jeudi 22 mars 2012

Deux logiques

Dans toute religion, deux logiques se côtoient, quand elles ne s'affrontent pas: une logique de communion et une logique de séparation, voire d'exclusion. Ceci est vrai pour les chrétiens, où longtemps la logique d'exclusion a prévalu. Il y eut de "bonnes raisons" pour cela, en un temps où l'on se tapait joyeusement sur la figure, où l'on ne concevait les rapports avec les autres religions que dans l'opposition lumière-ténèbres, ou Cité de Dieu et Empire du Mal. Avec bonheur, Vatican 2 a fait prévaloir la logique de communion. Et nous vivons encore de cette logique, faite d'ouverture à l'autre, de tolérance ,même si cela nous vaut parfois d'être accusés de "relativisme". Et même si la logique de séparation refait surface ici et là: retour symptomatique de la soutane, messe "extraordinaire", soupçon er rejet des laïcs engagés dans leur paroisse (ne protestez pas, j'ai 150 exemples sous les yeux!), opposition manichéenne du Bien et du mal dans les homélies.

Côté islam, les deux logiques se côtoient aussi. Bien sûr, le courant ouvert est bien présent, particulièrement en France, mais aussi en Tunisie et - ici et là - en Afrique subsaharienne. Mais il semble que la logique d'exclusion tienne pour le moment le devant de la scène, surtout là où l'islam est majoritaire, sauf peut-être en Indonésie : soupçons envers les courants soufis, lutte sunnites-chiites, persécution des chrétiens d'Orient, Boko Haram... Ici et là, les révolutions arabes prennent figure d'un marché de dupes, où les islamistes tendent à confisquer le pouvoir au détriment des autres acteurs du réveil arabe.

Mais surtout, surtout en ce moment - et là j'aimerais que l'on me contredise - quelles voix officielles dans les pays musulmans, se sont élevées contre les tueries de Toulouse? Quel gouvernement? Quel recteur d'Al-Ahzar, qu'on dit par ailleurs fort ouvert? On pousse des cris d'orfraie quand on brûle un Coran - geste fort répréhensible certes - mais pourquoi le monde musulman a-t-il tant de peine à écouter ceux des siens qui appellent au dialogue, voire à la prière commune?

Ne nous y trompons pas: toute religion qui prête l'oreille aux chantres de l'exclusion, cette religion n'a aucun avenir, elle ouvre la voie aux lefévristes et islamistes de tout poil, ou - pire - aux Mohamed Merah.

lundi 12 mars 2012

Garder l'équilibre

Voci un article paru dans la revue des Oblats de France. et j'ai pensé que cela pourrait intéresser d'autres...


Garder l’équilibre

Au congrès de l’ARS (Association des Recteurs de Sanctuaire), à Lisieux en janvier dernier, Mgr Boulanger, évêque du lieu, nous a parlé de « la Mission pour Thérèse », et c’était très bien. Je cite un passage : « Pour Charles de Foucauld, enfouissement et visibilité, silence et parole vont de paire. Rappelons-nous que le fondement de la spiritualité de C. de Foucauld est dans conjonction « et », alors que souvent nous la remplaçons par le « ou » : enfouissement et visibilité, silence et parole. Le missionnaire est à la fois un disciple et un apôtre de Jésus. Il est un envoyé, même s’il n’est pas un propagandiste. »

Mais voilà le hic ! Si par le passé on a été parfois tellement enfouis qu’on n’était plus audibles (quoique…), il faut bien dire qu’actuellement on nous rebat les oreilles avec la « nouvelle évangélisation ». A entendre certains comme cet autre conférencier venu de Rome exprès et faisant partie du dicastère tout neuf « Pour la Nouvelle Evangélisation », il faut maintenant prêcher à temps et à contretemps, peu importe le milieu, pourvu que soit respectée l’orthodoxie du Message. On nous dit que « l’écoute vient de la prédication », alors que toute notre expérience missionnaire nous dit qu’avant de parler, il faut écouter ce que vivent les hommes.

Et – cerise sur le gâteau – on nous affirme que « l’immédiat après-Concile est terminé ». Voici venu le temps où on a tout compris. Foin des Congar, Hans Kung, Helder Camara et autres Guislain Laffont ; c’est maintenant le temps de la Nouvelle Evangélisation. Mais à aucun moment on ne nous a parlé de « présence au monde » ou de « vivre avec les gens ». Non, c’est la liturgie qui évangélise !

Le moins qu’on puisse dire est que tout cela n’est pas très équilibré. Merci à Mgr Boulanger de réclamer cet équilibre : enfouissement et visibilité. Sinon, une fois de plus, l’Eglise ira dans le mur. Malgré l’Esprit-Saint.

Je dis cela tout de go. Mais pourquoi nous les religieux, ne disons rien ? A d’autres endroits, comme en Amérique Latine, les religieux ont fait office de poil à gratter de l’Eglise. Pourquoi pas en France ?