dimanche 21 octobre 2012

Des hommes-catastrophe

Décidément, le monde va mal. L'autre jour sur RCF, un évêque évoquait ce malheureux monde dans les ténèbres, que la Nouvelle Evangélisation, ayant les faveurs d'un synode actuellement, sauvera à coup (presque) sûr.

Il y a des gens qui mangent "le monde" à tous les repas: au hors-d'œuvre, l'hédonisme; le plat de résistance, ce sera le relativisme. Et au désert, l'indifférentisme. La cata à tous les étages! Je pense parfois à ces films américains: plus les flammes sont hautes, plus les explosions terrifiantes, et plus le héros sera héroïque. Ainsi l'Eglise qui flotte sur les flots déchaînés de l'incroyance, supplie Jésus de calmer la tempête, une fois de plus.

Trêve d'ironie. Mais je m'étonne quand même: des chrétiens n'ont que le Concile Vatican 2 à la bouche, mais on a parfois l'impression que c'est pour mieux l'enterrer! Le Concile nous a habitués à voir "le monde" sous un œil plus positif, il nous a rappelé que l'Esprit-Saint travaille même hors de l'Eglise.

Merci à Jérôme Vignon qui, dans la lettre des Semaines Sociales d'octobre, conteste certaines affirmations des Linéamenta, premier des documents préparant l'actuel Synode sur la Nouvelle Évangélisation. "Un document qui, à côté d'analyses très fines, a des affirmations excessivement pessimistes sur l'état du monde et de la société"... Jérôme prend ainsi le relais du cardinal Frings qui, au Concile, s'opposait de front au cardinal Ottaviani dénonçant le "poison de la modernité".... Au lieu de laisser les hommes-catastrophe sonner le tocsin, ne vaut-il pas mieux faire appel à notre expérience missionnaire, nous qui, à la suite du Concile, avons trouvé tant de richesses, d'amour, de questions cachées aussi, dans "le monde de ce temps."

Je ne nie pas que l'Eglise ait un rôle de veilleur en dénonçant les tares de la société. Mais d'abord, aujourd'hui les gens n'aiment pas qu'on se frappe la poitrine sur celle des autres. Ils préfèrent les témoins. Ensuite, à quoi cela sert-il de jouer les Cassandre si, à l'instar de Cassandre, on n'est pas ou peu écouté? Mieux vaut se demander pourquoi la société civile nous écoute si peu? On comprendra alors qu'aujourd'hui, les gens n'écoutent pas ceux qui prétendent être au-dessus ou à l'extérieur de leur monde. Si Vatican 2 a eu un tel retentissement, n'est-ce pas pour deux raisons: l'Eglise a eu d'abord un regard positif sur le monde; ensuite elle s'est située à l'intérieur et dans le monde, et non au-dessus et à côté.

J'aime bien la démarche de l'archevêque du diocèse d'Aix-et-Arles, Christophe Dufour, parlant dans sa lettre pastorale d'octobre 2012. Ayant visité sa région, il admire d'abord la lumière de Provence et les raisons d'espérer. Ensuite, il relève les souffrances dues aux inquiétudes pour l'avenir de la région. Dans son discours, nulle trace de reproche, nulle dénonciation, seulement une grande compassion, après une belle sympathie.

Et je me souviens que Madeleine Delbrel disait, un peu dans le style de Péguy :" La foi est une passante: aucun temps ne lui est réfractaire, elle n'est réfractaire à aucun temps, elle est faite pour le temps, elle est destinée à chaque temps, et quand un temps lui semble être réfractaire,c'est à nous qu'il est sans doute réfractaire, parce que nous drainons avec nous le résidu d'un autre temps..." (Nous autres gens des rues)

Ils sont heureux les gens de bien!

lundi 1 octobre 2012

Il y a sacré et sacré

Comme le disait un pasteur sur RCF (Radios Chrétiennes en France), si le sacré est un obstacle à la liberté d'expression, alors il n'y a plus de liberté d'expression.

Mais au fait, qu'entendons-nous par "sacré"? Si cela signifie intouchable, séparé, tabou, pour nous chrétiens, ce sacré n'existe pas, comme le dit très bien Jean-Noël Bezançon. Depuis l'Incarnation, le voile du Temple s'est déchiré, Dieu est parmi les hommes, même si, par la suite, l'Eglise - copiant en cela l'Empire romain - a voulu abusivement rétablir le sacré-séparation. Ce qui a donné, par exemple, la Messe dos au peuple et le port de la soutane. Non, ne recousons pas le voile du Temple!

Pour nous, depuis Jésus, le seul sacré c'est l'homme. L'homme dans sa dignité, l'homme digne de respect et d'amour. Ce n'est pas un sacré qui sépare, mais un sacré qui nous fait solidaires de tout homme. C'est notre conviction, et en cela nous rejoignons les humanistes, tous les humanistes qu'ils soient croyants ou non.

Donc, il ne faut pas se tromper de sacré. Mais voilà: il y a le "scandale du faible" comme dit St Paul. Les "forts dans la foi" peuvent supporter caricatures, films insultants et autres peintures. Mais les faibles? Si ce que je dessine doit faire du tort à mon frère, le scandaliser, vais-je encore dessiner? Au nom de la liberté d'expression, vais-je encore travailler pour la paix?

Oui, euh, hé, hein, bon! D'accord. Mais le faible, quand sortira-t-il de sa faiblesse? Quand ne se trompera-t-il plus de sacré? Et, pour ce faire, quand osera-t-on soumettre les "textes sacrés" comme le Coran à la critique littéraire et historique? Quand les éléments les plus éclairés parmi les musulmans auront-ils le droit d'intervenir en théologie? Quand le soufisme aura-t-il vraiment droit de cité?
On a parfois l'impression que, pour certains qui se disent musulmans, la seule façon de se défendre, ce sont les hurlements, les fatwa et les mains coupées. En fin de compte, tout cela n'est qu'un aveu de faiblesse, comme toute politique de coercition d'ailleurs.

En 2012, il faut absolument aller plus loin, et laisser historiens et exégètes faire leur travail. Que ce soit en christianisme ou en islam.