jeudi 21 août 2014

4. Le croyant, homme d'un peuple




      Nous étions six autour de la calebasse, à piocher dans la boule de mil, à la mode sahélienne. Poliment,  je crus bon d'engager la conversation. Jusqu'à ce que mon voisin me glisse aimablement :"Tais-toi, mange. Sinon les autres vont tout manger pendant que tu parles!"

Ce n'est pas dans notre culture française de manger en silence. Pas plus que le fast-food . Apparemment ce ne fut pas non plus la culture du Christ! On est frappé par la fréquence des repas évoqués dans  les évangiles. De Cana à Emmaüs, en passant par la Cène, les gens mangent... et causent. Tant il est vrai que pour nous, le repas est un partage. On partage la nourriture bien sûr, mais on partage bien plus: il y a l'amitié, la joie d'être ensemble, les rires, en un mot la parole. Un repas en famille, une invitation chez des amis, voire un repas d'affaire, ne sont pas d'abord destinés à la survie, mais ils nous aident à passer un moment de cœur à cœur, de grande amitié.
      
Et voilà comment l'Eucharistie construit l'Eglise. L'Eucharistie est à la fois symbole et réalité de la présence du Christ. Dans la nourriture, et aussi dans ceux qui mangent. Là, dans l'Eucharistie, ma foi me dit que nous partageons à la fois la Parole de Dieu et le Corps du Christ. Partager la Parole? Disons plutôt que nous écoutons, mais après avoir écouté, l'échange est un peu pauvre! Sauf peut-être dans "la Messe qui prend son temps", une nouveauté  où il y a un vrai partage, et qui se répand.

Le Concile Vatican 2 nous a rappelé avec bonheur que nous sommes un Peuple. Le croyant chrétien est l'homme d'un peuple. Même si la foi est d'abord affaire de conviction personnelle, elle se vit en Eglise. Disons que la foi est aussi un sport d'équipe.... Mais c'est un sport d'équipe qui n'est pas encore vraiment passé dans les mœurs.  Bien des chrétiens vivent leur foi comme une affaire privée entre Dieu et eux-mêmes. La messe est, trop souvent encore, vue comme une dévotion personnelle où les autres n'ont rien à voir, dans l'église et à la sortie de l'église! On fait alors comme la poule qui a trouvé un ver de terre et se sauve avec pour aller le déguster toute seule dans son coin.
En fait, l'Eglise est comme une roue de vélo dont la Trinité serait le moyeu et les chrétiens la jante. Reliés à la fois entre eux  et à Dieu par l'Esprit-Saint, les croyants font tourner la roue. Bon d'accord, la roue ne tourne jamais très bien, il y a des jantes qui se fendent. C'est normal car l'Eglise est en état de conversion permanente . L'Eglise est ce peuple d'hommes, de femmes, de jeunes qui s'entraident,  parfois douloureusement, à devenir ce peuple possible qui est le rêve de Dieu.