Bon d’accord.
Dieu n’est pas responsable de la perversité des hommes. Pas responsable des
bourreaux d’Auschwitz, pas responsable de la planète qui n’en peut plus ;
ça, on a compris.
Mais
dites : l’enfant à qui le cancer donne un ton d’ivoire, à la Timone ?
Qui a fait ça ? Et le tsunami, les tremblements de terre comme en Haïti,
l’éruption du Pinatubo, qui en est responsable ? Les hommes ? Ils vivaient
bien, ils étaient sympas, personne ne leur en voulait et d’un coup crac ! C’est
la nuit, la mort.
La faute à
qui ? Qui va crier sur qui ? Marion Muller-Collart écrit : « Pour moi, je confesse que la douleur
physique était pour moi une butée, un lieu de grand silence hermétique à toute
parole, un lieu qu’aucune lumière ne parvient
à éclairer. »

Alors Job,
tout d’abord, crie son innocence. « Je
n’ai rien fait de mal ! Alors, pourquoi ? » Mais ensuite, honteux
d’avoir cité Dieu à comparaître pour une demande d’explication (en Afrique on
dit une demande de complication), Job finit par s’incliner devant le
mystère : « J’ai parlé
sans savoir de mystères qui me confondent. Je mets une pierre sur ma bouche… »
Voilà, nous
en sommes là. Devant les pleurs de l’enfant malade, devant les furies de la
nature, nous nous heurtons au mystère, et nous aussi mettons une pierre devant
notre bouche. Ensuite, fort penauds d’avoir cherché à tout savoir, à tout
comprendre, à tout expliquer, nous nous taisons et nous entendons le P. Varillon
nous dire : « Le mal n’est
pas fait pour être compris, mais pour être combattu. » Et, comme en
écho, Marina Carrère d’Encausse raconte : « Le docteur n’en peut plus d’entendre cet enfant pleurer. Il sait
que c’est dur pour elle, mais il est heureux que Fatimah soit là, dans un coin
de cette chambre. Cette femme si généreuse, si attentive, va aider cet enfant
et sa mère à franchir le cap. Et Fatimah se penche vers l’enfant, pose une main
sur sa poitrine. Puis elle regarde sa mère et dit : « Aimons-le. »
C’était « aider » qu’elle voulait dire, mais « aimer » lui
a échappé. (Une femme blessée p 103).
Nous
chrétiens, nous tenons deux choses devant la souffrance : le mystère, et
la volonté de se battre. Et là, nous rejoignons tout simplement notre foi au
Christ. Nous disons avec Paul Claudel, ce lumineux : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance,
ni l’expliquer, il est venu la remplir de sa présence. »
Oui Jésus a
habité la souffrance des hommes et son mystère. C’est le mystère de l’Ecce
Homo.