lundi 25 septembre 2017

2. Les prophètes, des gens qui bougent



Le prophète est témoin de la liberté de Dieu. D’abord, comme nous le disions pour les débuts du monde, l’Esprit qui planait sur les eaux a fondu sur un homme pour en faire un prophète. N’importe quel homme : un prêtre, un cultivateur… Car Dieu est libre de ses dons ! Bon d’accord, parfois l’homme ne s’est pas laissé faire, il a fallu que Dieu insiste. Normal, nous sommes  tous des êtres craintifs, pas sûrs d’eux-mêmes sauf les sots ... Craintifs et libres !

Ensuite, à l’inverse d’autres figures bibliques comme le prêtre, le prophète bouge ! C’est un nomade, comme le Dieu du désert. Le prêtre, dans la Bible et ailleurs aussi, a tendance à se considérer comme le gardien du temple ; il se mue, souvent inconsciemment, en propriétaire de Dieu. Mais le prophète est le témoin du Dieu imprévisible, du Dieu qu’on n’attendait pas. Les prophètes dérangent ! D’où leurs nombreux démêlés avec  les rois d’Israël, et même avec les gens du Temple. Il suffit de lire le livre des Rois, ou Jérémie, pour comprendre que le métier de prophète n’était pas de tout repos. D’ailleurs Jean-Baptiste, que l’on considère comme le dernier des prophètes avant Jésus, en a perdu la tête !

Il est intéressant de voir le rapport du prophète avec la Tradition. Le prêtre a tendance à s’en tenir à la Tradition, comme le serpent qui se mord la queue. Le prophète, lui, évoque la Tradition avec émotion, mais c’est pour aller plus loin : la Nouvelle Alliance s’appuie sur l’Ancienne, mais elle insiste sur la rencontre personnelle de l’homme avec Dieu (Jér 31/33). La Loi nouvelle s’appuie sur la Loi de Moïse, mais c’est pour aller vers les Béatitudes ; les sacrifices de moutons c’était bien, mais maintenant il faut aller jusqu’au don de soi.
Remarquons que les salafistes et islamistes de tout poil représentent aujourd’hui l’inverse  du prophète, eux qui prônent un retour intégral à la Tradition islamique, même la plus barbare. On dirait qu’ils n’ont rien appris de l’Histoire! Tout comme les fondamentalistes chrétiens.

Donc, le prophète bouge, et il fait bouger. C’est un homme de la route, cette route sur laquelle Dieu marche, et sur laquelle l’homme marche à sa rencontre. Rappelons-nous le magnifique petit livre de Christian Bobin : L’homme qui marche (ed. Le temps qu’il fait, 2009 )… Le prophète est l’homme de la Rencontre. Dans ce sens, il y a chez tous les Prophètes de l’Ancien Testament, un énorme message d’espérance qui tire le monde vers le Messie.


Disons pour finir que la race des prophètes n’est pas éteinte ! Nous y reviendrons. Pour l’instant, disons que Jésus, prenant le relais des Isaïe et autres Jérémie, se situe résolument dans la ligne des prophètes, donc du Dieu nomade.

lundi 18 septembre 2017

1. Dieu, un nomade


Après des vacances assez agitées, comme (presque) tout le monde, je reprends la plume en commençant cette série sur "Dieu nomade". Ecrit de circonstance bien sûr! Comme quoi l'on peut très bien partir des événements pour arriver à l'Evangile! 


J’avais ouvert l’Evangile de Jean : « Jean-Baptiste dit : « Voici l’Agneau de Dieu. C’est de lui que j’ai dit : derrière moi vient un homme qui  devant moi est venu. Et moi, je ne le connaissais pas. J’ai vu l’Esprit descendre comme une colombe, du ciel. Et il a demeuré sur lui. Et moi je ne le connaissais pas ! J’ai vu, et je témoigne. »
J’ai été saisi par cette sorte d’incantation, haletante, comme une nouvelle merveilleuse qu’on a hâte de livrer. On dirait presque un poème de Péguy avant la lettre !... J’ai voulu en savoir davantage, et je vous livre cette recherche.

Pas de doute : dans la Bible, Dieu bouge ! J’ose dire : Dieu danse. Tout a commencé au début de la Genèse. L’Esprit planait sur les eaux, comme un busard survolant les roseaux de  la Dombes… Puis Dieu est devenu voyageur avec le Peuple de l’Exode. On est loin des dieux égyptiens ou assyriens bien tanqués (expression marseillaise signifiant "fixés") sur leur piédestal ! Non, le Dieu des Hébreux est un Dieu nomade.

Nomade, dites-vous ? Hélas, les Hébreux, une fois bien installés en Israël, ont tenté d’enfermer Dieu dans le Temple de Jérusalem. Le Seigneur a eu beau protester vigoureusement auprès de David qui voulait lui construire une « maison », rien n’y a fait. Salomon construisit, et pas un peu ! Le peuple de Dieu céda à l’éternelle tentation  des gens de mettre la main sur Dieu, de le mettre dans leur poche. Ils auraient ainsi leur petit bon Dieu portatif bien à eux… J’ai connu cela dans la montagne camerounaise, où chaque village avait son « dieu » protecteur, jamais d’accord avec le « dieu » du village voisin.

Mais Dieu est Dieu, il n’est le Dieu d’aucun peuple. Autrement dit, il est le Dieu de tous les peuples. Pourtant, aujourd’hui encore, à l’instar des islamistes, Mr Poutine et consorts tentent de mettre Dieu à leur service en apprivoisant l’Eglise russe… Mais Dieu est libre, libre comme les chevaux de Camargue, libre comme le vent de la Genèse. A la mort de Jésus, le voile du temple s’est déchiré, Dieu est redevenu nomade.

Dans cette belle histoire, « le renard et l’enfant », sortie sur France 5 le 19 février  dernier, la petite fille apprivoise le renard. Mais elle veut lui mettre une laisse au cou et le garder dans sa chambre. Le renard casse la laisse, et devient comme fou dans la chambre fermée. Dieu est ainsi : on peut l’apprivoiser, on ne peut pas l’enfermer.


Dieu est cet Imprévu, ce nomade que le vieux Job sur son fumier  découvrit. Comme disait Maurice Béjart, ce marseillais : « Je ne crois qu’à un Dieu qui danse. »