mardi 14 septembre 2021

6. Eucharistie

 

 

            Parler ici de l’Eucharistie est légitime. Parce que l’Eucharistie est un repas. C’est d’abord un repas. On se rassemble autour d’une table, on mange, on boit, on parle. Et l’on se retrouve autour du Maître de maison, invisible mais bien réel dans le pain et le vin, dans sa Parole, dans l'assemblée.

            Je n’ai jamais aussi bien compris l’Eucharistie qu’en participant au  sacrifice dit païen, au Cameroun. Tous sont attentifs à ce que dit le maître du sacrifice, aux « paroles lourdes » qui s’adressent aux ancêtres. Tous attentifs, mais tous heureux d’être vivants et ensemble. La viande partagée scelle l’unité de la famille. C'est du sérieux, mais on n’est jamais loin du rire et de la blague, contrastant ainsi avec l’atmosphère trop souvent  compassée et rigide de nos eucharisties. 

            Pourtant, il y a comme une connivence entre la messe et la liturgie animiste : ici comme là-bas, ce sont des hommes, des femmes, des enfants, avec leurs peines et leurs joies, qui se tiennent, les uns devant leurs ancêtres, les autres devant leur Seigneur, et en définitive tous face à Dieu que les kapsiki appellent « Dieu dans le ventre du ciel », et nous "le Père de Jésus". Ici comme là-bas, est vrai ce que dit Paul Domergue : « Le pain eucharistique n’est pas là pour être regardé, promené, encensé, il est là pour être mangé ensemble. »

            Le Concile a heureusement rappelé que l’Eucharistie, sans renier son aspect de sacrifice, est d’abord un repas, et sur la table il y a à la fois la Parole de Dieu et le  Corps du Christ, une Parole et un Corps qui aident à vivre . Un repas qui rassemble et fait des convives une vraie communauté. St Paul le dit : « Puisqu’il n’y a qu’un seul Pain, nous sommes tous un seul Corps. »

            Pas d’Eucharistie sans une communauté qui écoute et qui mange ensemble. Et çela a des conséquences fortes, entre autre: quelle est la part des chrétiens dans la célébration? Est-ce qu’ils écoutent seulement ? Comment est mieux soulignée la nourriture prise à la communion : la prendre dans la main ou dans la bouche ? Ce ne sont pas des questions à prendre à la légère!

            Il y a jusqu’à la construction, rare, d’églises neuves qui ne soit pas neutre : l’autel n’est plus tout seulet au fond du chœur,  inaccessible au commun des mortels comme le Saint des Saints dans le  Temple  de Jérusalem; il est au centre d’un cercle où tous se voient, s’entendent, chantent aussi fort que la chorale etc. ? J’ai aimé l’ouvrage de Jean-Noël Besançon « La messe de tout le monde » ; il y a là-dedans une explication lumineuse de la Messe après le Concile !

               Bien d’autres aspects, très humains, très terre à terre,  montrent que la Messe est d’abord un repas. Entre autres : ce que je mange passe en moi et devient moi. Ma nourriture passe dans mon sang, elle devient mon corps. N’est-ce pas ce qui se réalise quand je communie au Corps du Christ ? Il y a comme une osmose entre Jésus et moi-même. Il devient moi et je deviens lui. Au point que St Paul se permet de dire : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Et là, on n’est plus dans le symbole, cela  devient une réalité ! Une réalité où l’humain rejoint le divin.

            Tout ce que nous disons là s’enracine dans l’Evangile. Relisez les Pèlerins d’Emmaüs en Luc 24, et vous aurez un résumé extraordinaire de ce qu’est l’Eucharistie.