mercredi 15 mai 2019

3. le don de soi, un appel




Tout le monde a des yeux pour voir ! Mais cela ne suffit pas pour s’engager. Chez certains, la vue de la détresse leur fait le même effet que de l’eau sur les plumes d’un canard. Chez eux, l’appel des pantoufles est plus puissant. Non ! Chez celui qui « voit avec son cœur », il se produit une alchimie assez mystérieuse, une sorte d’appel intérieur qui le tire hors de lui-même pour aller vers les autres. L’incroyant dira que cet appel c’est sa conscience, et c’est vrai. Le croyant ira plus loin, en faisant remonter l’appel à Dieu. Et il nommera cela « vocation ».

Comment se fait entendre cette vocation intérieure ?   Alors là, il y a autant de types de vocations que d’hommes  et de femmes qui s’engagent… Pour beaucoup, il y a un choc au départ. A l’image de « L’opticien de Lampédusa », de E.J. Kirby. Ce gentil commerçant, au cours d’une balade en mer, se retrouve en plein drame : des migrants par dizaines en train de se noyer… Pour notre homme et sa femme, c’est un choc qui marquera à jamais leur engagement… 
Oui, à l’instar de Dieu qui a vu la misère de son Peuple, des gens ne peuvent plus dormir après avoir vu la peine des autres. C’est tout à leur honneur. Entre nous, ce serait bien l’honneur de l’Europe que de gérer au mieux l’accueil des migrants, ne fût-ce que pour damer le pion à l’Amérique de Mr Trump !

Mais Dieu – ou la conscience  – a d’autres cordes à son arc ! Une lecture, une séquence à la télé, l’exemple d’un voisin, un SDF qui demande un bout de pain,  voire un long séjour à l’hôpital après un accident, tout peut entraîner une  prise de conscience…. Toujours est-il que personne ne s’envoie tout seul. Il faut toujours un appel extérieur, un concours de circonstances que les chrétiens appellent providence. Donc restons humbles, ne   jouons pas   les abbés Pierre du monde, mais en secret, remercions celui, Dieu ou un autre, qui nous appelés. Et si d’aventure nous nous demandons : « Pourquoi moi ? », devinons que c’est un geste d’estime et un honneur, voire un signe d’amour, que l’on nous fait.

Je voudrais simplement, pour terminer, évoquer une sorte d’appel que j’ai vécu et que – je le sais – bien d’autres ont vécu. C’est un appel puissant, intérieur, entendu une nuit. Un appel bouleversant qui vous laisse ébloui comme après un beau rêve. Un appel insistant aussi : j’ai moi-même essayé de le faire taire pendant un an, en vain. Sans vouloir faire le malin, je l’ai comparé à la fameuse « nuit de Pascal » telle qu’il la décrit au début de ses « Pensées ». Ou, plus récemment, à la « Nuit de feu » d’Eric-Emmanuel Schmitt... Cet appel a décidé de ma vie missionnaire.

J’en témoigne ici, tout en me disant que les manières de Dieu sont souvent bizarres ! Exactement ce que le prophète Isaïe devait se dire quand Dieu l’a appelé :« J’entendis alors la voix du Seigneur  qui disait : « Qui enverrai-je ? » Je dis : « Me voici ! » Il dit : « Tu diras à ce peuple : « Ecoutez bien, mais sans comprendre, regardez bien, mais sans reconnaître !... » … Pas facile !!! Mais dépassons la difficulté, ne laissons pas au commando Hubert ou au colonel Beltram, l’exclusivité du don de soi pour sauver les autres.