jeudi 27 octobre 2016

Les limites du dialogue

Il faut se féliciter de tous ces appels au dialogue avec l'islam. Ils se multiplient ces derniers temps, comme dans cette lettre des évêques de France "Dans un monde qui change...". Face au fanatisme, le dialogue est la seule réponse digne d'un chrétien, que dis-je, c'est la réponse des hommes de paix.   On peut dire que le dialogue est dans les gènes du christianisme, même s'il y a eu pendant longtemps de terribles contrefaçons de l'Evangile dans le monde catholique, celui que je connais le mieux.

Encore faut-il que ce désir de dialogue soit partagé! Or que constatons-nous? A part une frange non négligeable de musulmans ouverts et réfléchis, nos efforts de dialogue et ceux de la société civile  ne rencontrent pas souvent le large écho qu'ils auraient pu espérer. C'est un constat, et ce constat se fait ailleurs aussi, que ce soit au Cameroun ou en Allemagne.
Pourquoi ce peu d'empressement? Tout en ignorant le pourcentage exact, nous pouvons affirmer qu'une grosse majorité de musulmans s'inspire actuellement du salafisme, fille du wahhabisme.
Que cette tendance soit modérée ou extrême, chiite ou sunnite, comme tous les fondamentalismes elle ne veut pas du dialogue, elle ne pense sa place dans le monde qu'en termes d'affrontement et d'élimination de l'autre, qu'il soit soufi, chrétien ou incroyant. Bien plus: pour le salafiste, notre volonté de dialogue est un aveu de faiblesse, dont il doit profiter pour s'imposer.

Que pouvons-nous y faire? D'abord poursuivre à tout prix le dialogue avec les croyants de bonne volonté, ceux-là mêmes qui sont persécutés par les extrémistes. Favoriser aussi ceux qui veulent vraiment s'intégrer à la société française tout en maintenant une démarche spirituelle vraie.

Mais je reste persuadé que la vraie solution ne peut venir que des musulmans eux-mêmes. Récemment, un colloque s'est tenu (à Paris?) entre différentes écoles de pensée musulmane. Or les salafistes n'y étaient pas conviés.... Ce qui me semble un geste prophétique n'est-il pas la solution? Sortir de la mainmise de l'Arabie Saoudite sur l'islam mondial, mainmise qui profite à la fois des frustrations du monde musulman face à l'Occident, et de l'ignorance des fondements de l'islam. Car le salafisme maintient et profite de l'ignorance.
Et puis: il s'agit pour les musulmans d’écouter la voix de l'islam spirituel et du soufisme, d'écouter aussi les penseurs modernes qui appellent à une réforme.  Ce sont eux qui lancent des ponts! Qu'ils fassent de leur religion un véritable parangon de civilisation telle qu'elle fut dans sa splendeur  au temps des Oméyades.

Tout cela, nous chrétiens ne pouvons le faire à leur place! Quand on regarde le Moyen-Orient actuel, avec cette foule de mouvements, de milices, de factions qui règlent leurs différends au lance-roquette, on  se dit qu'on est loin du compte! A mon avis, le salut ne viendra pas de là, mais d'un islam affranchi du salafisme et proposant aux jeunes une religion de la vie, de la rencontre, et non une entreprise de haine et de mort. Ce que tente actuellement la Tunisie, entre autres. 

En terminant, je fais mienne cette remarque d'Eric-Emmanuel Schmitt :"Dans l'histoire musulmane, il y a eu des périodes de lecture critique du Coran. Mais aujourd’hui, ceux qui en font une lecture restrictive crient si fort qu'ils empêchent les modérés de s'exprimer. Il est urgent pour ces derniers de reprendre la parole". Le Pélerin, 13 octobre 2016, p.53.