Nous étions six autour de la calebasse, à
piocher dans la boule de mil, à la mode sahélienne. Poliment, je crus bon d'engager la conversation. Jusqu'à
ce que mon voisin me glisse aimablement :"Tais-toi, mange. Sinon les autres vont tout manger pendant que tu
parles!"
Ce n'est pas dans notre
culture française de manger en silence. Pas plus que le fast-food . Apparemment
ce ne fut pas non plus la culture du Christ! On est frappé par la fréquence des
repas évoqués dans les évangiles. De
Cana à Emmaüs, en passant par la Cène, les gens mangent... et causent. Tant il
est vrai que pour nous, le repas est un partage. On partage la nourriture bien
sûr, mais on partage bien plus: il y a l'amitié, la joie d'être ensemble, les
rires, en un mot la parole. Un repas en famille, une invitation chez des amis,
voire un repas d'affaire, ne sont pas d'abord destinés à la survie, mais ils
nous aident à passer un moment de cœur à cœur, de grande amitié.

Le Concile Vatican 2
nous a rappelé avec bonheur que nous sommes un Peuple. Le croyant chrétien est
l'homme d'un peuple. Même si la foi est d'abord affaire de conviction
personnelle, elle se vit en Eglise. Disons que la foi est aussi un sport
d'équipe.... Mais c'est un sport d'équipe qui n'est pas encore vraiment passé
dans les mœurs. Bien des chrétiens
vivent leur foi comme une affaire privée entre Dieu et eux-mêmes. La messe est,
trop souvent encore, vue comme une dévotion personnelle où les autres n'ont
rien à voir, dans l'église et à la sortie de l'église! On fait alors comme la
poule qui a trouvé un ver de terre et se sauve avec pour aller le déguster
toute seule dans son coin.
En fait, l'Eglise est
comme une roue de vélo dont la Trinité serait le moyeu et les chrétiens la
jante. Reliés à la fois entre eux et à
Dieu par l'Esprit-Saint, les croyants font tourner la roue. Bon d'accord, la
roue ne tourne jamais très bien, il y a des jantes qui se fendent. C'est normal
car l'Eglise est en état de conversion permanente . L'Eglise est ce peuple
d'hommes, de femmes, de jeunes qui s'entraident, parfois douloureusement, à devenir ce peuple
possible qui est le rêve de Dieu.