« La mort avec sa
gueule de raie. »… Oui, la mort fait peur, elle fait peur à tout le
monde, même à ceux qui crient « Même
pas peur ! ». Or je vais dire quelque chose de terriblement
austère ; mais pour notre recherche, il faut la dire : Etty Hillesum
(décidément je l’aime !) disait : « S’engager, c’est accepter la mort. »
Là, nous sommes au centre du don de
soi, vraiment au centre. La parole de Jésus en Marc 8/38, nous le
rappelle : « Si quelqu’un
veut me suivre, qu’il prenne sa croix… » Mais il suffit de le regarder,
lui Jésus : son engagement-pour-les-autres l’a conduit tout droit à la
croix. Il avait envisagé sa mort, mais courageusement il a continué.
Personne ne va à la mort en chantant
et la fleur au chapeau ; laissons ce cliché aux va-t-en-guerre des deux
dernières. Jésus, lui, a vécu sa souffrance
et sa mort difficilement, avec angoisse à mesure que l’Heure approchait. Or il l’a fait pour nous.
Mais il y a plusieurs genres de
mort ; outre la mort définitive, il y a la mort « à petit feu », à feu doux. Et c’est là que se
place pour nous le don de soi. Quitter ses pantoufles chaque jour pour aller vers les
autres, c’est une mort ! Une petite mort peut-être, mais vécue au
quotidien. J’ai déjà évoqué le papa qui, rentrant du travail, trouve son petit
garçon qui joue sur le tapis. Fatigué, le
monsieur se carre dans son fauteuil et ouvre son journal. C’est alors qu’une petite voix monte du tapis : « Papa, s’il te plaît, viens jouer avec moi ! » Et le papa lâche son journal et s’assied sur
le tapis. Cela n’a l’air de rien, mais voilà ce que j’appelle une « petite
mort ». Le papa a sacrifié son fauteuil pour faire plaisir à son garçon.

Pour finir, c’est ainsi que l’on voit
vivre Jésus dans l’évangile. Toujours chez les autres, toujours attentif aux
autres, toujours prêt à secourir les autres, au point de violer le repos du
sabbat : la fille de Jaïre, la femme adultère, l’ami Lazare. Sa
vie-pour-les –autres prépare sa mort. Elle est déjà une « mort à petit feu » !
Il ne faut pas dramatiser. Mais soulignons
que cette mort quotidienne est aussi une mort par amour. Alors là, ça change
tout ! L’amour et la mort sont frère et sœur. Tant qu’on n’a pas allié les deux, on ne comprendra rien à
l’Evangile.
Nous verrons cela la prochaine fois.