vendredi 29 novembre 2019

3. Beauté



            


            Voilà une chose, la beauté, qui remonte aujourd’hui à la surface des médias grâce à l’engouement pour l’écologie ! Le beau, le propre, le pur, toutes valeurs que nous découvrons après des années de consommation effrénée à l’américaine ! Nous découvrons que vivre sur une terre défigurée, sale, dans un désert d’oiseaux et d’insectes, ça ne va pas, ça ne va pas du tout ... Quand je remonte le boulevard de la Libération à Marseille, et que je passe au milieu de ces tags stupides couvrant murs et portes, ça me rend triste.
            Car la beauté fait partie de notre vie profonde. Que serait le monde s’il n’y avait personne pour l’admirer ? Dieu lui-même, nous dit la genèse, après avoir créé le monde, s’est assis dans son atelier et « il vit que cela était bon ».
            Allons plus loin. La beauté fait partie de nous-mêmes. L’émotion devant un vol de flamants comme devant une statue africaine au musée Dapper, cela fait partie de notre vie intérieure. Et l’émotion est encore plus forte quand elle est partagée ! Devant un coucher de soleil rouge sur les montagnes du Nigéria, un gamin de 12 ans m’avait attrapé par la manche : « Regarde comme c’est beau ! »… J’étais ému autant par le petit que par le soleil ! Le rouge du ciel nous atteignait tous  deux au plus profond de nous-mêmes.
            Je crois que, de plus en plus, nous les chrétiens, nous avons un message de beauté à porter au monde. Aider un autre à admirer, c’est l’aider à sortir de lui-même et à se dire que la vie, au fond, c’est bon et c’est beau… Avez-vous déjà fait l’expérience de regarder les gens au sortir d’un beau film ou d’un beau concert ? Il y a comme une lumière dans les regards ; ils ont tous communié au même enchantement… et ils repartent en se sentant meilleurs !
            Cette beauté, elle vit à l’intérieur de chacun. Marie-Madeleine Davy disait en citant St Augustin : «  Je dis aux étoiles : « Parlez-moi de Dieu ! ». Dans ma contemplation je les interrogeais, et leur réponse c’était leur beauté. » … Notons que celui qui vit en surface, à 100 à l’heure, est peu sensible à la beauté. Il n’en a pas le temps ! Or pour admirer, pour que la beauté atteigne ton cœur, tu dois t’arrêter et contempler. J’ai été souvent frappé par les petits bergers du Cameroun. Du haut de leur rocher,  à quoi rêvent-ils, les yeux emplis de la nature somptueuse qui les entoure ? Ils contemplent, sans même en avoir conscience.
            Entrons dans le franc réalisme du pape François avec son encyclique Laudato si : « Quand quelqu’un n’apprend pas à s’arrêter pour observer et pour évaluer ce qui est beau, il n’est pas étonnant que tout devienne pour lui objet d’usage et d’abus sans scrupule » (n°215)
            Et, pour ne pas rester en mode négatif, le pape ajoute dans un bel élan poétique, au n°84 : « Le sol, l’eau, les montagnes sont des caresses de Dieu » .



jeudi 14 novembre 2019

2. Conscience


« L'œil était dans la tombe, et regardait Caïn. » Dans ce poème sombre et terrible, Victor Hugo s’inspire du livre de la Genèse pour décrire les affres de Caïn après son crime. Et il intitule cela « La conscience ». .. La conscience de Caïn le poursuit, le taraude, l’enferme. Où qu’il aille. Mr Hugo appelle cela « l’œil de Dieu »
Même si l’image que se fait de Dieu Victor Hugo est contestable, il reste que la conscience est bien  cette voix, cette mémoire qui est toujours là en nous, et qui nous interpelle, rudement parfois. Rien de terrible là-dedans ! La conscience est une voix à la fois amicale et insistante qui habite tout homme, croyant ou pas.

Elle est là, bon… Mais qu’en faisons-nous, de cette conscience au fond de nous-mêmes. ? On peut l’occulter, se boucher les oreilles, s’étourdir pour ne pas l’entendre ; on peut même devenir « sans foi ni loi ». Je me souviens de cet ouvrier parisien qui, très sereinement, se vantait de ses conquêtes, et ce devant sa femme. Pour lui, l’infidélité était devenue quasi-normale. Et quand d’aventure il réfléchissait, cela se terminait toujours par le stupide et banal : « Tout le monde fait comme ça. »


Parler de la conscience aujourd’hui, c’est important. Notre conscience anime notre vie intérieure, elle est notre fierté. C’est là qu’est notre liberté. Tout homme comprend ce qu’écrit Hetty Hillesum: « On peut nous rendre la vie impossible (les nazis en l’occurrence), nous dépouiller, nous enlever notre liberté de mouvement, mais on ne peut rien nous faire, vraiment rien ! Je me sens libre. »… Non, rien ni personne ne peut atteindre notre conscience.
          Tant il est vrai que tout papa, toute maman qui veut vraiment éduquer ses enfants à la liberté de  l’âge adulte – si tant est que toute éducation est un apprentissage de la liberté – tout parent donc, sait que son plus beau travail sera la formation de la conscience des petits.
            
        Ça va loin,  ça va très loin. Je le répète : notre conscience, rien ni personne ne peut nous l’enlever ou faire comme si elle n’existait pas. Nous autres chrétiens, nous ne cesserons jamais de crier aux oreilles des dictateurs de tout poil : « Vous pouvez nous brimer, nous enfermer, vous n’aurez pas notre liberté de conscience. » C’est facile à dire ici en France où cette liberté est respectée, mais pensons à ceux et celles qui croupissent en prison encore aujourd’hui, pour avoir osé revendiquer cette liberté.
           En Afrique, en Amérique Latine, le missionnaire emploie souvent le mot un peu barbare de « conscientisation ». Il s’agit d’aider les gens à prendre conscience de leur situation de soumission (aux grands, à la pauvreté, …au destin), pour qu’ils prennent leur vie en mains et se sortent eux-mêmes de leur mentalité d’esclave.
            
         Ici chez nous, ce n’est pas de la soumission aux grands dont il faut se sortir, mais  d’une mentalité d’irresponsables, de béni-oui-oui et d’inconscients qui nous empêche d’être des hommes dignes de ce nom.