lundi 11 mai 2020

3. Dieu tout-puissant ?



            Un juif allemand, Hans Jonas, donna une conférence en 1945 : « Le concept de Dieu après Auschwitz. » Sa thèse était la suivante : depuis toujours, la Bible dit que Dieu aime son Peuple. Mais quand le Peuple déraille, Dieu le punit. Autrement dit,  si le Peuple souffre (et Dieu sait si les juifs ont souffert depuis 20 siècles !), c’est que Dieu le punit de ses péchés ! C’est simple….
            Mais, poursuit Hans Jonas, les milliers d’enfants tués dans les chambres à gaz d’Auschwitz, quel mal avaient-ils fait ? Quand ces innocents criaient, où était Dieu ? Voilà : comment expliquer le silence de Dieu à Auschwitz, silence aussi assourdissant pour les chrétiens que pour les juifs ? Et bien des gens de conclure : « Si Dieu existait, il ne permettrait pas ça ! Jamais ! » Et de fait, du Dieu absent au Dieu inexistant, il n’y a qu’un pas !
            Hans Jonas a une autre réponse : si Dieu n’est pas intervenu à Auschwitz, c’est qu’il ne le pouvait pas. Il ne pouvait rien contre les méchants nazis. Et Hans de conclure : donc, Dieu n’est pas le Tout-Puissant ! Mais il ajoute cette belle parole : « Si Dieu n’est pas tout-puissant, que lui reste-t-il ? Il lui reste l’amour. »
            
            Nous autres chrétiens, nous avons une autre conclusion, autre que celle de Hans Jonas. Pour nous, Dieu est tout-puissant, Seigneur du ciel et de la terre. Mais  - est-ce un bien,  est-ce un mal, à vous de juger – il a pris un risque en créant l’homme : il l’a créé libre ! Et Dieu a pour cette liberté de l’homme, un respect immense. Immense comme le fond du ciel, immense comme son amour. Alors Dieu n’envoie pas de missile pour détruire les méchants, il respecte la liberté des petits hommes, même les plus tordus.
            Et il va même plus loin, au point de dérouter bien des gens (ne vous en faites pas, c’est son habitude !).  Il fait cette chose pas très sérieuse de renoncer à sa toute-puissance pour devenir l’un de nous, en vivant comme nous… St Paul, l’apôtre à la plume d’or, avait compris tout le Christ quand il disait aux Philippiens : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, n’a pas retenu jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s'est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes… ». Voilà notre Dieu, à nous chrétiens ! Jésus a été menotté par des hommes libres, tué par des hommes libres. Dieu s’est mis entre nos mains, par amour. Devant la méchanceté des bourreaux, Dieu se tait, il est même vulnérable, comme est vulnérable celui qui aime.
            
           Ce qui faisait dire à Etty Hillesum, cette jeune juive hollandaise en route vers les camps de la mort : « Seigneur, il ne semble guère que vous puissiez agir. Vous ne pouvez nous aider ; mais nous, nous devons Vous aider, nous devons défendre Votre Vie en nous jusqu’à la fin. »
            Et en écho, le philosophe Alain : « Regardez l’enfant. Cette faiblesse de Dieu, cette faiblesse qui a besoin de tous est Dieu. » Alain pensait-il à l’Enfant de la crèche ?


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