samedi 1 avril 2023

3. Ma mission : libérer les hommes.

 


On se trompe souvent sur la Mission. Combien de fois, rentré en France, ai-je entendu : « Combien as-tu fait d’adeptes là-bas ? » Misère ! Comme si la mission consistait à recruter des troupes catholiques pour lutter contre l’islam, le paganisme et le diable !!! J’avais envie de répondre : « Cher ami, tu es à côté de la plaque ! Tu sais, sur le plan des statistiques, je ne suis pas très rentable !». »

            La Mission, c’est annoncer l’Evangile. D’accord, mais comment annoncer l’Evangile à quelqu’un qui est par terre, qui a peur, qui n’est plus maître de sa vie? Jésus a guéri le paralytique, mais il lui a dit aussi : « Lève-toi ! »… D’expérience, je sais que le premier geste de la Mission, c’est d’aider les pauvres à se lever.

            Je ne parle pas seulement de ceux qui ont les poches perpétuellement trouées. Il y a aussi, et surtout, ceux que la peur tient courbés, tremblants, cherchant toujours à faire plaisir aux grands. Ah ! La peur dans les yeux ! Ceux-là, il faut les aider à devenir des hommes libres, fiers, droits dans leurs bottes. Les aider tous, croyants ou pas, jeunes ou moins jeunes. Car seuls des hommes libres sont capables d’entendre le message d’amour de l’Evangile.

            En cela, la Mission telle que je l’ai connue, se rapproche de la fameuse « théologie de la libération » d’Amérique Latine. J’ai rencontré maints prêtres de retour du Brésil. De vraies rencontres, où tout naturellement nous étions de plain-pied les uns avec les autres. Pour le Nord-Cameroun, j’affirme que la libération des pauvres a été le ciment de notre pastorale. Une pastorale boostée, encouragée par notre évêque… J’affirme que la Mission, ici comme ailleurs en Europe, sans son message de libération des humiliés, des sans-papiers, des réfugiés, ne serait que du racolage.           

            Bon et après,  une fois que l’homme s’est mis debout ? Après, c’est le secret de Dieu. En tous cas, est-ce pensable de dire à un malien, à un érythréen : « Après ce qu’on a fait pour toi, j’espère que tu te feras catholique ??? » Pour guérir le fils du centurion, Jésus n’a pas demandé sa carte d’identité au papa ! Il n’a vu qu’un homme écrasé par le chagrin. Notre évêque avait l’habitude de dire à propos des « dispensaires de la mission » : « Il n’y a pas de piqûre catholique. »

            Pour finir, rappelons la parabole du semeur. Prêcher l’Evangile à un homme qui n’est pas libre, c’est comme si tu semais le grain dans les cailloux Avant de semer, prépare la terre, fais-la respirer ! J’aime bien ce que dit Xavier de Maupeou, évêque au Brésil : « J’ai écrit un texte contre l’avortement, en demandant pourquoi  ils ne luttaient pas contre l’avortement qui vient de la faim, des mauvais traitements ? » Et Zundel : « Le problème, c’est de savoir si nous pouvons devenir des hommes. »