'agit de révéler.

Nous n'avons ni une morale à assener, ni une doctrine à proclamer, mais des témoins de l'Evangile à présenter. Ce que cherchent les gens d'aujourd'hui, ce n'est pas une théorie, ce sont des vivants. La mystique heureuse d'une Etty Hillesum dans le train vers Auschwitz, la miséricorde inventive d'une Marguerite Barankitsé au Rwanda, voilà ce qui pourrait, ce qui devrait peupler nos homélies.
ndlr. Prudemment, j'ajoute que ce que je dis là, je me le dis à moi-même au premier chef!

mardi 4 août 2009

erreur

dans le message ci-dessous, il faut corriger la 16ème ligne. Au lieu " de Gagnera-t-elle au Mali", il faut lire "Gagnera-t-elle au Niger?".

C'est malin!

Me voilà pris au mot! Dans le message précédant celui-ci, je vantais les mérites de l'écoute. Et voilà qu'un ennui aux cordes vocales m'empêche de parler. C'est malin... Maintenant, me voilà obligé d'écouter les autres. Un comble...
Bon, mais cela ne changera rien à l'Histoire. Par contre, je pense à ceux et celles qui ne peuvent pas parler parce qu'on les empêche de parler. Tout le monde connaît la figure belle et emblématique de Mme Aung Sun Suu Kyi. Emblématique de ceux à qui l'on dénie le droit à la parole, depuis les opposants iraniens jusqu'aux journalistes assassinées en Russie.
Oui mais, prenons un temps de recul. Depuis la chute du Mur de Berlin, un phénomène étrange se produit: ici et là, la rue gagne! Elle a gagné en Ukraine, elle ne se tait pas en Iran, gagnera-t-elle au Mali? Il y a là un phénomène très profond: une société civile qui s'éveille, c'est un pays qui va dans le sens de l'Histoire; il fait venir la démocratie. Sur fond de morts et de gourdins hélas, mais orchestrée désormais par la grosse voix de la communauté internationale, dont nous sommes.
D'où cela vient-il? Difficle d'analyser cela ici. Mais je pense au travail obstiné, courageux, lucide de ceux et celles qui forment les autres à l'esprit d'analyse, au courage de la parole, à l'apprentissage de la liberté. Ce qu'en Afrique et ailleurs on appelle "conscientisation". La petite dame birmane sait bien ce dont je parle, elle que de gros généraux n'arrivent pas à faire taire.
Vous avez dit "mission"? Mais voilà un terrain - la conscientisation - où le chrétien ne peut pas être absent. Il y a là un travail d'Evangile urgent, indispensable. Plus difficile certes - et plus dangereux - que d'animer une chorale; mais si l'Evangile est encore salé, c'est bien là que nous devons être.

mardi 21 juillet 2009

Et toi, que dis-tu?


Yann Arthus-Bertrand... Cet homme a le monde dans les yeux. Pas seulement dans les yeux d'ailleurs, dans le coeur aussi. Allez voir "Six milliards d'Autres", et vous verrez si je me trompe.

Voilà des gens interviewés de partout: éthiopiens, cubains, néo-zélandais, chinois, maliens... Yann a eu l'ideé géniale de les questionner sur ce qui fait le meilleur d'eux-mêmes :"Pour toi, quel sens a la vie? As-tu rencontré l'amour? Et la joie?"

Ces personnes parlent, autant avec leur visage qu'avec leurs mots (la traduction est très discrète). Extraordinaire! Certains atteignent même à la plus haute poésie. A travers les différences d'âge, de peau, de culture, on est tout ému de retrouver l'Homme, "l'homme possible" dont parle Zundel, l'Homme éternel, celui qui nous montre son côté image de Dieu.

Ainsi, sans le savoir peut-être, Yann Arthus-Bertrand met en oeuvre à sa façon, ce qu'en jargon apostolique on appelle la "pastorale d'engendrement". En posant les questions essentielles, il libère le meilleur de l'homme... Parlant de l'amour, de la joie, de la vie, le ouïgour devient frère de l'australien, la jeune chinoise se découvre soeur de la vieille dame anglaise.

Yann est-il un signe pour moi missionnaire? M'arrêter de discourir, ne fût-ce qu'un jour, pour écouter le coeur, regarder les yeux des Autres, et découvrir ainsi ce meilleur qu'ils portent en eux. Peut-être alors, me rendrai-je compte que cette dame cubaine, ce targui, ou plus simplement ce voisin qui me parle, c'est un morceau d'évangile que JE reçois, pour moi. Peut-être apprendrai-je alors "ce que l'Esprit dit aux églises" (Apocalypse 2.7).

samedi 4 juillet 2009

Théocratie


L'Iran semble être "rentré dans l'ordre". Tout baigne. Même si le feu couve. Mais que l'on ne s'y trompe pas: on nous répète que conservateurs et réformateurs, c'est bonnet blanc et blanc bonnet; les uns comme les autres ne rêvant que de maintenir la théocratie en place, tout simplement... Mais les jeunes iraniens, eux, savent ce qu'ils veulent: assez de la soupe des ayatollahs, que la démocratie succède à la théocratie! Bon, mais pour le moment, c'est toute une société qui est prise en otrage par les religieux.

Disons-le tout net: il n'y a pas qu'en Iran où l'on rêve de théocratie. Sinon pour toute la société - Dieu merci, nous n'en sommes plus au temps de Mr Thiers - mais du moins pour les chrétiens dans l'Eglise.

Il y a le décor: on sourit des robes noires des ayatollahs, on pousse les hauts cris devant les burqas dans nos quartiers? On devrait s'inquiéter tout autant de ces retours à la soutane et autres bures, timides certes mais révélateurs.

Mais il y a plus grave: ces "prises de possession" de leur paroisse par des curés qui s'empressent de remercier les laïcs engagés pour rester les seuls maîtres à bord, ou pour faire venir des chrétiens tout à leur dévotion. Et nous qui pensions que le Concile nous avait débarrassés à tout jamais de ces retours à la théocratie que le "petit père Combe" appelait le cléricalisme.

Le Pape nous convie à faire de 2009 une "année sacerdotale". Soit. Mais alors, que l'on suive ce qui semble être son intuition: insister sur le prêtre homme au service des autres hommes, et non sur le pouvoir et le piédestal qu'est censé donner l'ordination. Ainsi sera levée toute ambigüité.

Arrêtons d'avancer à reculons ou de marcher sur la tête: la théocratie n'a pas plus d'avenir que ne l'eut autrefois la monarchie absolue. Les jeunes iraniens, passés du shah aux ayatollahs, en sont la preuve vivante.

samedi 27 juin 2009

Emu


Hier j'étais très, très ému: une amie canadienne m'a écrit. Revenant de France, elle m'envoyait vingt euros "pour célébrer la Messe aux intentions des pères X et Y, de Nice." Et elle ajoutait :"J'ai demandé au père Z de célébrer une Messe à vos intentions."

J'en suis resté baba! Voilà un mode de solidarité auquel je n'avais jamais pensé! D'habitude on célèbre la Messe à l'intention des chrétiens qui demandent; mais entre collègues...

Allons, je découvre encore un des multiples visages de l'Eglise: les chrétiens encouragent les prêtres à la solidarité spirituelle. Il y a de ces délicatesses qui nous murmurent :"Comment prends-tu en charge l'histoire et la vie de ton frère prêtre? Sais-tu ses joies et ses peines, et ses rêves? Es-tu prêt à les porter devant Dieu?"

Merci Anne, de me rappeler que, dans l'Eglise, l'Esprit-Saint est la chose la mieux partagée.

mardi 16 juin 2009

La pratique a baissé...

Cela se passe en 2080. La maman vient réveiller son garçon :"Lève-toi! Aujourd'hui c'est dimancjhe, on va à la Messe!" Grognements. Le garçon se tourne contre le mur.
Dix minutes après, nouvel assaut de la maman :"Lève-toi etc..." Peine perdue, seuls de nouveaux grognements lui répondent.
Alors, rassemblant le peu de patience qui lui reste, la maman de dire le plus calmement possible :"Ecoute, tu dois te lever car, primo: c'est dimanche, et le dimanche on va à la Messe. Deuzio: je te rappelle que tu es l'évêque de ce diocèse...

mardi 9 juin 2009

Opinion publique 2


Une cousinade, récemment. Le premier soir, tout le monde se met à table, dans la joyeuse pagaille de rigueur. Et quelqu'un de suggérer :"Et si on bénissait la table?" Réaction immédiate d'une autre, chrétienne engagée par ailleurs :"Ah non, plus ça!" S'en suit une discussion sous forme de brouhaha général. Et moi de rire sous cape, dans mon coin.
En fin de compte, je trouve que c'est très bien. Nous ne sommes plus à l'ère où toute un côté de la religion faisait partie des convenances, ce qui donnait à la foi figure de carcan, pour beaucoup. Nous arrivons à l'ère des convictions, au temps où ce que l'on croit a été scruté, réfléchi, intériorisé, pour tout dire confronté à notre liberté. Je souligne que je crois à l'absolue sincérité de celui qui proposait la bénédiction autant que de celle qui la récusait.

Mais nous ne sommes plus au temps du baron des Adrets, lorsque les gens s'étripaient consciencieusement pour des questions de religion. Non, l'Eglise tend désormais vers la tolérance, le dialogue, le respect de l'autre. Alors c'est beau qu'entre nous, nous ayions des convictions différentes, sans crainte de les exprimer.
Au fond, la mission, c'est aussi cela: notre liberté et notre foi rencontrent d'autres libertés, et ensemble nous faisons un bout de chemin vers Dieu. Ainsi les chrétiens, face aux dictatures plus ou moins soft de la planète, peuvent indiquer l'Eglise comme un lieu où l'opinion publique est entendue, où le débat est possible, voire passionnément désiré. Rêve ou réalité?

dimanche 24 mai 2009

mission

Je viens de lire avec beaucoup de joie, et un peu d'émotion, un article de Mgr Doré, évêque émérite de Strasbourg, dans la revue Spiritus de juin 2009 :"Sur la mission de l'Eglise." Tout d'abord, soulignons que le P.Doré est allé sur le terrain, au Pérou d'abord, puis dans le diocèse de Darwin, en Australie. Deux endroits tellement différents, mais où la mission est vécue dans le même esprit.
L'évêque a pu constater, à la fois la place de la formation des laïcs, mais aussi et surtout l'importance de la promotion humaine dans la Mission.
Réfléchissant, Mgr Doré renvoie dos à dos les missiologues en chambre qui, s'appuyant sur une "nouvelle évangélisation" mal comprise, limitent la Mission à l'annonce de l'Evangile et à l'administration des sacrements, et ceux qui ne voient dans la promotion humaine qu'un moyen commode pour faire du prosélytisme, autrement du "raccolage chrétien", système déjà largement pratiqué par les sectes.
Ce que l'évêque a vu au Pérou et en Australie, m'a ému, car c'est exactement ce que nous avons pratiqué, et ce qui continue à se pratiquer, au Nord-Cameroun. Pour nous, la promotion humaine fait partie de la Mission, non pas comme une méthode d'apostolat, mais comme un aspect très concret - et compris comme tel par les gens - de l'amour.... Quand tu vois un chef de canton gruger ses administrés, profitant de leur ignorance de la loi et de leur illétrisme, vas-tu rester l'arme au pied? Tiens donc! Aimer, très concrétement, c'est aussi missionnaire et aussi important qu'évangéliser? Sinon plus?
J'ajoute qu'un effort gigantesque est fait pour former les chrétiens: puisatiers, alphabétiseurs, agriculteurs, animateurs de rue... Formation technique bien sûr, mais aussi formation visant à ce que ces chrétiens soient prêts à dire à tout moment pourquoi ils agissent.
Si vous ne me croyez pas, allez faire un tour au Nord-Cameroun, au Centre Jéricho par exemple. Ou alors, si c'est trop loin, allez tout simplement demander aux Oblats de Marseille pourquoi se sont-ils engagés dans la MGM (Mutuelles Générales de Marseille)???

samedi 16 mai 2009

agapè

Eclair de joie dans les yeux de ma soeur: sa petite-fille, C..., ayant pris quelque distance d'avec ses parents, commence à s'interesser à un service dans la Coopération. Déjà, comme pour s'y préparer, elle va s'occuper d'handicapés légers.
Vive, spontanée, assez coquette ce qui n'est pas un mal, elle semblait jusqu'ici n'avoir les yeux de Chimène que pour l'art et les artistes. Et voilà qu'un autre monde s'ouvre à elle.
Peut-être C... nous aide-t-elle à comprendre ceci: de même qu'elle a pris son indépendance, ce qui la fait exister vraiment, ainsi va-t-elle s'employer à faire exister les autres. Sans trop connaître le mot sans doute, elle a compris ce que veut dire "agapè", l'amour - celui qui vient de Dieu. Agapè, c'est aider les autres à exister.

mardi 5 mai 2009

les deux salles



Dans les fermes flamandes de mon enfance, on gardait souvent une des pièces de devant pour recevoir les visiteurs. On pensait leur faire honneur en les accueillant dans cette pièce d'une propreté méticuleuse, un brin solennelle, avec trois gros livres dorés sur tranche savamment disposés sur la table de chêne sombre, au centre.
Mais on n'habitait pas cette pièce; la maisonnée se tenait dans la cuisine, avec ses relents de friture, les jouets des enfants qui traînent, et les simples chaises en paille qui invitent à s'asseoir pour boire le café à la chicorée, toujours prêt au coin de la cuisinière.
Quand on venait pour la première fois, on était reçu dans la première pièce, celle où l'on ne vit pas, celle qui ne vit pas. Pas très encourageant. Mais si tu revenais, alors c'était la chaleur de l'accueil flamand, dans la cuisine, et les rires, et le café. Avec un peu de chance, ça allait jusqu'au steack-frites partagé.

Si tu entres dans une église en semaine, tu auras sans doute la même impresssion que dans la première pièce: des chaises bien rangées, des statues solennelles au goût improbable, et là-bas loin, la lampe rouge du St Sacrement. Ah bon! Il y a quand même quelqu'un! Somme toute, ce n'est pas trop encouageant. Mais tu n'es qu'en visite...

Alors, avec un peu de chance et beaucoup de flair, reviens lors d'une assemblée du dimanche. Ne t'offusque pas si la liturgie sent parfois son improvisation, ne t'attarde pas sur les chants quelque peu malmenés, mais regarde "de l'intérieur": tu es dans la deuxième pièce, celle où l'on vit. Tu arrives au moment où une foule devient un peuple; une foule transformée, un peuple qui vit, réalisant en lui-même ce que l'Eucharistie signifie... Tiens! Il y a pas mal d'enfants. Certains s'amusent un peu, passant entre les bancs sous l'oeil attendri des grand'mères. Cela me rappelle les yeux ronds des petits, en Afrique, contemplant avant de l'imiter, la vieille dame esquissant un pas de danse dans l'allée centrale, pendant le chant de communion.

Il ne manque que le café... Mais au fait, à Lumière, du café, il y en a chaque premier dimanche du mois. Et du bon! Vous y serez?

samedi 18 avril 2009

Mariage civil


Lu hier dans La Provence, un entrefilet sur le Liban: on rapporte que là-bas, des jeunes demandent de pouvoir se marier civilement sans passer par l'église. Tiens tiens! J'ai eu un picotement dans la nuque, cela m'arrive chaque fois que quelque chose me fait plaisir.

Quel plaisir? Je suis persuadé que la demande de ces jeunes ne se fait pas contre l'Eglise; ils revendiquent simplement leur liberté, c'est tout.

Il me revient qu'à Marseille, des jeunes que je rencontrais en vue de leur mariage, ont "calé" huit jours avant la date prévue. Pourquoi? Ils m'ont dit :"On dirait que ce sont nos mères qui se marient: elles décident de tout! Nous on ne veut pas." Je n'ai pu qu'approuver leur refus.

Pour le Liban, c'est pareil: chaque fois que l'Eglise prend figure de mère abusive et l'Evangile d'un carcan, où est la Bonne Nouvelle?

Quand un français entend le mot "liberté", un vieux réflexe jacobin se met en route dans sa tête. Pour moi, cela rejoint la liberté de l'Evangile. Mes décisions me construisent... à condition qu'on me laisse décider. Jamais je ne suis plus homme que lorsque je me sens responsable de mes choix.

Merci à ces jeunes libanais de représenter une chance pour l'Eglise.

samedi 28 mars 2009

ça bougonne

Oui, ça bougonne, ça ronchonne, ça grognonne. Ce matin, le commentaire d'évangile sur RCF a "encore" été fait par un protestant, qui plus est par une pasteure. Alors, on n'a plus assez de bons catholiques pour s'occuper de ça?
Et nous voilà retombés dans ce travers bien français, qui juge l'appartenance plus que les personnes. Sommes-nous devenus un peuple de commerçants, qui met des étiquettes sur tout ce qui bouge?
Justement, l'évangile proposé ce matin, Jean 7/40-53, éclaire notre propos avec beaucoup d'humour: Jésus n'est pas jugé sur sa personne ou ses dires, mais sur le fait qu'il est galiléen. A la fin, "chacun rentre chez soi" et (je prolonge le texte) ferme ses double-vitrages sur le monde, pour continuer tranquillement à mettre ses étiquettes sur chacun, sans savoir.
Bravo RCF, qui nous aide à ouvrir nos fenêtres, à penser que le voisin du dessus n'est pas celui du dessous, que ce militant CGT n'est pas forcément un ange, et le patron de la boîte voisine pas forcément un vampire.... Il n'y a d'amour que de personnes, non?
Au vol, j'ai saisi des bribes d'une chanson de Francis Cabrel:
" Nous sommes les hommes tous pareils,
plus ou moins nus sous le soleil.
J'aime mieux un monde polychrome,
où vous vous êtes, et nous nous sommes."

lundi 16 mars 2009

A six ans, j'étais un réfugié


L'autre jour avec un ami, nous arpentions la dune, espérant lever quelque lapin ou une possible bécasse. Et soudain, en traversant un hallier, nous sommes tombés sur une tente, désertée par ses occupants, mais visiblement depuis peu. Des réfugiés, des migrants... Avaient-ils fui à notre approche?


Entre Calais et Dunkerque, on les rencontre partout, campant dans les fossés, déambulant sans but au long des routes, le capuchon serré sur la tête à cause du froid.


Pour moi, le symbole du réfugié, c'est le passeport. Passeport écorné, maculé, constellé de cachets. Au Cameroun, je lisais: "Entré au Nigéria le 10.03, sorti du Nigéria le 12.03; entré au Tchad le 12.03, sorti du Tchad le 13.03; entré au Cameroun etc... La misère de la terre errant dans les rues de Maroua: Sierra-Léonais, Libériens, Rwandais, Erythréens. Perdus, muets car anglophones, les yeux pleins de la peur qu'ils avaioent vécu.


Vers Calais aussi, ils ont peur; mais je n'ai jamais autant compris combien la fureur de vivre peut amener des hommes, des familles, à supporter des choses incroyables.


Oui, je me souviens - un peu. J'avais six ans en 1940: le chaos sur la route du cap Gris-Nez, la maison normande qui tangue comme un bateau ivre sous les bombes allemandes, mon père m'enveloppant dans une couverture pour se précipiter à la cave. Je me souviens, et cela m'aide à comprendre les yeux hagards des réfugiés de Sangatte.

jeudi 5 mars 2009

Opinion publique


Même si la "vox populi" (la voix du peuple), n'est pas toujours la "vox Dei" (la voix de Dieu), on ne peut que se réjouir des réactions soulevées par la levée de l'xcommunication des évêques intégristes, par celles provoquées par les dires de cet évêque négationniste, et par le refus du peuple chrétien devant la nomination d'un évêque autrichien aux propos scandaleux.

Il faut se réjouir encore plus du fait que les responsables de notre Eglise aient tenu compte de ces réactions. Oui, l'opinion publique, et pas seulement chrétienne, a bien sa place dans l'Eglise. Bien sûr, cette "voix du peuple" n'est pas la seule raison des réactions de Rome, mais elle y a certainement contribué.

Dans les pays d'Afrique régis par des dictatures plus ou moins musclées, les chrétiens s'efforcent de donner une véritable instruction civique aux jeunes. Ceci pour favoriser l'émergence d'une vraie société civile, donc d'une opinion publique responsable. Faute de cela, il est des appels, ici à l'obéissance, là au respect de l'ordre, qui visent à anesthésier tout esprit critique fût-il constructif.

Dans la pratique, sur le plan pastoral, cela veut dire en clair: prendre au sérieux le rôle des laïcs dans l'Eglise. Sinon, pourquoi seriner aux chrétiens qu'ils sont le levain dans la pâte, responsables de l'évangélisation etc...?

Au fond, après le cheval, l'opinion publique n'est-elle pas une des plus nobles conquêtes de notre monde démocratique?

samedi 21 février 2009

Vivre sans passions?



Ce pourrait être un sujet du bac: peut-on vivre sans passions? Je me pose la question parce que, revenant de Camargue, je surprends parfois les regards ironiques de mes collègues: comment peut-on se passionner pour ces petits oiseaux? Et pas n'importe lesquels: les oiseaux de marais uniquement. Une passion que je pense tenir de mes ancêtres; les plus lointains chassaient l'auroch, les plus récents tiraient les bécassines!
Mais je me suis moi-même surpris à jeter le même regard ironique sur un philatéliste. Ces petits carrés dentelés, une passion? Allons, soyons sérieux!
... Et si nous regardions la passion de l'intérieur, en nous mettant à la place du passionné? Alors là, tout change. Tout y passe: la tension de la recherche , l'émotion de la trouvaille, l'envie de chercher encore. C'est l'homme tout entier qui est secoué, transporté; au risque de l'emphase, je dirais: transfiguré. Alors c'est beau, quelle que soit la passion.
Des gens blasés, c'est triste. J'ai eu à faire autrefois à des scouts voyageant au Cameroun. Rien ne semblait les étonner, les toucher, les émerveiller... Overdose d'infos? Suffisance? Je l'ignore. Mais des jeunes qui ne savent plus s'émerveiller, c'est triste.
Est-ce la beauté qui suscite la passion? Oui, toujours, à condition de voir de l'intérieur. On comprend la joie des archéologues remontant une tête de César de la vase du Rhône; on admet une passion pour la grâce extra- ordinaire des oiseaux d'eau. Mais pour le philatéliste aussi, rien de plus beau que ce timbre indonésien, ou colombien.
Entre nous, en essayant de regarder Dieu de l'intérieur, j'arrive - un peu - à imaginer sa passion pour nous autres humains.






lundi 9 février 2009

convivialité


Ca y est, le mot est lâché! Mot un peu compliqué, mais les français adorent. Avec lui, la vie prend un goût d'aïoli partagé, de grillades et de rires. Et aussi de paroles. Car chez nous, un repas sans parler, ça passe mal, ça manque de goût. Foin des fast-food et autres restos rapides. Au temps de la convivialité, la vie retrouve de sa magie, en ces instants où l'on met les tracas au placard, où le stress s'éloigne.

Mais la convivialité dépasse le repas: c'est un art de vivre qui fait sauter les barrières empêchant les gens d'être heureux.

Il y a des barrières idéologiques: suivant que je suis de droite ou de gauche, mes dires n'auront pas la même saveur pour le francais qui m'écoute. Barrières... A la paroisse Notre Dame de l'Amitié (Marseille 13ème), nous avions pris l'habitude de nous retrouver périodiquement avec les voisins: l'esthéticienne, l'assureur, les garagistes, l'école de conduite. Le temps d'un anniversaire et d'une assiette de petits fours, nous attirions les regards ébahis des voitures qui passaient là, sur l'avenue. Tout naturellement, l'ami Loïc avait baptisé la placette :"Place de l'Amitié."

Voilà encore un travail misssionnaire: faire tomber les barrières. En mission, un presbytère transformé en bunker est un contre-témoignage. Des haies, des portes blindées, des claustra, non! Bien sûr on risque d'être dérangé, mais on est là pour ça. En Afrique d'ailleurs, tout le monde est chez tout le monde; celui qui s'enferme est vaguement soupçonné d'être un voleur-recéleur. Alors, que la maison fût un carrefour, c'était pour moi une joie.

Faire tomber les barrières... Il suffit parfois d'un ménage qui ose. Ainsi, sur le plateau de la Croix Rouge à Marseille, Henri-Jacques et Marie-Do ont osé inviter leurs voisins à un apéritif-trottoir, là en bas de chez eux. Et leur foi, que les autres auraient pris pour une idéologie parmi d'autres, s'est mise à vivre, dans un sourire.

lundi 26 janvier 2009

Vous avez dit "Ouverture"?



Que l'évêque de Toulon appelle le dernier geste du Pape envers les évêques intégristes, une "ouverture", on peut s'y attendre de sa part. Mais que le terme soit repris par l'archevêque de Paris, alors je fais une "demande d'explication", ce qu'en Afrique on appelle avec humour une "demande de complications".


Jai sans doute tort de m'étonner, car il y a eu des précédents: je pense que les moins sages parmi les Troyens ont vu eux aussi, dans l'introduction du cheval dans leurs murs, une "ouverture"?...


A quels autres bêlements aurons-nous droit encore? Chaque fois que Rome fait un geste vers les intégristes, on entend :"Non non, ce n'est rien! Rassurez-vous!" Qu'un évêque intégriste anglais se mue en négationniste, aurons-nous droit encore au "Rassurez-vous!"? Et au prochain "geste prophétique" du


Vatican, par exemple la béatification d'Adolf Hitler, faudra-t-il encore nous rassurer?


Trop, c'est trop. Comme missionnaire, je me sens désavoué. Trente-sept ans en Afrique, neuf ans dans les cités de Marseille, cela fait quarante-six ans que j'essaie d'être fidèle au Concile. Pas seul bien sûr: le Concile avait soulevé une vague d'enthousiasme parmi les Oblats et dans les communautés chrétiennes. Aider les laïcs à prendre leurs responsabilités, rencontrer les protestants et traduire la Bible avec eux, acculturer la liturgie, et à Marseille accueillir les incroyants, nous serions-nous trompés?


Et maintenant, les termites, tout doucettement, tout douceureusement, tout onctueusement, sont en train de grignoter l'immense espoir de l'Eglise. Si un jour se produit un schisme dans l'autre sens, on l'aura bien cherché!


Benoît mon frère, descends de ton ciel!

vendredi 23 janvier 2009

La langue de tout le monde

"La Parole de Dieu, c'est meilleur que le miel liquide!" chante Catherine. Réponse - toujours chantée - de l'assemblée :"Mieux que le miel liquide, dis-tu? Non! C'est meilleur que le poulet frit à l'huile!" Ainsi chantent les kapsiki, et à les entendre reprendre en choeur, un sourire en coin sur les lèvres, on comprend que c'est leur louange, avec des mots de chez eux. Tout juste si l'on ne hume pas l'odeur de la friture (excusez l'exagération, je viens de faire 9 ans à Marseille).
Quand l'Eglise comprendra-t-elle que ce ne sont pas les gens qui doivent s'adapter aux théologiens ou aux liturges, mais bien ces derniers qui doivent descendre dans la rue? Dieu merci, bien des choses ont changé depuis le Concile, mais quand même: des oraisons traduites du latin et servies telles quelles sont peut-être d'une concision et d'un contenu théologique époustouflants, mais elles ne disent rien aux gens d'aujourd'hui! Que n'imitons-nous ce missel italien où, après l'oraison "officielle", on trouve une autre prière simple et adaptée à l'évangile du jour?
Et la prière universelle! Je veux bien, d'un dimanche à l'autre, "prier pour les malades et les prisonniers". Mais si je priais pour la famille d'Olivier, emprisonné à Laon et qui s'est suicidé le 1er janvier 2009 (Le Monde du 16.01.09), je saurais que derrière Olivier se profilent les 63.619 personnes incarcérées aujourd'hui en France, et leurs familles.
Bien sûr, la langue litugique doit garder sa force symbolique pour accéder au Mystère de Dieu, mais justement, même en 2009 nous vivons entourés de symboles: les langages politiques, sportifs en usent à profusion, et les gens comprennent. Alors?
"J'ai fait un rêve": on m'a dit que le pape, lors de sa dernière visite à Paris, est entré à Notre Dame. Et - paraît-il - quand il en est sorti, il n'était plus le même... Alors je rêve: si la liturgie, dans sa "noble sobriété", entrait dans le Peuple chrétien - cette autre cathédrale - en sortirait-elle changée, elle aussi?

jeudi 15 janvier 2009

Unité


A Lumière, la Chapelle des Missions est classée. On lui reconnaît donc une vraie valeur artistique. Bien. Le "modern style" des années 30, on aime ou on n'aime pas; il y a comme une raideur dans les lignes, dans les attitudes..; mais une des raisons qui font la valeur de cette chapelle, c'est l'unité de son style. Des vitreaux aux lustres, du tabernacle aux chandeliers, tout se tient, tout est de la même eau.

Reconnaissons-le: un autel tarabiscoté du 18ème n'aura pas forcément sa place dans une abbaye cistercienne, alors qu'un autel moderne de style plus pur, plus dépouillé, cadrera beaucoup mieux et entrera aisément dans l'ambiance.

Car derrière l'unité du style, il y a une intention: ce peut être l'exaltation de la Gloire comme à St Pierre de Rome, ce peut être un lieu de prière où rien de superflu, ni de statue à part celle de Marie, n'accroche le regard et l'âme, où tout est tourné vers Dieu là présent.

C'est à partir de cette unité qu'un lieu trouve son âme. Cette âme, je l'ai trouvée dans certaines églises au Cameroun, où la pierre se marie heureusement avec l'ocre blanche, rouge et noire; et l'ensemble chante, très simplement.

Qui ne rêve de donner un style à sa vie, à la manière d'une église romane du 11ème siècle? Qui ne cherche à lui donner un sens, ce sens qui fera son unité?

samedi 3 janvier 2009

Rois mages


Il y a de ces souvenirs tenaces... Douvangar, Nord-Cameroun, en pays mofou. J'avais été invité par le prêtre de la montagne, Vremtey, à un sacrifice pour le village.

C'était la nuit, dans l'ancien saaré (l'enclos familial) du chef, une ruine au sommet de la montagne. J'entre dans l'immense salle d'accueil. Nuit noire, seules les étoiles brillent à travers le toit crevé... Et peu à peu je devine: les princes et tous les chefs de famille sont là, entourant le prêtre dans un silence absolu. Un silence concentré, palpable, religieux.

Alors Vremtey s'est mis à parler. Il a parlé longtemps, approuvé, toujours en silence, par les assistants battant lentement des mains.Un discours rude et heurté à la manière mofou, très cru parfois. Mais l'enjeu, la paix dans la montagne, est au bout des paroles.

Puis ce fut le sacrifice, dont je ne puis révéler la teneur. Mais peu importe: j'étais chez les rois mages! Ils m'avaient invité, mais je n'étais plus l'invité. Avec eux, pas plus qu'eux, je communiais à l'Esprit de la montagne. Comme eux j'étais à la poursuite d'une étoile, l'étoile de la paix pour le village.

L'Epiphanie, n'est-ce pas cette rencontre émerveillée - un émerveillement réciproque - entre les religions dites "non chrétiennes" et le Christ Jésus?