Les pères Oblats, dont je suis, sont
dits « missionnaires des pauvres ». Bon, mais pas de quoi pavoiser,
car tous les missionnaires se disent « des pauvres », à l’instar des
Sœurs qui sont toutes des « petites » Sœurs (des pauvres, de Jésus)… Je
n’ai jamais entendu parler ni de « missionnaires des riches », ni de « grandes Sœurs des
pauvres » !
Et pourtant, les « grands »
existent ! Je viens de passer quelques jours dans un coin de la France
profonde . Loin des vents de sable de Marseille, j’ai vécu la vie de
château, moi qui me dis « des pauvres » ! Et j’en suis fort
aise. Imaginez un peu : des plafonds de cinq mètres de haut, des trophées de cerfs faisant
ressembler les couloirs aux frondaisons environnantes, ou aux barbelés de la guerre
de 14 dont le souvenir est ici omniprésent.. C’était dans l’Aisne, non loi de
Coucy-le-château, dont les restes du fameux donjon dominent le paysage.
L’Aisne est à découvrir : des
champs immenses, nus, monotones, à côté de forêts à perte de vue, de marais avoisinant
la Somme. Et partout, des traces de la Grande Guerre. Cimetières, mémoriaux
comme celui de Péronne où l’on découvre les mille astuces du poilu pour se
protéger de la mitraille… Bien sûr, les bois hachés par les obus ont repoussé.
Mais on se souvient encore de la Grosse Bertha, cet énorme canon qui tirait sur
Paris, cachée astucieusement dans la forêt voisine de St Gobain.
Car l’Aisne est aussi une terre de
pêche et de chasse. Chasse à courre, à pieds pour le lièvre, à cheval pour le
cerf. Au grand dam des anti-chasse, toujours là aux rassemblements sous l’œil goguenard
des gens du coin. Car ne nous y trompons pas : en ce pays de grande
culture, les équipages ne se composent pas seulement des nobles locaux !
Mais les cultivateurs y figurent en bonne place qui montent dignement leurs
immenses chevaux bons à affronter n’importe quel gaulis. La chasse à courre
donc, avec son vocabulaire si particulier
et fleurant bon les fastes d’antan, avec le savoir-faire séculaire de ses
pisteurs et autres piqueux.
Me voilà revenu de mon château,
ébloui et songeur aussi. Je pense que si l’on veut comprendre la France, il
faut inclure à la fois le foisonnement de ses villes, et ses terroirs. Faire le
lien entre une France qui va trop vite et une autre plus posée, plus calme, où
la vie n’est pas plus facile qu’ailleurs, mais dont la stabilité est somme
toute assez rassurante.