Cela faisait une semaine que j’essayais de composer mon homélie
pour Pâques, pas moyen ! Chaque fois que je m’y attelais, la figure
d’Arnaud Beltrame me sautait à la figure ! Pour finir, je crois que j’ai
compris : Arnaud lui-même doit entrer dans cette homélie !
Arnaud est mort, et toute la France, tétanisée, stupéfaite,
pleure… Mais, paradoxalement, son sacrifice – car c’est bel et bien un
sacrifice, n’en déplaise à ceux qui disent qu’il n’a fait que son travail de
gendarme – paradoxalement son sacrifice a donné un souffle de vie, a réveillé
(tiens, c’est le même mot appliqué par l’Ecriture à la Résurrection :
Jésus « s’est réveillé d’entre les morts »), a réveillé tout le
pays. Tout à coup chacun se dit : « A cause de ces hommes qui donnent leur vie pour les autres, nous sommes
un beau et grand pays, vivant, capable d’aimer et de sauver, loin de la volonté
de puissance et du tout money. Il y a encore place chez nous pour le don
gratuit. » Oui, Arnaud nous a réveillés.
Une devise de la gendarmerie : « Ma vie vaut moins que la vôtre.»… C’est
un écho de la parole du Christ : « Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »
Oui, le don de soi et l’amour des autres sont des valeurs extraordinaires que
nous pouvons, sans faire les malins, proclamer à la face du monde.
Je dis bien : le don de soi ET l’amour des autres. Le
don de soi, c’est la mort pour les autres ; l’amour c’est la vie, c’est
Dieu. La mort –« ma sœur la mort », disait François
d’Assise – et l’amour sont frère et sœur. Avant Tristan et Yseult, avant les
tragédies de Jean Racine, nous savions que le Vendredi Saint et le dimanche de
Pâques sont un seul et même mystère.
La Résurrection, c’est l’amour qui traverse la mort. A la
suite du Christ, Arnaud a fait un travail de résurrection. Et je dis que chaque
fois qu’un homme, une femme ou un enfant sort de ses pantoufles pour aller vers
les autres, ce qui veut dire marcher sur son confort pour sortir de soi, il fait
un travail de résurrection.