dimanche 19 mars 2017

7. Que ma porte soit ouverte



En fait, ce qui fait problème, c'est ma volonté de rencontrer les autres, ceux qui ne prient pas ou ne pensent pas comme moi. Dans un monde où la quête d'identité se fait souvent aux dépens de la rencontre, où l'on assassine  pour montrer qu'on existe, nous avons carrément à remonter le courant.
Le dialogue avec "les autres" ne date pas d'hier! Jésus n'hésitait pas à sortir des frontières, en affirmant à propos d'un centurion romain, de cet adorateur d'idoles" :"Je n'ai rencontré une telle foi chez personne en Israël!". Bien sûr cela faisait grincer les dents des intégristes et autres zélateurs de la Loi, toujours arc-boutés sur leurs rouleaux.
Et après Jésus? Presque au début, Paul, Pierre laissèrent la porte ouverte aux "goïm", les non-juifs. Ensuite, les Actes des Apôtres ne nous ont pas laissé de vrais dialogues, ce fut plutôt une entrée (massive?), au point d'affoler les chrétiens venus du judaïsme.
Et après? Ce ne fut pas toujours très brillant; à mesure que la puissance de l'Eglise s'affirmait, celle-ci éprouva de moins en moins le désir de parler avec "les autres", si ce n'est avec la croix d'une main et la rapière de l'autre. A part des gens comme Las Casas et les jésuites de Chine, qui furent l'honneur de l'Eglise.
Et aujourd'hui? Nous vivons au temps de la mondialisation. Et, comme le rappelle Christian Salenson, la mondialisation est un signe de notre temps. Encore une fois, l'Eglise doit rejoindre l'Histoire si elle veut rester crédible. Dès lors, elle doit prendre acte de cette mondialisation.   Pour nous, un choix s'impose: opter entre l'Eglise-forteresse et l'Eglise courant d'air, comme nous les appelions dans une méditation précédente.
Oui, bon. C'est bien d'ouvrir sa porte. Mais n'oublions pas que la seule porte ouverte, la seule écoute des autres, ne suffit pas...Une fois la porte ouverte, qu'est-ce qu'on fait? Annoncer partout que Dieu ouvre ses portes à tous? Pourquoi pas?  C'est déjà une annonce puissante!
Mais nous avons nous aussi une Parole à dire, une Parole que beaucoup espèrent, souvent secrètement. Nous avons un Royaume à annoncer. Mais comment? Ça c'est  une autre histoire!  Peut-être est-ce à chacun de voir???
En conclusion, ce couplet d'un chant de Gaétan de Courrèges:
Abattons nos façades
Et ouvrons grand nos portes!
Notre Dieu est nomade

Et il faut que l'on sorte.

vendredi 10 mars 2017

6. Confiance


Cette histoire de porte ouverte, il faut maintenant qu'elle nous rentre à l'intérieur.

Il y a une scène étonnante après la Résurrection, en Jn 21/15-19: Jésus interpelle Pierre avec insistance. Trois fois. Et trois fois, il le charge d'une grosse responsabilité: devenir le premier de l'Eglise. C'est quand même un peu fort! Pierre le matamore, Pierre le vantard, qui se dégonfle au moment du danger! Et le voilà premier Pape! Jésus aurait pu choisir un autre, pas forcément diplômé en théologie, mais du moins plus solide, plus sérieux. C'est vrai qu'il n'avait pas beaucoup le choix: les autres s'étaient débinés aussi....

Derrière l'appel de Pierre, il n'y a qu'un mot: la confiance. Jésus fait confiance à la faiblesse de Pierre. Notre faiblesse est la porte virtuelle par laquelle Dieu passe pour revenir chez les hommes. Dieu fait confiance   à ces hommes pas très courageux, trouillards même, mais que la mort de Jésus a remplis d'une vraie humilité, eux qui avaient abandonné leur Seigneur. Jésus a besoin de cette humilité pour que l'annonce du Royaume "passe" chez les hommes. La porte du Royaume, c'est à la fois la force de l'Esprit et la faiblesse des hommes... Quand on est dans le poto-poto, le mieux est de se mettre dans le rail creusé par les camions. Inutile de faire le malin en cherchant une autre voie. Notre rail vers le Royaume, c'est l'Esprit-Saint.

Est-ce qu'après la Pentecôte, les Actes des Apôtres nous disent tout? On a affaire à une saga toute haletante, toute triomphante, on a l'impression  que les apôtres n'ont qu'à ouvrir la bouche pour que les foules se précipitent. Mais en lisant entre les lignes, on se rend compte que ce ne fut pas si rose que ça! Il y eut des rivalités, des petitesses, un zeste de lâcheté. Les apôtres éprouvèrent ce que dit St Paul :'J'ai été devant vous faible et craintif et tout tremblant." 1 Cor 2/3. Paul se prend même pour un pot en terre cuite! 2 Cor 4/7:  "Nous portons ce trésor (l'Evangile) dans des pots d'argile."

Chaque fois que l'Eglise a oublié qu'elle était servante et pauvre, chaque fois qu'elle s'est montrée écrasante, tonitruante, moralisante, la porte du Royaume s'est fermée pour les hommes. Toute l'histoire de l'Eglise montre que  si nous ouvrons notre porte à Dieu, si déglinguée soit-elle, et si Dieu nous ouvre la sienne en nous faisant confiance, le Royaume pour tous est possible.

Le frère Santaner, dans "Le ver était dans le fruit" (Cerf 2008, p. 30-31), écrit :"La parole adressée aux hommes qu'il rencontrait par Jésus, dépassait leurs apparences extérieures. Elle cherchait à rejoindre l'autre au plus vrai de lui-même, là où la glaise (le poto-poto !) est soulevée par le ferment de l'Esprit".