jeudi 17 septembre 2015

4. La Mission: donner sa vie.

Du kamikaze - kamikaze volontaire - à la mère de famille qui fait tout pour mettre le bonheur dans sa maison, la "lumière de la maison", comme me disait une algérienne, il y a un point commun: tous deux donnent leur vie. La manière n'est pas la même, la mystique n'est pas la même, mais c'est vrai: le kamikaze entre volontairement dans la mort, et l'on dit aussi que la maman "se tue" au travail. Alors? Le kamikaze donne la mort, la maman donne la vie, mais tous deux donnent leur vie.

La Mission tient, elle aussi, de cette mystique du don de soi, gratuit. C'est tout à l'honneur de l'Homme de pouvoir sortir du tout-marché tout-argent pour entrer librement dans le sacrifice de sa vie. Certains ricaneront, d'autres admireront. Peu importe, le fait est là: donner sa vie rapproche tout homme quel qu'il soit, du Christ donnant librement sa vie pour nous.
Après, bien sûr, il y a manière et manière! Mourir martyr c'est pas mal, et quand un jeune part en Mission, il a toujours en fond de tableau la perspective du martyre.... Mais disons-le tout de go: donner sa vie d'un seul coup c'est beau, mais ce n'est pas ce que Dieu nous demande d'abord. Il y a d'abord ces vies données chaque jour, ces vies qui poussent l'homme, la femme, l'enfant à sortir d'eux-mêmes pour aller vers les autres... Oui, le don de soi "à petit feu", quotidien, cela peut durer toute une vie. L'Eglise a bien compris cela qui canonise, ici une mère de famille exemplaire, là un frère coadjuteur jamais sorti de son couvent. Le martyre, ça se voit bien, le quotidien se voit beaucoup moins.

J'ai toujours devant les yeux ce vieux film "Un missionnaire". Au Gabon, un jeune père spiritain tente de s'opposer à un homme qui veut enlever une fille de force. Et toc! L'abbé meurt d'un coup de sagaie. Et son jeune confrère de s'extasier: "Merci Seigneur, un martyr de plus!"... Mais dans son dos le vieux missionnaire bougonne :"Ouais, et ça fait un de moins pour le boulot."
Oui, la vie du chrétien missionnaire est une vie donnée "à petit feu". Le problème alors est de ne pas reprendre d'une main ce qu'on a donné de l'autre! Parfois on commence en Robin des Bois et on finit en Chaussée aux Moines. C'est la vieille histoire que Jésus raconte en Luc 11/24-26, quand le diable revient chez l'homme qui a remis ses pantoufles et se replie sur son auto-satisfaction.

Qui a dit :"Le don de soi révèle la splendeur de l'amour de Dieu"???

jeudi 3 septembre 2015

3. La Mission: se laisser regarder.



Il y a cette chanson, à mon goût un peu trop "crémeuse", mais dont l'expression du refrain est belle :"N'aie pas peur, laisse-toi regarder par le Christ." Voilà peut-être le premier pas de celui qui veut entrer en Mission: se laisser regarder.

D'abord, se laisser regarder par le Seigneur. Cela veut dire quoi? On pourrait traduire : vivre dans la lumière, la face tournée vers Dieu comme l'enfant contemplant le soleil qui se lève. L'Evangile, surtout l'évangile de Jean, est plein de paroles sur la lumière, plein de paroles de lumière. Depuis St Augustin, notre Tradition est remplie de cet appel :"Tu es petit et pauvre. Laisse le Christ t'illuminer, laisse-toi habiter par le Christ". Elle fut l'expérience de St Paul après Damas: "Lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort" (Eph 12/10)...

De cet abandon, vient ton témoignage. Le témoignage d'un homme, d'une femme, d'un jeune que Dieu a regardé, que Dieu a transfiguré, et qui est ainsi appelé à refléter la lumière de Dieu. Ce que je dis là n'est pas pur romantisme. Il y a une aventure personnelle du missionnaire,  du chrétien missionnaire; cette aventure, même si l'on a souvent du mal à la mettre sous des mots, est toujours une rencontre avec Dieu, rencontre qui peut décider de toute une vie.
Bon d'accord. Mais le problème ensuite, c'est de continuer à vivre sous le regard de Dieu. On n'a pas trop de toute une vie pour se laisser regarder par le Christ! Ce n'est pas un abandon passif à la volonté de Dieu, c'est une lutte contre soi-même. Car souvent, ce n'est plus le "Laisse-toi regarder par Dieu", c'est "Seigneur, regarde-moi, comme je suis gentil!".  Mais  le regard d'amour  de Dieu sur moi, lui, ne se dément jamais.


Il y a autre chose: la Mission, c'est aussi "Laisse-toi regarder par les autres." Et là, c'est un peu plus rude! Parfois, de témoin crédible on passe au rang de témoin improbable! Car le regard des autres  est souvent exigeant,  voire impitoyable. Ils exigent du témoin de l'Evangile une réelle transparence... Voilà un joli mot bien actuel: la transparence. Que tu le veuilles ou non, comme témoin tu ne t'appartiens plus, tu es sous le regard de tous, un regard qui te demande de rendre compte de ta foi. Combien d'enfants admirent leur papa parce qu'ils le voient vivre! A sa façon, le papa est pour ses enfants, un témoin de Dieu par transparence . Un responsable d'entreprise est, qu'il le veuille ou non, scruté par son personnel. On le jugera sur tout: sa compétence, son esprit d'initiative et... sur la transparence de ses comptes.
Comme chrétiens, nous sommes témoins de notre rencontre avec Dieu, bien plus que sur la doctrine que nous proclamons. Témoins de la vérité de notre foi, de la qualité de notre espérance, d'un amour qui nous dépasse. Rappelons-nous le coup du sel bien salé et du sel pas salé de l'Evangile. Si tu t'affadis, toi le témoin, tu encourras la grogne des grognons :"Les chrétiens?  Pas meilleurs que les autres!"