J’avais
offert un bout de pain à un enfant de huit ans. Au lieu de cacher le pain pour
aller le manger dans son coin, le petit, dès qu’il a reçu le morceau, a regardé
autour de lui pour voir s’il y avait là un autre avec qui partager ! Tout
jeune, ce gamin avait déjà ce que j’appelle « le sens des
autres. » !
Ce sens des
autres fait lui aussi partie de ta vie intérieure. Il s’agit d’aimer les
autres, non pas parce qu’ils sont sympas, mais parce que Dieu les aime.
C’est en plein le sens de la parabole du Bon samaritain. Le samaritain n’a pas
dit : « C’est un juif, je
passe. » ou « Pouah il est
plein de sang ! ». Non, il n’a vu qu’un blessé… Pour aimer comme ça, il faut une sacrée force de caractère.
Mais si ta vie intérieure est intense, c’est là que tu puises la force d’aimer.
Tu regardes le Christ qui a parlé à la Samaritaine et lavé ls pieds des
apôtres, sous le regard lourd des gens , même de ses amis.
Quand tu vis
à la surface de toi-même, tu auras beau dire que tu aimes tout le monde, ça ne
tient pas plus que des amours de plage. Oui, pour avoir le sens des autres, il
faut se perdre de vue, ne pas tout ramener à soi. Sinon ce que nous faisons
pour les autres devient une tartufferie ! Cléopâtre aimait Antoine, non
pour ses beaux yeux, mais parce qu’elle savait que pour régner, il fallait
mettre Rome de son côté !
Dans le
Monde du 21 juillet 2019, trois chercheurs avertissent : d’ici quelques décennies,
nous serons obligés de changer de modèle économique et social. Obligés de sortir
du tout profit et surtout de l’individualisme. Il faudra inventer une société
plus conviviale ! Et nous voilà en plein dans notre propos ! Une
société conviviale n’existe que pour des gens qui ont le sens des autres. Au
fond de moi, je me découvre solidaire de tous. Pour retrouver le pape François dans Laudato si n°91, je dis qu’acheter des
croquettes pour mon chat c’est bien, mais si en même temps je n’ai pas un
regard pour le réfugié à ma porte, il y a comme un défaut.
La vie
intérieure peut être un cocon, ou elle
peut être un tremplin. Loin d’enfermer l’homme sur lui-même, elle peut au contraire l’ouvrir sur les autres. Laudato si n°220 : « Pour le croyant, le monde ne se contemple
pas de l’extérieur, mais de l’intérieur, en reconnaissant les liens par
lesquels le Père nous a unis à tous les êtres. »
Notre vie
intérieure nous fait alors entrer en plein dans la société future, là où chacun
ne pourra grandir qu’en se tournant vers les autres, comme le petit gamin de tout
à l’heure.
Ce que je
dis sur le futur est peut-être une utopie ? Oui, mais c’est une belle
utopie. Ce chemin pour imaginer le monde vu de l’intérieur, nous vient tout
droit de Jésus-Christ.