mardi 22 février 2011

Sécularisation (suite)

Certains veulent faire rimer sécularisation et paganisation. Selon eux, si le monde sort du sacré, il va vers un retour au tohu-bohu (Genèse 1/2), au vide spirituel. Et de rêver d'un retour en arrière, et de se mettre sous le signe du "re": re-christianisation, re-chrétienté, re-conquête... Et les enfants qui ne savent plus leur Notre Père, et les enterrements civils qui se multiplient... Paradoxalement d'ailleurs, ce sont souvent les mêmes qui agitent avec horreur le spectre de l'islamisation de la France!

Ceux-là ne se rendent pas compte qu'une société qui affirme son autonomie face à ce qu'elle considère comme une contrainte, pose un signe de maturité et de santé. Dans ce sens, la sécularisation est un bien. Elle l'est aussi parce qu'elle entraîne les chrétiens à ne plus présenter un Dieu de pouvoir, jaloux de son autorité, un Dieu dont l'histoire de l'Europe et du monde gardent un cuisant souvenir, mais le Dieu de l'Evangile ou, si l'on préfère, le Dieu d'Elie, la brise légère.

Pour retrouver ce Dieu de Jésus-Christ, il faut absolument que nos contemporains soient vaccinés contre l'image d'une Eglise donnant des leçons à tout vat, nostalgique de son pouvoir perdu. Et nous, de notre côté, trouvons une autre manière de faire Eglise, plus "servante et pauvre", dans le sens des intuitions de Vatican 2.

Oui, la sécularisation ets une chance pour toute religion. Elle l'entraîne à sortir du cléricalisme, tentation constante des ministres du culte, qu'ils soient abbés ou ayatollahs; à renoncer à tout paternalisme et à tout fanatisme, qu'ils soient islamistes ou intégristes chrétiens. Elle sera une chance pour le chrétien qui se retrouvera compagnon, apprenti plus que maître et enseignant. Une chance pour que la première Béatitude devienne réalité.

Mais attention! Si la sécularisation est une chance, ce n'est pas sans certaines conditions. (à suivre)

mercredi 16 février 2011

sécularisation

La sécularisation, c'est quoi? Décidément, faut tout vous expliquer!

On peut tenter une définition: il s'agit d'un processus, plus ou moins long, au cours duquel la société civile, ayant pris conscience d'elle-même, se libère des religions et du sacré dans la sphère de la vie publique, économique, politique, sociale. Cette société se définit hors de tout contexte religieux. De leur côté, la foi et la pratique religieuse s'individualisent, se font plus personnelles, plus discrètes aussi, peut-être plus rares, moins "massives", moins visibles dans le paysage quotidien. Cette société revendique une autonomie face à des normes, un style de vie et de pensée qu'elle estime lui avoir été imposées "d'En Haut."

L'autonomie de la société peut se réaliser dans la douleur, comme en France au 19ème siècle, ou doucement, sans hostilité apparente... A noter que la révolution russe ne mena pas à une sécularisation de la société, malgré les persécutions religieuses. Car elle imposa aux russes une autre idéologie, bien plus contraignante qu'au temps du tsarisme. Tant il est vrai que la sécularisation n'est soluble que dans la liberté.

La sécularisation est un processus, non un état de fait. Un chemin qu'emprunte peu à peu toute l'humanité. Je dis bien toute l'humanité. Car ce n'est pas faire preuve d'ethnocentrisme de dire que la sécularisation, déjà fort avancée en Europe du Nord, gagnera tôt ou tard le reste de l'humanité.

Elle gagnera l'Afrique sub-saharienne, où bien des prêtres, et même des évêques, finiront pas descendre de leur piédestal pour, la sécularisation faisant son oeuvre dans la société civile, inventer un autre type d'Eglise, plus humble, plus attentive au monde. Déjà en 1997, Eloi Méssi, dominicain camerounais, posait la question dans son livre :"Dieu peut-il mourir en Afrique?"

Elle gagnera les terres d'islam, sans doute dans les larmes et dans le sang, à l'image des émeutes de 2009 en Iran. Quoique... Je retiens ce qu'écrit Mr Olivier Roy du CNRS et auteur de La Sainte Ignorance, dans un excellent article "Révolutions post-islamiques" (Le Monde des 13-14 février 2011): "Ceux qui manifestent en Egypte sont précisément ceux qui manifestaient en Iran contre Ahmadinedjab. Ils sont peut-être croyants, mais séparent cela de leurs revendications politiques; en ce sens, le mouvement est "séculier", car il sépare religion et politique. La pratique religieuse s'est individualisée." (à suivre)

vendredi 4 février 2011

Oiseaux


Au petit matin breton, le givre blanchit la pelouse, et le jardin s'anime. Une merlette houspille un ver de terre, avec des sauts amusants; un ramier marche gravement, aux aguets car le chat n'est pas loin; le geai, éclair bleu, traverse le cèdre là devant. Et bien sûr le rouge-gorge de service est derrière la fenêtre, espérant les miettes du petit déjeuner.

Un pays sans oiseaux, c'est triste. On passe dans la garrigue provençale et là, pas un envol brusque, pas un froissement d'aile. Un pays sans oiseaux a quelque chose d'oppressant, quelle que soit la nature somptueuse qui nous accueille.

Tous les oiseaux ont leur langage, depuis le cri mélancolique du courlis annonçant la tempête, jusqu'à l'envol compliqué du cygne, l'A 380 du genre. Même le cri du grand duc, la nuit, a quelsque chose d'amical, du moins pour les humains. Et je me prends à regretter les alouettes, si peu nombreuses dans les éteules d'aujourd'hui. Mais les squares parisiens sont tellement amicaux, avec leurs moineaux bagarreurs et effrontés.

Où sont les oiseaux de Flandre, si bien dans le paysage qu'ils n'ont peur ni des usines, ni des autoroutes?