jeudi 7 mars 2013

Infra-optimisme et méta-pessimisme

Voilà deux mots qui ne veulent strictement rien dire, mais qui m'enchantent. Car ils reflètent parfaitement mes états d'âme face à ce pape qu'on va élire. Je ne suis ni optimiste ni pessimiste, j'ai envie d'être indifférent... Une sorte de blues. Non pas que le sujet ne me concerne pas, mais au vrai, je n'attends pas grand'chose de cette élection. Un pape conservateur en sortira, à moins que l'Esprit saint ne nous réserve une de ses blagues favorites.

Alors que... "Alors que" n'est pas très français, mais je ne suis pas regardant quand ma bile déborde. Car enfin, il y a à Rome une Curie qui est en passe de devenir la risée du monde entier. Une assemblée de vieillards cacochymes qui n'a qu'un horizon: que rien ne change dans l’Église... Je ne fais pas dans la nuance, il faudrait y voir de plus près. Ils ne sont pas tous cacochymes, ni tous imbus de leur romanité. Mais en gros, il faut dénoncer un pouvoir abusif qui s'abrite derrière une papolâtrie d'un autre âge.

Le Concile avait révélé la force, la pertinence des conférences épiscopales, leur sens pastoral, leur ouverture au monde. Mais dès que chacun fut rentré dans son diocèse, les rats regagnèrent le navire romain, et voilà!

Optimiste? Pessimiste? Il faut en tout état de cause appuyer sur l’extrême urgence d'une décentralisation de l’Église, d'une mise à la raison de la Curie - et de façon permanente - par les conférences épiscopales. On nous dit que le Pape est garant de l'unité, mais pour le moment c'est l'unité de Rome avec Rome. Que fera le nouveau pape?

lundi 28 janvier 2013

inquiétudes

Je suis inquiet. Nous sommes inquiets; tout le monde est inquiet.
Inquiet: un mot qui veut dire: pas-tranquille. Tout le monde n'est pas tranquille, à part les marmottes et les ours;  et encore, seulement quand ils hibernent.

Il y a de petites inquiétudes, par exemple, quand je vois que je suis le seul à ne pas prendre de comprimés parmi mes commensaux, je me demande... Bon, ce n'est pas grave.

Il y a des inquiétudes moyennes, par exemple l'avenir de l’Église. C'est un peu plus grave.

Et il y a des grosses inquiétudes, car elles courent le monde, disparaissent ici, renaissent là, toujours menaçantes. Entre autres, le terrorisme "religieux". On a bien fait, très bien fait, d'intervenir au Mali; ce n'est pas une emplâtre sur une jambe de bois, c'est un coup d'arrêt très sérieux porté au fanatisme, avertissement pour les uns, encouragement pour le reste du monde.
Mais je suis tout à fait d'accord avec Mr Hosni Abidi qui, dans une récente émission de C dans l'air, affirmait: " Tant qu'on n'aura pas agi sur les racines de l'islamisme, on aura toujours du terrorisme. Or, ces racines sont en Arabie Saoudite et au Qatar, dans le wahhabisme et le salafisme.*
Ainsi, disons-le: les aladji camerounais ou nigérians (pèlerins revenant de la Mecque), qui envoient leurs fils étudier en Arabie Saoudite, sont directement responsables de la montée du fondamentalisme dans les mosquées de Maroua et de Maïduguri. Même s'ils s'en lamentant.

Comment agir pour que ce choléra cesse de se répandre, aidé par quelques pétrodollars? Cela, c'est une autre affaire; pour le moment, on constate que les pays occidentaux, en particulier la France, font de très bonnes affaires bien juteuses là-bas.

Inquiétudes, petites ou grandes, mais espérance quand même. Or ça, partageons la dernière phrase du beau Credo de Dom Helder Camara :"J'ose croire au rêve de Dieu même: un ciel nouveau, une terre nouvelle où la justice habitera."

mardi 1 janvier 2013

Tel un aigle...

Oui, tel un aigle planant sur la garrigue, je plane au-dessus du monde en le contemplant d'un œil perçant et perspicace....
Pas mal comme introduction. On dirait du Victor Hugo. En fait, c'est un tout petit survol de ce qui se passe et qui m'étonne, ou m'amuse suivant le moment.
Le mariage gay par exemple. Je n'entre pas dans le débat, je plane. Il y a des gens qui réfléchissent, des deux côtés, et qui ont des arguments pesés, motivés, valables. Des deux côtés. Et puis il y a les médias, parfois bons, parfois experts en débats pipés. Alors là, ce ne sont plus des arguments échangés courtoisement. Non, on "joue le bonhomme" et - honteusement - on flatte l'inconscient collectif. Dès lors, il suffit qu'un catholique ouvre la bouche, même sans dire qu'il est contre, et on l'envoie sans délai dans l'enfer des attardés, des ringards; pour tout dire, des ennemis du Progrès. Alors tout est dit. Comme l'écrit Jean-Claude Guillebaud dans La force de conviction, en étant contre, on commet un sacrilège contre la religion Progrès! Qu'avons-nous  besoin d'autres avis pour condamner sans plus d'examen ce pendard?

Le commerce aussi, fin renard, connaît bien son monde. Pour faire vendre, on n'écrit pas sur le paquet de lames de rasoir "Mieux", car cela sentirait la concurrence déloyale, mais on inscrit "Nouveau", et cela suffit. La religion Progrès comptera une foule de glabres fidèles en plus.

Est-ce un mauvais procès que je fais là? Je n'en sais rien, je plane...

mercredi 5 décembre 2012

Liberté chérie!

Quand on lit Jean 10/9, on constate que Jésus dit :"Je suis la porte. Celui qui entrera par moi sera sauvé; il pourra entrer et sortir..." Si je lis bien, il ne s'agit pas d'enfermer les fameuses brebis dans un enclos, fût-il bien sympa et bien chaud, peuplé de croyants souriants et épanouis comme dans les brochures des Témoins de Jéhovah. Si Jésus veut rassembler ses "brebis", c'est pour les appeler à la liberté! Avant le 14 juillet, reconnaissons-le: la première manif pour la liberté, ce fut bien celle d'Adam et Eve au Paradis. Ce qui me fait dire, avec les chrétiens d'Amérique Latine, que le premier révolutionnaire, c'est Dieu.

Trop longtemps, l'Eglise a été hésitante sur ce chemin de la liberté. Il suffit d'un rapide survol pour s'en convaincre. Dans les premiers siècles, au temps des martyrs, il y eut l'affaire des lapsi, ces chrétiens qui avaient sacrifié aux idoles par peur des persécutions, et qui voulaient revenir. Pouvait-on les réintégrer, ou fallait-il leur claquer la porte de l'Eglise au nez? Heureusement, le pardon l'emporta. Or le pardon libère, du côté du pardonné comme de l'autre.

Ensuite, il y eut la conversion des "barbares". De très bons et très grands missionnaires se levèrent: St Boniface,  St Colomban, St Martin.... Mais déjà, on oublia pas mal la liberté, il y eut des conversions musclées en masse, et l'on poussa les brebis dans l'enclos, tels les saxons. Où était Dieu là-dedans?
Il y eut l'Inquisition et ses procès staliniens. Pourtant, parmi les inquisiteurs, s'il y eut des satrapes, on trouva aussi des miséricordieux, surtout chez les franciscains... Ainsi continuèrent à se cotoyer coercition et liberté jusqu'aux temps modernes. Des saints comme Philippe Néri, le curé d'Ars, St Eugène de Mazenod eurent la difficile mission de gérer le problème. Mais peu à peu, s'imposa à l'Eglise, peut-être sous l'influence des révolutions et autres "printemps", la conviction qu'il n'y a pas de chrétien sans liberté et sans décision personnelle. Ce courant a toujours existé, de St Ambroise à Ignace de Loyola, mais il occupa une place centrale au Concile Vatican 2. Là, on parla moins de brebis perdues que de brebis différentes... Des tas de brebis qui n'entreront jamais dans l'enclos, mais que Dieu aime. Sans être ovinologue (c'est comme ça qu'on dit?), je suppose qu'il y a une infinie diversité de moutons sous le soleil de Dieu!

Et surtout, on mit en avant l'adhésion libre à l'Evangile. Hélas dans l'inconscient collectif de notre pays, combien continuent à voir l'Eglise comme une entreprise de contrainte! Or nos contemporains ont horreur de tout ce qui ressemble à de la manipulation mentale, même s'ils s'y laissent prendre trop souvent. Avons-nous compris le message, nous autres gens de la nouvelle évangélisation?

L'autre jour, j'ai été saisi par le sourire des gens après une réunion. Nous avions partagé sur la foi de chacun: depuis quand ta foi est-elle devenue personnelle? Quels sont tes doutes? etc. Réflexion d'un participant :"On nous parle beaucoup de la foi, la foi, la foi. Mais il est rare qu'on nous permette de parler nous-mêmes sur notre foi." Cela a fait tilt dans ma tête. Un Evangile de liberté...

dimanche 21 octobre 2012

Des hommes-catastrophe

Décidément, le monde va mal. L'autre jour sur RCF, un évêque évoquait ce malheureux monde dans les ténèbres, que la Nouvelle Evangélisation, ayant les faveurs d'un synode actuellement, sauvera à coup (presque) sûr.

Il y a des gens qui mangent "le monde" à tous les repas: au hors-d'œuvre, l'hédonisme; le plat de résistance, ce sera le relativisme. Et au désert, l'indifférentisme. La cata à tous les étages! Je pense parfois à ces films américains: plus les flammes sont hautes, plus les explosions terrifiantes, et plus le héros sera héroïque. Ainsi l'Eglise qui flotte sur les flots déchaînés de l'incroyance, supplie Jésus de calmer la tempête, une fois de plus.

Trêve d'ironie. Mais je m'étonne quand même: des chrétiens n'ont que le Concile Vatican 2 à la bouche, mais on a parfois l'impression que c'est pour mieux l'enterrer! Le Concile nous a habitués à voir "le monde" sous un œil plus positif, il nous a rappelé que l'Esprit-Saint travaille même hors de l'Eglise.

Merci à Jérôme Vignon qui, dans la lettre des Semaines Sociales d'octobre, conteste certaines affirmations des Linéamenta, premier des documents préparant l'actuel Synode sur la Nouvelle Évangélisation. "Un document qui, à côté d'analyses très fines, a des affirmations excessivement pessimistes sur l'état du monde et de la société"... Jérôme prend ainsi le relais du cardinal Frings qui, au Concile, s'opposait de front au cardinal Ottaviani dénonçant le "poison de la modernité".... Au lieu de laisser les hommes-catastrophe sonner le tocsin, ne vaut-il pas mieux faire appel à notre expérience missionnaire, nous qui, à la suite du Concile, avons trouvé tant de richesses, d'amour, de questions cachées aussi, dans "le monde de ce temps."

Je ne nie pas que l'Eglise ait un rôle de veilleur en dénonçant les tares de la société. Mais d'abord, aujourd'hui les gens n'aiment pas qu'on se frappe la poitrine sur celle des autres. Ils préfèrent les témoins. Ensuite, à quoi cela sert-il de jouer les Cassandre si, à l'instar de Cassandre, on n'est pas ou peu écouté? Mieux vaut se demander pourquoi la société civile nous écoute si peu? On comprendra alors qu'aujourd'hui, les gens n'écoutent pas ceux qui prétendent être au-dessus ou à l'extérieur de leur monde. Si Vatican 2 a eu un tel retentissement, n'est-ce pas pour deux raisons: l'Eglise a eu d'abord un regard positif sur le monde; ensuite elle s'est située à l'intérieur et dans le monde, et non au-dessus et à côté.

J'aime bien la démarche de l'archevêque du diocèse d'Aix-et-Arles, Christophe Dufour, parlant dans sa lettre pastorale d'octobre 2012. Ayant visité sa région, il admire d'abord la lumière de Provence et les raisons d'espérer. Ensuite, il relève les souffrances dues aux inquiétudes pour l'avenir de la région. Dans son discours, nulle trace de reproche, nulle dénonciation, seulement une grande compassion, après une belle sympathie.

Et je me souviens que Madeleine Delbrel disait, un peu dans le style de Péguy :" La foi est une passante: aucun temps ne lui est réfractaire, elle n'est réfractaire à aucun temps, elle est faite pour le temps, elle est destinée à chaque temps, et quand un temps lui semble être réfractaire,c'est à nous qu'il est sans doute réfractaire, parce que nous drainons avec nous le résidu d'un autre temps..." (Nous autres gens des rues)

Ils sont heureux les gens de bien!

lundi 1 octobre 2012

Il y a sacré et sacré

Comme le disait un pasteur sur RCF (Radios Chrétiennes en France), si le sacré est un obstacle à la liberté d'expression, alors il n'y a plus de liberté d'expression.

Mais au fait, qu'entendons-nous par "sacré"? Si cela signifie intouchable, séparé, tabou, pour nous chrétiens, ce sacré n'existe pas, comme le dit très bien Jean-Noël Bezançon. Depuis l'Incarnation, le voile du Temple s'est déchiré, Dieu est parmi les hommes, même si, par la suite, l'Eglise - copiant en cela l'Empire romain - a voulu abusivement rétablir le sacré-séparation. Ce qui a donné, par exemple, la Messe dos au peuple et le port de la soutane. Non, ne recousons pas le voile du Temple!

Pour nous, depuis Jésus, le seul sacré c'est l'homme. L'homme dans sa dignité, l'homme digne de respect et d'amour. Ce n'est pas un sacré qui sépare, mais un sacré qui nous fait solidaires de tout homme. C'est notre conviction, et en cela nous rejoignons les humanistes, tous les humanistes qu'ils soient croyants ou non.

Donc, il ne faut pas se tromper de sacré. Mais voilà: il y a le "scandale du faible" comme dit St Paul. Les "forts dans la foi" peuvent supporter caricatures, films insultants et autres peintures. Mais les faibles? Si ce que je dessine doit faire du tort à mon frère, le scandaliser, vais-je encore dessiner? Au nom de la liberté d'expression, vais-je encore travailler pour la paix?

Oui, euh, hé, hein, bon! D'accord. Mais le faible, quand sortira-t-il de sa faiblesse? Quand ne se trompera-t-il plus de sacré? Et, pour ce faire, quand osera-t-on soumettre les "textes sacrés" comme le Coran à la critique littéraire et historique? Quand les éléments les plus éclairés parmi les musulmans auront-ils le droit d'intervenir en théologie? Quand le soufisme aura-t-il vraiment droit de cité?
On a parfois l'impression que, pour certains qui se disent musulmans, la seule façon de se défendre, ce sont les hurlements, les fatwa et les mains coupées. En fin de compte, tout cela n'est qu'un aveu de faiblesse, comme toute politique de coercition d'ailleurs.

En 2012, il faut absolument aller plus loin, et laisser historiens et exégètes faire leur travail. Que ce soit en christianisme ou en islam.