jeudi 28 mai 2020

4. Responsable, moi ?



                       
            Bon, c’est facile de taper sur les nazis et de frémir d’horreur devant le camp d’Auschwitz. Mais regardons-nous nous-mêmes ! Que faisons-nous de notre liberté ? Pour se frapper la poitrine sur celle des autres, pas de problème ; d’ailleurs les français sont passés maîtres dans ce sport. Mais au fond, n’avons-nous pas chacun, chacune, notre part de responsabilité dans la souffrance du monde ?
            Une grande voix, celle du Cardinal Martini, nous demande : «  Se peut-il que je contribue moi-même au  malheur : la destruction de l’environnement, le chômage, tout ça. Il ne suffit pas de se demander « Pourquoi, mon Dieu, cela existe-t-il ? » Nous devrions également nous demander : quelle est MA part dans tout cela ? » (Le rêve de Jérusalem p 25).
            
          C’est vrai pour l’écologie, on nous le répète tous les jours. Nous participons tous à la destruction de la planète. C’est facile de crier sur le charbon polonais ou les incendies brésiliens.  Mais chacun de nous doit s’atteler à la protection de la nature. Le pape François ne se fait pas faute de le répéter dans son Exhortation Laudato Si…  Je sursautais hier en regardant un monsieur faisant le ménage dans sa voiture en jetant les papiers et autres épluchures sur la rue  (mais je n’ai fait que sursauter !)… Il faut se féliciter du réveil  actuel, qui nous atteint au plus profond de nos manières de vivre, de nos habitudes, de nos gaspillages. Oui, ce réveil écologique est bien un « signe des temps » !
            Et voilà un autre « signe des temps »: les manifs. Les manifestations, c’est énervant pour celui qui doit se rendre à son travail. Mais on ne manifeste pas pour rien ! Et notre époque, qui sort des dictatures du fascisme et du communisme, où manifester aboutissait au camp de la mort ou au goulag, notre époque a appris à ne plus se taire, à crier quand ça fait mal. Et ça suppose du courage ! Demandez aux jeunes de Hong-Kong, d’Algérie, aux opposants russes. Malgré les menaces, de la Turquie au Mexique, de la Chine au Brésil, les gens manifestent et obligent les puissants à se pencher sur l’injustice… ou à « dégager ». Et toutes les répressions du monde n’y peuvent rien ! … Voilà comment la société civile, peu à peu, prend conscience de sa force  pour changer ce qui ne va pas. Tous responsables ! Et il faut s’émerveiller de voir l’homme, tous les hommes, prendre leur place dans la marche de la terre. C’est exactement ce que Dieu demandait à Adam au   jardin d’Eden, ce que fit Jésus en envoyant ses disciples aux quatre coins du monde. Il leur dit en substance à la fin de l’évangile : « J’ai commencé le travail, à vous de jouer maintenant ! »
            Toi le chrétien, tu t’engages dans ce combat contre la souffrance, avec à fond de cœur la grande voix du Christ : « Je suis avec vous jusqu’a la fin du monde. »

lundi 11 mai 2020

3. Dieu tout-puissant ?



            Un juif allemand, Hans Jonas, donna une conférence en 1945 : « Le concept de Dieu après Auschwitz. » Sa thèse était la suivante : depuis toujours, la Bible dit que Dieu aime son Peuple. Mais quand le Peuple déraille, Dieu le punit. Autrement dit,  si le Peuple souffre (et Dieu sait si les juifs ont souffert depuis 20 siècles !), c’est que Dieu le punit de ses péchés ! C’est simple….
            Mais, poursuit Hans Jonas, les milliers d’enfants tués dans les chambres à gaz d’Auschwitz, quel mal avaient-ils fait ? Quand ces innocents criaient, où était Dieu ? Voilà : comment expliquer le silence de Dieu à Auschwitz, silence aussi assourdissant pour les chrétiens que pour les juifs ? Et bien des gens de conclure : « Si Dieu existait, il ne permettrait pas ça ! Jamais ! » Et de fait, du Dieu absent au Dieu inexistant, il n’y a qu’un pas !
            Hans Jonas a une autre réponse : si Dieu n’est pas intervenu à Auschwitz, c’est qu’il ne le pouvait pas. Il ne pouvait rien contre les méchants nazis. Et Hans de conclure : donc, Dieu n’est pas le Tout-Puissant ! Mais il ajoute cette belle parole : « Si Dieu n’est pas tout-puissant, que lui reste-t-il ? Il lui reste l’amour. »
            
            Nous autres chrétiens, nous avons une autre conclusion, autre que celle de Hans Jonas. Pour nous, Dieu est tout-puissant, Seigneur du ciel et de la terre. Mais  - est-ce un bien,  est-ce un mal, à vous de juger – il a pris un risque en créant l’homme : il l’a créé libre ! Et Dieu a pour cette liberté de l’homme, un respect immense. Immense comme le fond du ciel, immense comme son amour. Alors Dieu n’envoie pas de missile pour détruire les méchants, il respecte la liberté des petits hommes, même les plus tordus.
            Et il va même plus loin, au point de dérouter bien des gens (ne vous en faites pas, c’est son habitude !).  Il fait cette chose pas très sérieuse de renoncer à sa toute-puissance pour devenir l’un de nous, en vivant comme nous… St Paul, l’apôtre à la plume d’or, avait compris tout le Christ quand il disait aux Philippiens : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, n’a pas retenu jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s'est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes… ». Voilà notre Dieu, à nous chrétiens ! Jésus a été menotté par des hommes libres, tué par des hommes libres. Dieu s’est mis entre nos mains, par amour. Devant la méchanceté des bourreaux, Dieu se tait, il est même vulnérable, comme est vulnérable celui qui aime.
            
           Ce qui faisait dire à Etty Hillesum, cette jeune juive hollandaise en route vers les camps de la mort : « Seigneur, il ne semble guère que vous puissiez agir. Vous ne pouvez nous aider ; mais nous, nous devons Vous aider, nous devons défendre Votre Vie en nous jusqu’à la fin. »
            Et en écho, le philosophe Alain : « Regardez l’enfant. Cette faiblesse de Dieu, cette faiblesse qui a besoin de tous est Dieu. » Alain pensait-il à l’Enfant de la crèche ?